jeudi 17 décembre 2020

 

 

PAUSE LITTÉRAIRE

 

Comment ça fonctionne tout ça ? Ça restera toujours un joyeux mystère pour moi.

Parfois, je pars et me dirige vers ma librairie indépendante favorite - la Librairie Vaugeois pour ne pas la nommer 😉 - avec en tête une liste précise. Je sais ce que je veux. Mais aussitôt entré, un livre me prend par la main. M’invite à lire le résumé sur sa 4e de couverture. Je l’ouvre et parcours quelques lignes et puis je ressors avec sans avoir acheté ce qui m’avait fait me déplacer. Puis, c’est la symbiose totale. Une union parfaite avec son contenu et mon état d’esprit, mon humeur. Un délice.

À d’autres moments, je ne me laisse pas distraire. Je vais me procurer exactement le livre de l’auteur.e - oui oui, je mets un «e», j’haguy le mot autrice - que je connais bien et dont j’attendais impatiemment la sortie de son nouveau chef-d’œuvre. Puis, je reste un peu sur ma faim. Pas que c’est mauvais. Mais, allez savoir pourquoi, ça ne colle pas.

Enfin, il y a des livres que je regarde prendre vie nonchalamment. Je suis un peu indifférent. Je lis les critiques en diagonale. Je me dis, si j’ai une chance de le lire un jour, je le ferai. Arrive alors une entrevue de l’auteur. À un moment où je suis bien disposé. Tout ouïe. J’écoute attentivement. Et lorsque l’entrevue se termine, je me dis, déjà !? Je n’ai pas le choix, je me rends dès que possible à la librairie. En plus, j’ai droit à mon rabais. Belle affaire.       

 LE COUP DE CŒUR


J’hésite toujours à utiliser cette expression qui sert à qualifier bon nombres d’œuvres littéraires, musicales et cinématographiques. Justement car je la trouve surutilisée. Un peu galvaudée. Et je flaire parfois, l’outil marketing. En tout cas, elle ne me satisfait pas. Mais bon, je n’ai rien trouvé de mieux.

Kukum, de l’auteur Michel Jean, fait donc partie de mes coups de cœur de cette année pour le moins difficile.

Par où commencer. C’est ici que mon texte devient plus difficile à écrire. Je voudrais, en peu de mots, décrire l’indicible. L’intangible. Tâche à peu près impossible. J’ai bien peur de ne pas y arriver, mais je plonge tout de même.

Voici.

Dès les premières lignes, je savais que je suivrais la narratrice jusqu’au bout du récit. Il était clair que j’allais m’investir totalement et y mettre toute ma concentration, comme si elle était physiquement présente et me racontait son histoire de vive voix. C’était une évidence que je la laisserais me décrire l’aventure qu’a été sa vie en m’extirpant temporairement de la mienne. En faisant abstraction du vacarme extérieur, j’ai pu écouter les riches sons de son existence.

J’ai été bien récompensé.

Almanda Siméon, cette femme intelligent, libre, forte et humaine, m’a d’abord expliqué d’où elle venait. Ensuite, elle m’a fait une place dans le canot qui remontait la Péribonka. Elle en a profité pour me faire voir les Passes-Dangereuses, me décrire ses peurs, ses espoirs, ses chasses, ses pêches, ses échanges avec les aînés et son apprentissage de l’innu-aimun. Elle m’a parlé de ses enfants, de sa famille et de son Thomas évidemment. Elle m’a fait visiter son nouveau pays. Sa vastitude. Sa richesse. Ses dangers. Elle m’a raconté aussi, comment, un jour, on leur avait coupé l’accès à leur pays, leur territoire. On les a virés de bord, sans ménagement et sans excuse.  

Tout en prenant notre thé ensemble, elle sur le perron de sa petite maison à Pointe-Bleue, moi dans ma bibliothèque, elle m’a parlé de Pekuakami, et de ses humeurs, comme personne auparavant. Elle m’a exposé ses blessures, les pensionnats, l’arrivée du train, du progrès qui n’ont pas fait de quartier et qui ont complètement chamboulé leur vie active, circulaire et riche. Habitués qu’ils étaient de n’attendre rien de personne, de ne compter que sur leurs talents et leurs propres ressources. Ils se retrouvaient soudainement en situation de dépendance.

Deux jours après avoir refermé le livre, l’histoire d’Almanda Siméon m’habite encore.

Ce sont des choses que j’avais apprises par des lectures précédentes, mais, il est nécessaire de se les faire répéter encore et encore afin de ne jamais oublier.

Une chose est certaine, lorsque nous pourrons retourner sur les rives de Pekuakami à l’Auberge Maison Robertson de Mashteuiatsh, nous allons regarder attentivement vers le nord-est, à l’embouchure de la Péribonka, et peut-être aurons-nous la chance de voir Almanda et Thomas se diriger vers leur pays de liberté, vers la vie qui était la leur où il se sont épanouis et où ils ont vécu une vie remplie, honnête et digne.  

 

Bonne lecture,

 

Jean-Luc         

jeudi 19 novembre 2020

 

Le fait est

 

Le fait est que je suis né, un beau jour de mai, sur ce magnifique territoire qui se nomme Québec. Deux mois avant que Neil Armstrong ne mette les pieds sur la lune.

