dimanche 20 décembre 2015


LE TOURNOI DE HOCKEY SUR TABLE….ou comment devenir un meilleur mauvais perdant !

(Conte de la Noël poche qui suinte la gomme à savon et la morale à 10 cennes)

J’avoue que lorsque VJ nous a proposé de faire un p’tit tournoi de hockey sur table durant les Fêtes, j’ai hésité un brin.  

Quoi ? Qu’as-tu à me juger comme ça lecteur du dimanche ? Tu me trouves pissou n’est-ce pas ? Vas-y, crache le morceau, dis le fond de ta pensée. Sache, cher lecteur bien assis sur ta belle assurance, qu’on ne badine pas avec ses bons souvenirs. Parfois, mieux vaut les laisser tranquilles et se satisfaire d’eux. T’sé, peut-être est-il préférable de se complaire dans l’idéalisation de son passé que de subir l’humiliation publique ? Dis-moi, serais-tu assez fou pour démontrer à toutes et à tous que tu es un champion sur le retour dans un domaine où tu as déjà excellé ? Voilà ! Toi le premier, tu y penserais à deux fois sachant que le piédestal est vite déboulonné. On ne prend pas ces décisions sur un coup de tête, pas compliqué à comprendre me semble.

Ceci étant dit, après avoir maudit le dieu du hockey sur table un bon cinq minutes, j’ai tout de même répondu présent ! Moi qui ne choisis plus mes sports qu’en fonction de me battre moi-même - ce qui est toujours plus pratique car, de cette manière, y a juste moé qui connais ma médiocrité - me suis dit que s’il mettait cette dure épreuve sur mon chemin, c’tait pas pour rien. Y a sûrement une grande leçon à tirer de tout ça. 
     
Bon, on s’égare.

Toujours est-il que ce satané tournoi, au moment où j’écris ces lignes, n’a toujours pas eu lieu. Tu te dis, toujours temps de reculer d’abord. Pas question que j’te réponds !

Pourquoi ? Simple. J'te raconte.

Le samedi 12 décembre dernier, ben on est allé à Grand-Mère (oui, oui, je sais, maintenant on dit Shawinigan, mais je dis Grand-Mère pareil, c’tu assez clair !), donc, le samedi 12 décembre dernier, on est allé à la maison familiale pour fêter Mom, PJ et JP II.

Faque, quand j’suis arrivé, je soupçonnais l’arnaque, le guet-apens. Y avait juste les filles en haut. J’suis devenu nerveux quand j’ai demandé à Mom…où sont les gars ?  En bas qu’elle me dit - pas long que j’anticipais le reste - et elle d’ajouter, y jouent au hockey sur table !!!

Merde, le ver est dans la pomme, le yabe est aux vaches, la chicane est dans cabane, j’peux pu me sauver que j’pensais. C’est donc ben vrai, VJ était sérieux. Occupé comme il est, j’me disais pour me convaincre, qu’il n’aura pas le temps d’aller acheter le jeu. Il se confondra en excuse, me paiera une bière et puis voilà le tournoi tombera à l’eau. Je n’aurai pas perdu la face en acceptant d’embarquer dans ses folies, pis sauvé par le destin, on en restera là. Pas plus heureux, mais moins malheureux certain. 

Mais non, la vraie vérité me sautait dans face. La gang de joyeux lurons était dans cave. Y m’attendait. VJ avec tout le kit. Les équipes, les rondelles, son gilet - pas mal trop petit - des Habs sur le dos. Y manquait juste la p’tite coupe Stanley (avant, elle venait avec le jeu, anyway). Pis la belle table, au milieu de ce sous-sol tant aimé, brillait de tous ses feux et d’mandait rien d’autre que d’être utilisée.

Les shake m’ont pogné. L’effervescence s’est installée. J’étais comme possédé. Le temps s’est automatiquement suspendu. Comment ne pas succomber au chant des sirènes ? Comment réfréner tous ses beaux souvenirs qui m’envahissaient tout à coup. Comment oublier le premier jeu qu’on a eu ? Les matchs avec mon père, mes frères et mes amis. Les victoires éclatantes et les défaites humiliantes. Non, c’était impossible. Je devais plonger.

Lorsque PJ m’a servi une bière, là, j’étais fait à l’os. Le sort en était jeté, le contrat venait d’être scellé.

Quand on a commencé à jouer, j’étais ferré d’aplomb. Me suis pris à penser que je n’avais pas perdu la main, que j’étais toujours compétitif pis que j’étais à la hauteur de mes adversaires. J’ai même pensé pouvoir arracher une ou deux victoires. Mais PJ a remarqué ma nervosité pis il n’a pas attendu longtemps pour l’exploiter. Me sentait fragile. Ne manquait plus rien que l’arrivée de Venoud, le champion incontesté.

