LES PROMESSES DU GMC SIERRA GRANDE BLEU ET BLANC 1971
Que je l'ai aimé ce camion ! Tout comme celle qui avait
la gentillesse de nous le passer d’ailleurs. Notre voisine et gardienne. Je
devrais dire, ange-gardienne. Ma chère madame Bernard. Ça prendrait un texte
juste pour elle, mais je ne me sens pas à la hauteur pour l’instant. Elle est
trop importante pour moi et me risquer à pondre un texte médiocre, c’est tout
simplement impensable.
Je disais donc, que j’aimais ce camion. Et comme je
l’écrivais plus haut, ce dernier ne nous appartenait même pas. Vous imaginez s’il
avait été à nous, je crois bien que j’aurais passé mes journées entières à
l’intérieur, à m’inventer toutes sortes d’aventures, à m’imaginer sillonner les routes nord-américaines où je suis né. J’ai
l’impression qu’il aurait fallu m’en sortir de force.
Ce n’est pas le seul qui m’ait fait rêver. Il y avait bien
les camions Mack de Vennes sur le coin de la 7e avenue et de la 15e
rue, les flat nose International du garage Robert sur la 6e avenue,
les Freightliner de Transport Chaîné proche de l’école Laflèche et les camions
de Gratien Paquin Meubles sur la 6e avenue, mais, le GMC Sierra
grande bleu et blanc 1971, est définitivement celui qui m’est resté tatoué sur le
cœur et dans l’esprit. Mon p’tit doigt me suggère que ce lien est peut-être dû à
la bienveillance des propriétaires. Allez savoir.
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été fasciné et
attiré par les véhicules motorisés. J’imagine que d’instinct, je savais ce
qu’ils représentaient. La découverte des grands espaces, les voyages, le
mouvement, en somme, la liberté.
Une chose est certaine, lorsque mon père faisait de grands
travaux sur et autour de la maison et qu’il avait besoin des services du GMC,
tout ce qui m’importait à ce moment-là, c’était d’y embarquer au plus vite.
Pour moi, c’était jour de fête. Il allait chercher le camion des Bernard sur la
13e avenue et je l’attendais impatiemment tout en guettant le moindre véhicule tourner le coin. Une fois
arrivé, je l’observais attentivement faire ses manœuvres de reculons dans le
stationnement pour ensuite y installer les planches qui servaient de pont entre
le terrain et la boîte du camion.
Et le travail commençait. J’avais beau m’imaginer bien
utile, je suppose qu’à 7 ou 8 ans - me souviens plus trop mon âge à cette époque -,
je devais plutôt être un peu dans les jambes. Toujours est-il que je faisais partie
de l’équipage et on me faisait sentir que j’avais pleinement ma place.
S’ensuivaient d’incessants allers-retours de la maison au
dépotoir sur le chemin de Saint-Jean-des-Piles. C’était pour moi le clou de la
fête. Dès que mon père disait on part et qu’il mettait le contact, l’excitation
était à son comble. L’aller et le retour se faisaient parfois dans la boîte - les
règles n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui 😉 - et
parfois dans la cabine.
Peu importe mon choix, je savais tirer profit de ces deux possibilités.
Le vent dans les cheveux, le soleil dans la face, les
lignes blanches qui défilent, le son du métal, que de sensations formidables que
la boîte pouvait me procurer et que j’ai cherché à revivre toute ma vie. Probablement
pour ça que j’aime tant le vélo.
Et que dire de la cabine. Impression d’être en sécurité et
en parfait contrôle de la machine. Je m’imprégnais de tout ce que je voyais.
Tableau de bord, volant, bras de vitesse, les pédales d'embrayage et de frein etc. Il me tardait de me trouver
un jour aux commandes d’un pareil véhicule. Il m’a fallu patienter encore
plusieurs années, mais l’attente en a valu la peine.
En écrivant la conclusion de ce texte, une évidence me
saute aux yeux. Ce camion ne m’a pas juste fait vivre des moments inoubliables,
il n’a pas juste servi à transporter de la terre, des roches, du bois ou des
ti-culs. Sa boîte contenait aussi les germes d’un avenir plein de promesses.
Jean-Luc Jolivet
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