Je suis Québécois. Ma langue maternelle est le français. C’est une langue que je trouve belle, subtile et riche. J’ai travaillé fort et je continue à m’appliquer quotidiennement pour l’écrire correctement et la parler du mieux que je le peux.

Je suis utopique, mais je rêve que la fierté que je ressens de la toujours parler, malgré tous les vents contraires qui la malmènent, soit partagée par tous les citoyens du Québec, sans exception.

Ce n’est pas un plaidoyer pour ne s'en tenir qu'à une seule langue. Je sais bien tous les avantages que nous pouvons retirer de parler le plus de langues possibles. Je sais qu’en ce faisant, nous nous ouvrons sur des richesses qui ne peuvent que nous être bénéfiques.

Je souhaite simplement que notre langue commune soit le français et que cette spécificité de l’Amérique du nord soit protégée, valorisée et pérennisée pour les générations actuelles et futures.

Nous ne pouvons pas nous permettre d’échouer.

Nous, locuteurs et locutrices francophones des Amériques, avons aussi beaucoup à transmettre et à apporter. Le français n’est pas une honte. Il est parlé par 300 millions de personnes à travers le monde. C’est une ouverture sur des cultures magnifiques qu’il serait un peu bête de bouder et de tenir pour négligeables.    

Le fait est que je suis fier d’être Québécois, d’avoir vu le jour de ce côté-ci de l’Amérique du nord. Je suis fier de faire partie de ces gens chaleureux, ingénieux, courageux et talentueux.  

 

Jean-Luc Jolivet    

vendredi 9 octobre 2020

 

UN RIRE LIBÉRATEUR

 

Pour notre plus grand bonheur, nous pouvions enfin, ce samedi-là, faire cette petite sortie à vélo que nous souhaitions tous les quatre voir se concrétiser depuis un certain moment.

Le trajet était choisi depuis belle lurette. Il ne nous restait qu’à fixer l’heure et le lieu de rencontre. Deux ou trois textos plus tard, ces détails étaient réglés.  

Arrivés au point de départ avec un léger retard, c’est près de la rivière que MC et JP II nous attendaient patiemment. Nous étions heureux de nous revoir et fin prêts à mouliner. Et, par le fait même, nous allions profiter de cette occasion pour mettre à jour toutes les nouvelles concernant nos vies respectives.

Le ciel était clair, le soleil nourricier, le vent doux et l’air pur. La symbiose entre les éléments, notre humeur légère et notre joie allègre était parfaite. Nous goûtions à cet instant parfait que nous savons, à nos âges, plus précieux que jamais. Lorsque les vicissitudes du quotidien prennent congé, nous devons savourer à fond ce répit, et surtout, veiller à ne pas le laisser filer trop vite.       

La météo annonçait une possibilité de fine pluie vers la fin de l’après-midi, mais rien d’alarmant. Nous pouvions rouler en toute quiétude.  

C’est dans cet état d’esprit, où se mêlaient insouciance et bien-être, que nous nous sommes rendus jusqu’à la Station touristique Duchesnay pour prendre une petite pause et une collation méritées.

C’est là que les nuages ont commencé à prendre une autre couleur. Galarneau brillait toujours, mais nous percevions qu’au loin, ça s’assombrissait. Pas au point de penser que nous aurions droit à toute une déferlante dans les heures à venir cependant.       

Après les petites barres énergétiques, les rafraîchissements s’en venaient, mais pas de nos gourdes.

C’est sur le chemin du retour que nous y avons goûté. Ce n’était rien au début, que quelques gouttes ici et là. Plus nous avancions, plus ça tombait. Un arrêt sous un viaduc à Shannon s’imposait. L’impatience nous gagna rapidement, nous sommes repartis pour nous rendre dans un casse-croûte à Val-Bélair. Les frissons et la faim nous tenaillaient. Il étant temps de souffler un peu. Nous semblions avoir passé dans un lave-auto avec nos vélos.  

Après notre repas gastronomique, la météo est devenue encore plus menaçante. Qu’à cela ne tienne, nous décidions malgré tout de repartir. Nous pensions que ce ne serait pas si pire et que nous avions le temps de revenir sans trop de mal.

Erreur. Le bordel était pogné au-dessus de nous. Éclair, pluie diluvienne et vent froid.

La totale.

Nous étions pris au piège.

Je vais vous dire que là, nous en avons eu pour notre argent, liquide, à part de ça.

Cet épisode restera à jamais gravé dans ma mémoire. Comment oublier ce moment qui m’a ramené quarante ans en arrière et qui m’a fait replonger au cœur de cette enfance bénie et choyée. Cet évènement m’a rappelé ce temps de désinvolture où revenir à la maison trempé jusqu’à l’os était synonyme d’une joie émancipatrice sans égale.     

Mais surtout, comment oublier le rire de ma sœur alors que le ciel nous tombait sur la tête. Ça faisait un méchant bout de temps que je n’avais entendu un rire aussi franc, sincère, sans complexe et avec une charge à ce point libératrice. Il faisait compétition à la foudre.