Ça fait que la suite est moins glorieuse. Que des défaites !! Une après l’autre. Le supplice de la goutte d’eau. Fallu que je me parle. Que je réconforte mon estime. Que je me dise, ben non, t’es bon ailleurs, dans d’autres domaines. Ouain, quels autres justement ? Répliquait ma p’tite voix baveuse. J’ai gardé mon sang-froid. Pour ne pas perdre davantage la face, j’ai manié l’humour avec adresse et ai balancé aux vainqueurs qu’ils devaient avoir la victoire humble, qu’ils devaient être bons gagnants. On a ben rigolé malgré tout. Pis on est allé souper.

J’me suis surpris à ne pas être fru et à encaisser la défaite avec légèreté.

Pendant que je dégustais le délicieux coq au vin du paternel, me suis fait cette promesse. Malgré que je sois le François Pignon de ces séries, je participerais tout de même à ce tournoi.

Et puis de réaliser. C’est drôle comment en vieillissant, je deviens un bien meilleur mauvais perdant !



Jean-Luc Jolivet

jeudi 10 décembre 2015

À M.D.

LE PLUS BEAU JOUR DE SA VIE



Elle était bleue. Bleue comme les cieux de son Limoilou natal. Bleue comme les yeux de son papa qui avait vécu, quelques années auparavant, un terrible drame. Elle était bleue, sa première bicyclette.

Mais l’attente avant de l'avoir fut longue. Très longue. À cause du chagrin et des angoisses de son père, le vélo était banni, pour ne pas dire excommunié de la famille. Pas question qu’un seul de ses enfants enfourche cette invention maudite. Cet objet que le diable avait dressé sur sa route et qui avait changé le cours de sa vie et mis fin à celle d’un malheureux petit garçon.

Marie était toute chamboulée par la tragédie, mais également par le fait qu'elle ne parvenait pas à se faire à l’idée qu’à 10 ans, les joies salvatrices d’une bonne ride de vélo lui étaient interdites. À un certain moment, son cœur avait conclu qu’elle ne pourrait pas, comme son amie Kiki, en posséder un aussi beau qui brillait au soleil. Elle en était même venue à croire qu’elle ne connaîtrait jamais la félicité de sentir le vent chaud de l’été sur son visage et les plaisir enivrants de la liberté. Elle se croyait  condamnée à marcher pour le reste de ses jours et à  rester sur le carreau, alors que les autres….oui, les autres, pouvaient allègrement rouler jusqu’à plus soif et s’inventer des mondes fantastiques.    

Et puis soudain, un jour, alors qu’elle flânait comme une âme en peine dans les rues de son quartier, l’espoir réapparut sur le mur d’un édifice. Cette affiche «bicycle à vendre» venait de rallumer son rêve. Sa patate se mis à battre à tout rompre, ses tempes se couvrirent de sueur et les papillons se réveillèrent dans son estomac. Elle ne pouvait laisser passer la chance de sa vie. À partir de là, elle n’avait plus qu’une idée en tête. Convaincre son père de changer son fusil d’épaule.

C’est alors qu’elle empoigna fermement son courage à deux mains et alla retrouver son paternel qui était fermé comme une huître. Il ne voulait rien entendre. C’était bien mal la connaître que de penser qu’elle se contenterait d’une fin de non-recevoir. Appuyée par sa mère dans sa quête du Saint Graal, le géniteur fini par céder.

Quelques heures plus tard, ils se rendirent à l’adresse indiquée sur l’affiche pour voir la fameuse monture. Fort heureusement, elle n’était toujours pas vendue. Le vélo n’était peut-être pas neuf, mais il était en très bon état et Marie se voyait déjà partir à l’aventure avec son nouveau compagnon. Après d’âpres négociations, la bicyclette lui appartenait pour la somme de 15 dollars. C’était tout un montant d’argent pour cette famille qui ne roulait pas sur l’or.

Pour Marie, cette journée restera à jamais gravée dans sa mémoire. Par cet achat, son cher petit papou faisait d’une pierre deux coups. Il permettait au bonheur de briller à nouveau dans les yeux de sa fille chérie tout en se libérant de sa chape de plomb et de ses tourments. Maintenant, tous les possibles s’ouvraient à eux.

Elle était bleue. Bleue comme les cieux de son Limoilou natal. Bleue comme les yeux de son papa qui avait vécu, quelques années auparavant, un terrible drame. Elle était bleue, sa première bicyclette. Il était bleu, le plus beau jour de sa vie.



Jean-Luc Jolivet