CES MAINS-LÀ
« De Lorimier
- J’vais leur parler de tes mains…Des
mains faites pour saluer des amis ou pour couper du pain…Des mains faites pour
prier des fois…»
J’étais justement
dans cet état de flou artistique depuis un certain temps, lorsque j’ouvrai la
télévision et que je tombai sur l’excellent film 15 février 1839, de Pierre Falardeau. C’était, soit dit en passant,
samedi dernier, le 15 février 2014. 175 ans après les tristes faits.
Arriva alors
cette merveilleuse scène, forte et touchante.
Celle où, dans la prison de Montréal, Jean Baptiste Laberge demande à
Marie-Thomas Chevalier De Lorimier - ce dernier sera d’ailleurs pendu quelques
heures plus tard - de témoigner de tous les efforts et de tous les sacrifices
qu’il a faits pour son pays et pour sa famille avant de se faire voler sa
terre. Il exhorte De Lorimier de témoigner du labeur de ses pauvres mains.
Dans cette
courte séquence réside toute une leçon d’humanité qui restera gravée dans ma
mémoire longtemps.
Cette
dernière m’a aussi fait penser que dans nos belles expressions imagées, il est
régulièrement question de la tête, du cœur, des bras, des épaules, des jambes,
des pieds, des yeux, du nez. N’est-ce pas ? Par exemple, ne dit-on pas, il a
une tête sur les épaules, elle a du cœur au ventre, il a les deux pieds sur
terre, elle tient le monde sur ses épaules, il a le bras long, elle a le nez
fin, il a des yeux de lynx, etc.
Mais qu’en
est-il des mains qui ont défriché, tiré, pioché, raboté, découpé, taillé,
équarri, sculpté, semé, chassé, pêché, protégé, bercé, cajolé, bichonné, consolé,
brodé, cousu, lessivé, pétri, cuisiné, enjolivé, élevé, enseigné, revendiqué ?
Qu’en est-il de ces mêmes mains qui ont écrit l’Histoire; qui ont construit
maisons; qui ont bâti pays ? Quelle place ont-elles dans notre imaginaire
collectif ?
De nos jours,
Il est facile de s’endormir, d’oublier. Il est aisé de se laisser berner par
les sirènes du confort et de l’opulence. À ce rythme, nous finirons par croire que
la réalité débute avec nous et se termine avec nous. Pourtant, la terre sur
laquelle nous avons les deux pieds bien ancrés, la nation qui est la nôtre
n’est pas née de la dernière pluie. Elle a été modelée et façonnée par des
mains courageuses, travaillantes et ancestrales.
Ce texte est
un hommage à tous ceux et à toutes celles qui nous ont précédés et qui ont fait
en sorte que nous n’arrivions pas au monde les mains vides.
À nous maintenant de mettre les mains à la pâte et de continuer le travail amorcé il y a 400 ans et des poussières, dans
l’honneur et la dignité.
Jean-Luc
Jolivet