vendredi 17 octobre 2014

LE VERRE ÉCLATÉ

Ma réflexion a débuté par une anecdote. Par un simple fait divers. Rien pour écrire à sa mère. Pas plus qu’il y a matière à encombrer les nouvelles de fin de soirée.

Il n’en demeure pas moins que ce texte puise sa source dans un événement anodin. Il prend prétexte de l’explosion en mille miettes de la vitre d’une banale table de jardin, pour tendre vers autre chose.

Pour parler de quoi, au juste ? D’économie pardi ! Surpris ? Pas plus que moi.

Jamais je n’aurais cru qu’un jour j’arriverais à faire un lien entre un meuble qui s’effondre et les dérives de la finance.

En plus, je l’avoue et j’en suis honteux, je n’y connais rien en ce domaine. Pour vrai.

Sincèrement, j’aurais préféré naître avec la bosse des affaires qu'avec une intelligence émotionnelle. Ou pourquoi pas avec un mélange des deux. Mais ce n’est pas ça la réalité. Les faits, c’est que je suis beaucoup plus remué devant un poème bien ciselé, une œuvre cinématographique, une chanson immortelle ou un paysage bucolique que devant une colonne de chiffres.

N’empêche, malgré mes connaissances anémiques sur le sujet, je ne me retiendrai pas d’y aller de mes impressions.

Depuis la nuit des temps, le nerf de la guerre c’est l’argent. Y a rien de nouveau là-dedans. Faut donc pas s’étonner que ceux qui en tirent profit nous parlent constamment de récession, de stagnation, de taux d’intérêt, d’inflation, d’augmentation de taxes, du coût de la vie, de PIB, de déficit, de dette, d’économie qui s’effondre ou qui va frapper un mur, de compression budgétaire, de fermeture, de mise à pied, de chômage, de pauvreté, de faillite, de banque mondiale, de cote de crédit, j’en oublie et j’en passe.

On ne s’en sort pas, c’est le système dans lequel on vit. Faut faire avec. Faut faire de notre mieux pour garder la tête hors de l’eau.

Jusqu’à tout récemment, malgré le pessimisme ambiant, j’avais toujours nourri l’espoir de vivre dans un monde plus équitable, dans une société plus juste où la richesse serait mieux répartie.

Mais là, je commence à douter sérieusement. J’ai bien peur que nous soyons à un tournant décisif. La glace est mince. L’équilibre est fragile. La politique de l’austérité et du démantèlement ne me dit rien de bon et je crains ses effets.

J’appréhende le jour où nous basculerons définitivement.

Je redoute le jour où l’économie aura irrémédiablement pris le pas sur l’humain.

Je suis soucieux. J’espère que sous le poids de la fatigue, sous le poids de nos obligations, nous ne finirons pas tous par craquer comme la vitre de cette banale table de jardin.

Au train où vont les choses, j’ai le mauvais pressentiment que de plus en plus de personnes, de couples et de familles éclateront comme ce verre que nous avons ramassé dernièrement à la petite cuillère.

Malgré tout ce que je viens d’écrire, je ne baisse pas les bras. Il est encore temps de nous ressaisir et de retrouver nos esprits.

Nous devons reprendre le contrôle. L’économie doit être à notre service et non le contraire.

C’est primordial. C’est nécessaire.

Jean-Luc Jolivet