Il m’est difficile de décrire parfaitement tout ce que j’ai perçu dans cet éclat lumineux. Il me semble bien avoir entendu des échos de joie, de peine, d’inquiétude, de sérénité, de lâcher prise, de bonté et le son d’une grande humanité. Une chose me paraît certaine, il contenait beaucoup, mais alors là beaucoup d’amour.

Elle apprendra, si elle lit ce texte, que la façon dont elle a accueilli ce torrent qui s’abattait sur nous cet après-midi de septembre a, en plus d’éradiquer ma mauvaise humeur et mes blasphèmes intérieurs, fait disparaître ma crainte d’être frappé par un éclair.

Heureusement, ce samedi-là, j’ai plutôt été happé par un rire libérateur, et ça, ça fait un bien énorme. Croyez-moi.

Jean-Luc Jolivet

samedi 26 septembre 2020

 

« IL FAUT RESPECTER LE SILENCE* »

 

C’est une denrée rare, le silence. Et pourtant, nous le négligeons. Nous ne savons pas l’apprécier à juste valeur. Pour quelle raison nous faut-il constamment un bruit de fond pour nous accompagner tout au long de nos jours ? Que cherchons-nous à fuir ?

Difficile à dire.

Toujours est-il que nous le bardassons. Nous lui faisons la vie dure. Nous ne voulons rien entendre de lui. Et, aussi ironique que cela puisse paraître, nous cherchons constamment à le réduire au silence, le silence ! Dès qu’il s’invite dans une discussion, nous nous efforçons de combler au plus vite le vide qu’il créé par un bavardage compulsif. Nous l’évitons, car, avouons-le, dans nos interactions sociales il nous met plus souvent mal à l’aise qu’il nous apaise.

Sans oublier que la moindre bébelle a maintenant son propre cri qui nous rappelle continuellement à l’ordre. Y a toujours une maudite sonnerie qui cherche à nous prendre par la main et qui nous impose l’ordre du jour. La porte du réfrigérateur est ouverte, le lavage est terminé, le four est prêt, un message vient de rentrer, il est maintenant le temps de courir et quoi encore. C’est à s’en arracher les cheveux de sur la tête. À défaut d’en avoir encore, c’est d’en perdre la boule !   

En revanche, lorsque nous en avons plein le casque de tout ce vacarme ambiant, lorsqu’il devient urgent de préserver notre équilibre mental, nous sommes prêts à faire de longs kilomètres pour aller le retrouver. Il nous tarde alors de nous immerger dans ses eaux apaisantes. C’est alors que nous sommes en mesure de profiter de ses bienfaits. La musique elle-même a besoin de silence. Et que serait la réflexion sans son apport ?

C’est vrai que ce dernier peut être intimidant, angoissant et qu’il nous faut être sacrément bien dans sa peau pour chercher sa compagnie.   

Mais ce n’est pas en lui tournant le dos que nous pourrons l’apprivoiser. Ce n’est pas en l’évacuant de nos vies que ces dernières se porteront mieux.

« Il faut respecter le silence ». Et je dirais même plus, il faut le cultiver. Il est même sage de s’en faire un allié.   

 

Jean-Luc Jolivet

 

*Texte inspiré par une citation de Julie Girard contenue dans cet article du journal Le Devoir paru le 27 août dernier sous la plume du journaliste Marco Fortier:  https://www.ledevoir.com/societe/environnement/584844/ecovillage-bienvenue-a-terre-de-la-reunion?fbclid=IwAR1rn_nYzTdikKk5DT41Pd4hcve6ljCFHbqqPXGbRxmKTSgPhjNaHngrA5A


jeudi 13 août 2020

L’OBSTACLE


 

C’était un obstacle tout ce qu’il y a de plus normal. Du moins, pour la majorité d’entre nous. Visiblement pas pour ce monsieur et pour son chien guide que j’ai croisés ce matin.

Je m’apercevais bien qu’ils hésitaient. Son fidèle compagnon et lui.

C’est pourquoi le monsieur a été bien reconnaissant du p’tit coup d’main pour reprendre son chemin sans encombre afin de se rendre à son rendez-vous.

Un simple chevalet qui bloque l’accès à un trottoir est habituellement facile à contourner, mais force est d’admettre que ça devient tout un défi pour les gens qui ont un handicap. Lorsque l’on peut s’appuyer sur toutes nos facultés, il est aisé de faire un p’tit saut par la rue ou par le gazon sans être trop incommodé ou indument ralenti. C’est une autre paire de manches et ça devient plus dangereux d’emprunter un chemin non balisé lorsque nous vivons avec des incapacités. Un creux dans le gazon peut facilement nous faire trébucher et même mener à une entorse. Une voiture, un camion ou un cycliste peuvent nous renverser, et pire, nous tuer.

Voilà ce qu’une simple anecdote peut nous faire réaliser.

Il y a des gens qui doivent se préparer, à chaque jour que la vie amène, pour une course à obstacles.

