De toute ma vie, jamais n’ai-je été inquiété par des
menaces sérieuses envers mon intégrité physique. Pas plus n’ai-je eu à entendre
des propos dégradants et orduriers envers mon apparence, mes opinions ou ma
façon de m’habiller.
J’ai toujours joui d’une très grande liberté d’action.
Aussi bien dans mes paroles, mes choix de vie que dans mes mouvements.
Les seules vraies craintes que j’ai eues sont celles qui
m’ont été imposées par mon imagination débridée et débordante. Par exemple, le
jour où j’ai cru qu’un fou furieux était sur le point de m’attaquer lors de mon
retour à pied à la maison après un programme double d’horreur présenté au
cinéma le Charlot de ma ville natale. Pas mêlant, j’avais peur de mon ombre et
du moindre coup de vent. J’étais certain qu’un maniaque était caché dans un des
garages, entourés d’arbres sinistres, sur le coin de la 9e avenue et
8e rue. Prêt à me sauter dessus et à me tailler en pièces.
Faut dire que j’étais un ado récent et que j’étais
certain qu’une bête hybride composée de Freddy, de Jason et du Loup-garou de
Londres était soudainement attirée par la jeunesse Mauricienne afin de
l’éradiquer de la surface de la terre.
Tout ça pour dire que je suis toujours en un seul morceau
et que ces peurs que j’ai pu ressentir dans ma jeunesse ne m’ont jamais
traumatisé au point de demeurer sur mes gardes pour le reste de me jours et de
limiter mes déplacements.
Bien au contraire, je ne me suis jamais posé de question
à savoir si je pouvais aller seul à tel ou tel endroit.
J’ai arpenté les rues de mon enfance ou celle de ma ville
d’adoption à toutes les heures du jour ou de la nuit. Avec toutes mes facultés
ou totalement aviné sans avoir la moindre appréhension.
Je n’ai jamais reçu de messages inquiétants pour mes
prises de positions politiques ou pour mes lettres d’opinion publiées dans les
médias écrits. Lorsque j’exprime ma colère, je ne passe pas pour un hystérique,
mais bien pour quelqu’un ayant un sacré caractère.
Me suis-je un jour demandé si mon habillement pouvait
déclencher des remarques déplacées ou des regards lubriques ? Jamais.
Me suis-je déjà soucié de mon verre sans surveillance
dans un bar ? M’est-il déjà venu à l’esprit que quelqu’un puisse ajouter du GHB
dans celui-ci ? Pas une maudite seconde.
M’a-t-on, à un certain moment, signifié que je ne pouvais
pas faire tel métier ? Niet.
M’a-t-on recommandé un jour de ne jamais voyager seul ? Pas
du tout.
M’a-t-on dit que je ne pouvais pas faire tel sport, car
ce n’était pas pour mon genre (la boxe ce n’est pas un sport pour les femmes
dixit Michel Villeneuve) ? Non.
Lorsque j’ai commencé à fréquenter les filles, était-on
inquiet pour ma sécurité et m’a-t-on subtilement dit de faire attention ?
Négatif.
Voyez, je n’ai pas à me plaindre. Malgré toutes les
responsabilités qui échoient à toutes et à tous et qui sont aussi mon lot, j’ai
tout de même une grande liberté d’action.
Peut-on en dire autant pour tout le monde ? Assurément
pas.
Cette semaine, en écoutant les témoignages des députées Christine
Labrie, Méganne Perry-Mélançon, Paule Robitaille et Chantal Soucy lors du
débat d’une motion sur la cyberintimidation faites aux femmes - elles ont également souligné que beaucoup d'hommes en sont aussi victimes - nous sommes en droit de
nous demander si nous avons beaucoup progressé.
Lorsque les Journées d’action contre la violence faite
aux femmes seront choses du passé, nous pourrons alors affirmer que c’est un pas dans la bonne direction.
Mais, d’ici-là, de toute évidence, il reste du travail à
faire et du chemin à parcourir.
Jean-Luc Jolivet