UNE LUMIÈRE S’EST RALLUMÉE AU RAYON DES ÉCLOPÉS
Du fin fond de son indigence, elle a réussi à s’extirper.
Dans un ultime sursaut de vie, elle a trouvé le courage de sortir
de son marasme et d’aller marcher pour s’aérer l’esprit et remettre de l’ordre
dans ses idées. C’est alors qu’elle tomba sur une belle grosse flaque de soleil
qui luisait là, juste pour elle, sur le trottoir. Comme si l’espoir lui disait
«tu n’es pas seule, viens te réchauffer».
Elle s’est virtuellement enroulée dedans comme s’il s’agissait d’une énorme couverture chaude et réconfortante brodée par sa grand-mère. Elle s’y
est emmitouflée en pensant à la douce sécurité des bras de son père qui, en des
temps bénis et plus heureux, savaient la rassurer.
Pour refaire ses forces, elle a bu tous les rayons lumineux
à sa disposition en prenant bien soin de «bénir la rue» pour cette oasis
inespérée dans ce drôle de voyage.
Ce moment de grâce lui a permis de retrouver sa petite
musique intérieure et l’a aidée à repousser la puissance du vide qui l’avait
agrippée depuis déjà trop longtemps et qui ne voulait plus la lâcher.
Une lumière s’est rallumée au rayon des éclopés. Une âme en
déficit d’amour a été plus forte que la mort. Elle sait maintenant qu’elle aura
le temps de s’accomplir et d’aller au bout de ses talents.
Cette belle jeune femme blessée, qui s’était échouée sur
les rives de cette ville froide et impersonnelle, vient de remporter une
victoire qui ne fera peut-être pas les nouvelles, mais qui vaut tous les
doctorats honoris causa qu’une université renommée peut décerner.
Comme quoi, la ligne entre le néant et une vie bien remplie
est plutôt mince.
Jean-Luc Jolivet