Travaux sur leur chemin habituel, secondes dérisoires qui leur sont accordées aux traverses pour piétons, trafic dense et rapide, gens impatients, trottoir enneigé ou glissant sous la pluie, transport en commun pas toujours adéquat, difficulté de trouver un emploi à la hauteur de leur possibilité, j’en oublie et j’en passe.

Je sais bien qu’il y a des organismes et des âmes charitables qui leur viennent en aide et qui leur offre des services, mais nous sommes bien obligés de reconnaître que globalement, nous sommes plutôt sourds, muets et aveugles face aux défis qui leur échoient quotidiennement.  

 

Jean-Luc Jolivet

mardi 11 août 2020

François sur son sofa

FRANÇOIS SUR SON SOFA

 

Il se prénomme François. Il habite Québec. 

Il est le fils d’un peintre signataire du manifeste Le Refus global et d’une mère poète, écrivaine, plasticienne, qui a fui.

Et il vit profondément dans son monde. Nous pourrions ajouter, comme la majorité d’entre nous, mais ce serait plus ou moins juste. Il est ailleurs. Physiquement présent, mais mentalement dans un autre univers.

Et parfois, nos univers se rencontrent. 

Au café sandwicherie de l’ascenseur du Faubourg pour être plus précis. Où il a ses habitudes et où je passe souvent pour aller au travail. 

Nous nous y croisons alors qu’il se sert un café et que j’y attends l’ascenseur avec mon vélo. 

Nous échangeons des sourires et nos salutations. Et nous nous souhaitons une bonne journée. 

À d'autres occasions, c’est dans les rues aux alentours de l’ascenseur. Il me demande à nouveau si j’ai du feu pour allumer son mégot. Je lui réponds que non. Je lui fais une blague sur le fait que je ne fume pas et il rit. Je lui souhaite une belle journée. Il me retourne la politesse.

Ensuite, nous sommes à nouveau aspirés par nos galaxies distinctes. 

Lorsqu’il se passe un certain temps sans que je le croise, je me demande ce qu’il advient de lui. Comment se porte-t-il ?  A-t-il déménagé ? Est-il toujours en vie? 

Le confinement et les vacances d’été ne m’ont pas permis de passer souvent dans son coin. N’empêche, durant cette période, il m’arrivait tout de même d’avoir une pensée pour lui.

Et soudain, ce midi, alors que j’attends à la lumière rouge au coin de la côte Sainte-Geneviève et de la côte d’Abraham, je l’aperçois les jambes bien étendues sur un banc de parc près du complexe Méduse. Le regard portant au loin. 

Je n’ai pu m’empêcher de me faire cette bête réflexion : « il est dans son salon, il regarde le film de sa vie sur son sofa et se questionne sur ce qui a bien pu se passer »

Et je me suis demandé, durant tout le reste de mon parcours du retour, de quoi peut-elle être faite justement, sa vie ? 

J’aurais beau rouler jusqu’à l’infini et plus loin encore, je ne le saurai jamais. 

En fait, tout comme lui, il nous est impossible d’avoir toutes les réponses à nos questions. C’est notre point commun. 

Chacun sur son sofa, portant nos questionnements. 

 

Jean-Luc Jolivet


lundi 13 juillet 2020



DEUX LUMIÈRES SE SONT ÉTEINTES


Les mots, ceux-là mêmes qui sont venus plus d'une fois à notre rescousse, semblent aujourd’hui inadéquats, lourds, inutiles et insignifiants.

Pourtant, nous avons besoin d’eux pour nommer l’innommable, pour témoigner du drame, pour exprimer notre tristesse, et surtout, pour se rappeler.

Nous avons besoin d’eux pour rendre hommage aux deux sœurs disparues, pour signifier notre soutien à la mère qui souffre, aux proches et à celles et ceux qui sont touchés de près ou de loin par cette terrible tragédie.

Nous avons plus que jamais besoin d’eux pour arriver à se comprendre lors de situations conflictuelles, pour atteindre l'apaisement lorsque la tension est à son comble et pour désamorcer la violence qui n’arrange rien et qui ne peut que mener au pire.          

Deux lumières se sont éteintes dans une nuit d'été caniculaire, mais l’écho de leur éclat résonnera tant et aussi longtemps que les mots les empêcheront de sombrer dans l’oubli.    


Jean-Luc Jolivet

jeudi 25 juin 2020



SANS ODOMÈTRE


Dire que cette nouvelle façon de pratiquer mon sport favori découle d’une décision impulsive et paradoxale. Où j’ai été à la fois trop pressé et outrageusement paresseux.

N’en pouvant plus d’attendre, dès que j’ai eu l’occasion de faire ma première sortie, j’ai enfilé à toute vitesse mon habillement, j’ai rempli ma bouteille, ramassé une poignée d’amendes ainsi qu’une barre de fruit et je me suis dépêché à préparer mon vélo. 

Au moment du départ, je me suis aperçu que je n’avais pas installé mon appareil de mesure.

C’est là que ma fénéantise a dit « d’la marde » et m’a soufflé à l’oreille « pas le goût pantoute de retourner au sous-sol pour aller le chercher, il est trop loin dans l’fond de la boîte. On va s’en passer pour aujourd’hui, allez bonhomme, on décampe ».

