LE VERRE
ÉCLATÉ
Ma réflexion a
débuté par une anecdote. Par un simple fait divers. Rien pour écrire à sa mère.
Pas plus qu’il y a matière à encombrer les nouvelles de fin de soirée.
Il n’en
demeure pas moins que ce texte puise sa source dans un événement anodin. Il prend
prétexte de l’explosion en mille miettes de la vitre d’une banale table de
jardin, pour tendre vers autre chose.
Pour parler de
quoi, au juste ? D’économie pardi ! Surpris ? Pas plus que moi.
Jamais je
n’aurais cru qu’un jour j’arriverais à faire un lien entre un meuble qui
s’effondre et les dérives de la finance.
En plus, je l’avoue
et j’en suis honteux, je n’y connais rien en ce domaine. Pour vrai.
Sincèrement, j’aurais préféré naître avec la bosse des affaires qu'avec une
intelligence émotionnelle. Ou pourquoi pas avec un mélange des deux. Mais ce
n’est pas ça la réalité. Les faits, c’est que je suis beaucoup plus remué
devant un poème bien ciselé, une œuvre cinématographique, une chanson
immortelle ou un paysage bucolique que devant une colonne de chiffres.
N’empêche,
malgré mes connaissances anémiques sur le sujet, je ne me retiendrai pas d’y
aller de mes impressions.
Depuis la
nuit des temps, le nerf de la guerre c’est l’argent. Y a rien de nouveau
là-dedans. Faut donc pas s’étonner que ceux qui en tirent profit nous parlent constamment
de récession, de stagnation, de taux d’intérêt, d’inflation, d’augmentation de
taxes, du coût de la vie, de PIB, de déficit, de dette, d’économie qui
s’effondre ou qui va frapper un mur, de compression budgétaire, de fermeture, de
mise à pied, de chômage, de pauvreté, de faillite, de banque mondiale, de cote
de crédit, j’en oublie et j’en passe.
On ne s’en
sort pas, c’est le système dans lequel on vit. Faut faire avec. Faut faire de
notre mieux pour garder la tête hors de l’eau.
Jusqu’à tout
récemment, malgré le pessimisme ambiant, j’avais toujours nourri l’espoir de
vivre dans un monde plus équitable, dans une société plus juste où la richesse
serait mieux répartie.
Mais là, je
commence à douter sérieusement. J’ai bien peur que nous soyons à un tournant
décisif. La glace est mince. L’équilibre est fragile. La politique de
l’austérité et du démantèlement ne me dit rien de bon et je crains ses effets.
J’appréhende le
jour où nous basculerons définitivement.
Je redoute le
jour où l’économie aura irrémédiablement pris le pas sur l’humain.
Je suis
soucieux. J’espère que sous le poids de la fatigue, sous le poids de nos
obligations, nous ne finirons pas tous par craquer comme la vitre de cette
banale table de jardin.
Au train où
vont les choses, j’ai le mauvais pressentiment que de plus en plus de
personnes, de couples et de familles éclateront comme ce verre que nous avons
ramassé dernièrement à la petite cuillère.
Malgré tout
ce que je viens d’écrire, je ne baisse pas les bras. Il est encore temps de
nous ressaisir et de retrouver nos esprits.
Nous devons
reprendre le contrôle. L’économie doit être à notre service et non le
contraire.
C’est
primordial. C’est nécessaire.
Jean-Luc
Jolivet