En parfaite symbiose avec ma paresse, je me suis laissé convaincre sans difficulté. Et puis je me suis fait cette réflexion, pourquoi vouloir à tout prix me surpasser, allons-y relaxe. 
Durant les premiers kilomètres, je dois avouer que ça me chicotait un brin quand même.

Mon côté compétitif s’est mis à narguer la part contemplative de ma personnalité et à y faire son procès. J’ai failli flancher et virer de bord pour quérir l’objet qui servirait à assouvir mon besoin de statistiques.

Faut dire que lors des saisons passées, j’ai été pas mal maniaque. Si la batterie était à plat ou si une défectuosité m’empêchaient d’engranger les chiffres, je notais tout sur un bout de papier pour, par la suite, une fois l’odo de nouveau en fonction, les y ajouter.
Ce serait quand même excessif de dire qu’avant, je n’avais les yeux rivés que sur mon compteur et que je négligeais le paysage. J’ai toujours su apprécier le décor lors de mes échappées.

Mais je me suis fait prendre au jeu et je prends goût à sortir sans ma patente. Ma négligence de départ soulève des questions et me donne envie de continuer ainsi. Comment je peux bien expliquer ça ?

Petit retour en arrière.

La petite reine est l’une des rares activités dont la passion originale n’a jamais été érodée par toutes ces années. À chaque virée que je prépare, j’ai les mêmes papillons au ventre que lorsque j’étais enfant. C’est donc dire que ma soif de liberté est aussi grande qu’avant et que, normalement, je ne devrais pas être obnubilé par ma performance.

C’est maintenant que je me rends compte que dans les faits, ce n’est pas toujours ainsi que les choses se sont passées.

Je réalise que bien souvent de fois, je suis revenu un peu frustré d’une excursion. Me sermonnant en disant. J’ai pris plus de temps que d’habitude pour faire un circuit banal. Ma vitesse moyenne n’est pas à la hauteur de mes attentes. Il m’aurait fallu ouvrir la machine pour monter plus vite cette côte. J’aurais dû travailler plus fort pour rattraper et dépasser le baveux qui m’a clenché à plate couture tantôt. La saison avance trop vite et les mauvais jours m’empêcheront de battre le kilométrage de l’année précédente. Je devrais m’acheter un vélo électrique ou accrocher ma monture et prendre ma retraite.

En un mot, ne rouler que pour le pur plaisir prenait passablement le bord d’année en année pour laisser le champ libre aux prouesses. Je voulais me surpasser. Pousser la machine. Battre mes propres records.    

Je ne sais combien de temps encore avant que je ne succombe aux chants des sirènes de la performance et que je réinstalle mon indicateur de vitesse ?

Pourrais-je m’en passer tout l’été ? Rien n’est moins sûr.

Pour l’instant je me laisse porter par cette félicité inattendue et non planifiée. 
 
Et je me dis que si je réussi à mouliner sans odomètre jusqu’à la première neige, peut-être réussirais-je à appliquer cette nouvelle philosophie dans les autres sphères de ma vie !

Jean-Luc Jolivet  
       




Fête nationale du Québec 24 juin 2020 sous le thème Unis

Unis par nos victoires
Unis par nos défaites
Unis par nos bons coups
Unis par nos erreurs
Unis par nos chagrins
Unis par nos joies
Unis par nos blessures
Unis par nos guérissons
Unis par nos silences
Unis par nos chants
Unis par nos défauts
Unis par nos qualités
Unis par nos rêves
Unis par nos désillusions
Unis par nos errements
Unis par nos espoirs
Unis par la beauté de nos grands espaces
Et, évidemment, Unis par nos prévisions météorologiques 😉

Au fond, nous sommes Unis par notre humanité.

Des humains imparfaits certes, mais Unis sous le même unifolié et - quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse - un peuple inclusif, accueillant, résilient, parfois vacillant, mais toujours debout.

mercredi 13 mai 2020



CAUCHEMAR

Très rare que je fais ça, mais là faut absolument que je vous raconte mon cauchemar. J’y vais en vrac, ne me souviens pas de tout, mais vous allez avoir une idée.

On vivait un moment planétaire hallucinant. Un méga virus avait tout paralysé. Il n’existait aucun vaccin, aucun médicament.

Nous étions confinés dans nos maisons pendant des semaines, les plus vulnérables étaient les plus touchés, c’était l’hécatombe dans les CHSLD - qui étaient faut bien le dire sous-financé depuis des lustres -, nous manquions de pleins de matériels médicaux et de ressources humaines, il avait même fallu appeler l’armée en renfort, le personnel soignant était à bout de souffle, le premier ministre faisait des points de presse quotidien accompagné du directeur de la Santé publique, de la ministre de la Santé, et parfois avec d’autres ministres, pour faire le décompte des morts, des hospitalisations et donner les consignes du jour, les économies étaient au ralenti - il n’y avait que les commerces essentiels d’ouvert- , les conspirationnistes s’en donnaient à cœur joie, ils incendiaient même les tours de communication. Fallait vraiment réapprendre à vivre autrement. Il y avait tout de même de supers belles initiatives qui donnaient espoir pour la suite.

Pis, je me suis réveillé juste au moment où tout le monde n’en pouvant plus et demandait de l’air pour respirer et le signal pour redécoller. Le gouvernement annonçait donc le déconfinement graduel. En commençant par les écoles et les services de garde - où d’ailleurs bizarrement le ministre de la Famille conseillait de garder les enfants à la maison faute de place - et les commerces dit non essentiels. 

La seule chose dont je me souviens de la fin de ce cauchemar, c’est qu’il y avait beaucoup de confusion autour des annonces et que nous étions dans le néant le plus total. Nous les humains qui aimons tant avoir des réponses concrètes face à nos craintes, nous devions avancer dans le brouillard le plus épais.

Fiou, merci de m’avoir lu, ça fait du bien de partager. Une chance que ce n’était pas vrai. Imaginez.     

Jean-Luc Jolivet  

mardi 7 avril 2020


SALUTAIRES MARCHES



Vrai que je t’ai négligée
Impossible de le nier
Faisant mon beau smatt
En préférant avant tout rouler
Que de me tenir sur mes pattes

Vrai que je t’ai boudée
Impossible de m’en cacher
M’affichant comme un paon
Sur la selle de sa bien aimée
Et choisissant de te laisser en plan

Vrai que je t’ai méprisée
Impossible de me dérober
Je te comprends de m’en vouloir  
J’ai agi comme le dernier des crottés
En évitant tous les trottoirs  

Mea culpa, mea maxima culpa
Avec ce grand confinement
Me suis souvenu qu’en marchand  
Ma tête s’accordait bien à mes pas
On sort ? Allez, sois sympa !


Jean-Luc Jolivet

mardi 31 mars 2020

Bonjour à toutes et à tous,

Je suis curieux des statistiques plus bas. Gens d'Italie (on est avec vous) des États-Unis, d'Allemagne et du Portugal, vous comprenez le français ? Vous aimez mes textes ? J'aimerais bien en savoir plus.

Vous pouvez me laisser un message ?

Portez vous bien.

Amicalement,

Jean-Luc


dimanche 29 mars 2020




En soutien à celles et à ceux qui, bien avant l’état d’urgence sanitaire, avaient perdu l’appétit. Souhaitons que cette crise n’exacerbe pas leur état, mais qu’elle puisse, qui sait, leur redonner le goût, une bouchée à la fois, de mordre à nouveau dans la vie.


RETIRER CETTE LONGUE ÉPÉE DE SILENCE QUI ME BROIE LE CŒUR*


Il y a longtemps que les aliments n’ont plus de goût. Ils sont fades. Insignifiants. Tout comme mon existence. Je n’en retire plus aucun plaisir. Et pourtant.

Et pourtant, à tous les jours que la nuit amène, je m’efforce, par instinct de survie j’imagine, à faire ce que doit. Je réussis tant bien que à mal à me nourrir.

Et malgré les larmes qui viennent ajouter un peu de mauvais sel à mes repas, j’arrive, une bouchée à la fois, à faire entrer assez de carburant pour passer à travers ma journée.

Et malgré mes poings fermés, mes bras crispés, je parviens à faire les gestes nécessaires pour bien couper ma nourriture et la porter à ma bouche. C’est sans conviction que je la mastique. Il me semble que ça dure une éternité. Je pense parfois, dans les mauvais jours, que cette comédie a assez durée.

Pourquoi ne pas porter le coup fatal dans ce cas, me dis-je à l’occasion ? C’est un mystère. Malgré tout, j’ai le sentiment que mes efforts quotidiens pourraient m’extirper de ce marasme. J’ai comme une sourde conviction qu’il y a une faille en toute chose et que c’est par là qu’entre la lumière**.

Et justement, en parlant d’elle, la lumière. Elle ne me lâche pas d’une semelle. Au moment où je m’y attends le moins, où la grisaille me paraît installée à demeure, paf ! Elle m’éclabousse sans crier gare. Elle me tend la main. Me caresse le visage. Me relève. Me chuchote à l’oreille : « Tiens bon, les jours meilleurs sont devant toi » ou « Tu n’es pas seul ».

Elle prend le visage du rire franc et serein d’un enfant heureux. Elle se faufile dans l’appel d’un ami dont je n’avais plus de nouvelles. Elle se cache dans les belles paroles que cette dame m’adresse après lui avoir ouvert la porte. Elle vit dans l’oreille attentive et sans préjugée que me tend une ou un collègue. Elle est cette musique qui me frappe direct dans le plexus et qui me redonne l’élan et le rythme pour mettre un pied devant l’autre afin de continuer à avancer. Elle est tout ça et plus encore.

Je table donc sur ces poussés lumineuses pour contrer les forces qui veulent me tirer vers le bas. Ce n’est pas tous les jours faciles, mais je crois qu’en m’accrochant de toutes mes forces, je parviendrai à retirer cette longue épée de silence qui me broie le cœur.


Jean-Luc Jolivet    

*Titre inspiré d’un écrit de Christian Bobin publié dans le texte L’éloignement du monde  
** Traduction de There is a crack in everything, that’s how the light gets in paroles dans la chanson Anthem du grand Leonard Cohen paru sur le disque The Future  

lundi 23 mars 2020


METTRE DE LA VIE DANS NOS VIES


Les gens souvent disent :
« C’est en temps de crise
Que l’humain se révèle »

Mettons que cette assertion
En la présente situation
Semble, on ne peut plus vraie !

On prend la mesure
De tous les cas de figure
Chaque jour aux nouvelles

L’idée, ici, croyez moi
N’est pas de pointer du doigt
Ni de séparer le bon grain de l’ivraie

Mais d’avouer candidement
Mon réel penchant
Pour les vecteurs de lumière

Gratitude envers celles et ceux
Qui ont le don de rendre heureux
Et qui savent abattre les barrières  

Enfin, reconnaissons chers amis.es
La richesse des gens qui ont le génie
De mettre de la vie dans nos vies


Jean-Luc Jolivet

dimanche 22 mars 2020


RÉFLEXION SUR LA COVID-19


Nous sommes habituellement interpellés par des crises ou des catastrophes qui se produisent dans des contrés lointaines. Nous y portons bien souvent une attention, disons, distraite.

Bien sûr que nous en sommes touchés et que nous en sommes chamboulés, mais, soyons honnêtes, nous retombons vite dans nos occupations et nous chassons rapidement ces images en nous trouvant chanceux d’habiter ici.

La crise actuelle dans l’histoire humaine n’est pas inédite, mais elle l’est fort certainement pour la majorité d’entre nous. Des milliards de personnes qui vivent la même chose et qui ont un ennemi commun, ce n’est pas rien.

Nous sommes bousculés dans nos habitudes, dans notre mode de vie. L’économie est touchée, notre liberté de mouvement est limitée. L’heure est aux décisions rapides, à l’action et à la réflexion. En effet, quand notre corps nous envoie des signaux qui nous disent de ralentir et que la maladie nous force au repos, nous tombons dans une période d’introspection.

Souvent, par la suite, lorsque la guérison se produit, nous envisageons notre existence autrement. Nous changeons des choses, nous élaguons, nous faisons le ménage, nous tentons de l’alléger un peu afin de profiter du souffle de la vie le plus longtemps possible. Nous souhaitons qu’elle soit plus saine pour le reste du chemin.

Je ne sais pas, lorsque le corps social sera remis de ce virus, si nous allons retourner frénétiquement et avidement dans nos ornières ou si nous aurons appris quelque chose?

À suivre…


Jean-Luc Jolivet



LE SOLEIL LUI, LUIT !


Les étoiles
Embellissent la toile
Les rivières
Moussent comme bière
Et le soleil, lui, luit !

Le vent
Ralentit notre élan
La pluie
Attise notre ennui
Et le soleil, lui, luit !

Les nuages
Passent à travers les âges
Les saisons
Suivent leur cycle comme de raison
Et le soleil, lui, luit !

Les humains
Confinent du soir au matin
L’économie
Souffre d’anémie
Et le soleil, lui, luit !

Peu importe ce qui se produit, le soleil, lui, luit et la vie, la précieuse vie, elle, n’a pas de prix !

Jean-Luc Jolivet

samedi 21 mars 2020




POUR VOUS, INFIRMIÈRES, INFIRMIERS ET PERSONNEL DE LA SANTÉ (Ce petit texte hommage)

Vous aimez votre métier. Vous l’avez choisi il y a 10 ans, 20 ans, 30 ans et vous l’exercez toujours consciencieusement. Faisant fi des conditions difficiles et des plaintes. Riant affectueusement des gens qui vous appellent les saints, les saintes.

Vous pratiquez votre métier de jour, de nuit, les jours fériés et durant les fêtes des enfants. Ainsi que les fins de semaine d’été de soleil flamboyant alors que la vie grouille au dehors et que vos amours partent pour la plage. Rien que d’y penser, vous méritez amplement ce petit hommage.

Vous aimez votre métier que vous avez choisi en toute connaissance de cause. Si vous aviez à trancher de nouveau, vous referiez la même chose. Par miracle ou on ne sait quoi, la flamme et la passion vous habitent toujours. Vous avez ce souci du bien commun et pour votre prochain un grand respect teinté d’amour.

Vous aimez votre métier et en ce temps de crise, de pandémie et de confinement, ce n’est pas le temps de vous décourager, de jeter les gants. Merci de continuer à nous donner les soins appropriés, à nous apaiser. C’est le métier que vous avez choisi il y a maintenant 10 ans, 20 ans ou 30 ans.  

Vous aimez votre métier, vous aimez les gens. Et même si parfois vous y laissez de côté votre propre santé. Et même si vous n’avez pas toujours ressenti l’appui dont vous auriez eu cruellement besoin à certaine occasion. Nous sentons que vous ne nous laisserez jamais tomber.

Merci est un bien faible mot pour tout ce que vous faites. Mais il est sincère et vrai.


Respectueusement,


Jean-Luc Jolivet

vendredi 20 mars 2020



LE BLUES DES CHIENS CONFINÉS 


Les terrains vagues abandonnés
Les champs d’orge et de blé
Les promesses de chemins de fer
Les ruisseaux d’eau vive claire

J’ai la nostalgie de choses
Que je n’ai jamais connues
J’ai la nostalgie de roses
Qui écorchent les mains nues

 Au rayon d’la vie en cage
Je vous en passe un papier
C’est le souffle de la rage
Qui nous serre le collier  

Je dois me faire à l’idée
Ce n’est pas demain la veille
Que mon horizon bouché
Ouvrira sur ces merveilles

C’est le lot des canidés
De ne pas avoir de marge
Mon museau bien enchaîné
Ne peut pas prendre le large

Au rayon d’la vie en cage
Je vous en passe un papier
C’est le souffle de la rage
Qui nous serre le collier  

Sérieux le linoléum
N’est pas vraiment l’paradis
Si c’est c’que tu crois bonhomme
T’es vraiment un abruti

Le blues des chiens confinés
Durent depuis les temps anciens
Je n’veux pas faire pitié
Mon monde est un peu le tien  

Au rayon d’la vie en cage
Je vous en passe un papier
C’est le souffle de la rage
Qui nous serre le collier  


Jean-Luc Jolivet

dimanche 15 mars 2020



LES PROMESSES DU GMC SIERRA GRANDE BLEU ET BLANC 1971

Que je l'ai aimé ce camion ! Tout comme celle qui avait la gentillesse de nous le passer d’ailleurs. Notre voisine et gardienne. Je devrais dire, ange-gardienne. Ma chère madame Bernard. Ça prendrait un texte juste pour elle, mais je ne me sens pas à la hauteur pour l’instant. Elle est trop importante pour moi et me risquer à pondre un texte médiocre, c’est tout simplement impensable.   

Je disais donc, que j’aimais ce camion. Et comme je l’écrivais plus haut, ce dernier ne nous appartenait même pas. Vous imaginez s’il avait été à nous, je crois bien que j’aurais passé mes journées entières à l’intérieur, à m’inventer toutes sortes d’aventures, à m’imaginer sillonner les routes nord-américaines où je suis né. J’ai l’impression qu’il aurait fallu m’en sortir de force.

Ce n’est pas le seul qui m’ait fait rêver. Il y avait bien les camions Mack de Vennes sur le coin de la 7e avenue et de la 15e rue, les flat nose International du garage Robert sur la 6e avenue, les Freightliner de Transport Chaîné proche de l’école Laflèche et les camions de Gratien Paquin Meubles sur la 6e avenue, mais, le GMC Sierra grande bleu et blanc 1971, est définitivement celui qui m’est resté tatoué sur le cœur et dans l’esprit. Mon p’tit doigt me suggère que ce lien est peut-être dû à la bienveillance des propriétaires. Allez savoir.

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été fasciné et attiré par les véhicules motorisés. J’imagine que d’instinct, je savais ce qu’ils représentaient. La découverte des grands espaces, les voyages, le mouvement, en somme, la liberté.

Une chose est certaine, lorsque mon père faisait de grands travaux sur et autour de la maison et qu’il avait besoin des services du GMC, tout ce qui m’importait à ce moment-là, c’était d’y embarquer au plus vite. Pour moi, c’était jour de fête. Il allait chercher le camion des Bernard sur la 13e avenue et je l’attendais impatiemment tout en guettant  le moindre véhicule tourner le coin. Une fois arrivé, je l’observais attentivement faire ses manœuvres de reculons dans le stationnement pour ensuite y installer les planches qui servaient de pont entre le terrain et la boîte du camion.

Et le travail commençait. J’avais beau m’imaginer bien utile, je suppose qu’à 7 ou 8 ans - me souviens plus trop mon âge à cette époque -, je devais plutôt être un peu dans les jambes. Toujours est-il que je faisais partie de l’équipage et on me faisait sentir que j’avais pleinement ma place.  

S’ensuivaient d’incessants allers-retours de la maison au dépotoir sur le chemin de Saint-Jean-des-Piles. C’était pour moi le clou de la fête. Dès que mon père disait on part et qu’il mettait le contact, l’excitation était à son comble. L’aller et le retour se faisaient parfois dans la boîte - les règles n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui 😉 - et parfois dans la cabine.     

Peu importe mon choix, je savais tirer profit de ces deux possibilités.

Le vent dans les cheveux, le soleil dans la face, les lignes blanches qui défilent, le son du métal, que de sensations formidables que la boîte pouvait me procurer et que j’ai cherché à revivre toute ma vie. Probablement pour ça que j’aime tant le vélo.

Et que dire de la cabine. Impression d’être en sécurité et en parfait contrôle de la machine. Je m’imprégnais de tout ce que je voyais. Tableau de bord, volant, bras de vitesse, les pédales d'embrayage et de frein etc. Il me tardait de me trouver un jour aux commandes d’un pareil véhicule. Il m’a fallu patienter encore plusieurs années, mais l’attente en a valu la peine.

En écrivant la conclusion de ce texte, une évidence me saute aux yeux. Ce camion ne m’a pas juste fait vivre des moments inoubliables, il n’a pas juste servi à transporter de la terre, des roches, du bois ou des ti-culs. Sa boîte contenait aussi les germes d’un avenir plein de promesses.

Jean-Luc Jolivet