vendredi 12 décembre 2014

ÉRIC BOUTET, MON FRÈRE D’ARMES


Lorsqu’Éric m’a demandé d’écrire un court texte à son sujet pour la biographie rédigée par le Regroupement des Aveugles et Amblyopes du Québec (RAAQ), j’ai tout de suite accepté. Ça fait assez longtemps que l’on se connait, me suis-je dit, que ça ne devrait pas être trop difficile de pondre quelque chose.

Une fois la décision prise, il me fallait trouver un angle. J’ai rapidement laissé tomber le factuel pour y aller de façon plus personnelle. À mon avis, le lieu, l’époque, la façon dont nous nous sommes rencontrés importent peu. C’est la rencontre elle-même qui est importante.

Éric est plus qu’un ami, c’est un frère. Un frère d’armes comme on aime bien se le répéter. Je profite de ce petit clin d’œil à la chanson de Dire Straits - qu’il affectionne particulièrement- pour glisser subtilement qu’Éric est un mélomane averti et un musicien à ses heures. Et c’est un beau prétexte pour introduire le texte qui va suivre.

En effet, c’est peut-être un cliché, mais personne ne pourra contester que la vie en société est un combat de tous les jours, et ce, pour tout le monde. Alors si, en plus, la fortune vous a joué un mauvais tour, ça ajoute des écueils supplémentaires à la bataille.

C’est justement ça qui est fascinant avec mon pote. On oublie qu’il a un handicap visuel. Rien ne l’arrête. Emmenez-en des études universitaires, du vélo, de la pêche, des voyages d’aventure, des spectacles, de l’équitation, de la course à pied, du hockey, des transports en commun, des rénovations, de la cuisson sur le BBQ et j’en passe. En fait, je pourrais continuer encore longtemps, mais vous avez compris. Éric aime la vie. Il a de la «drive» et sait ce qu’il veut.

Doté d’une mémoire phénoménale, d’un sens de l’humour remarquable -on a besoin d’être en forme ou d’avoir les qualités d’un huissier pour saisir tous ses jeux de mots-, d’une intelligence vive et d’une écoute active et empathique, on est choyé de pouvoir compter sur son amitié.   

Éric sait parfaitement conjuguer la tête et le cœur. C’est un rationnel créatif si je peux dire. Il sait habilement alimenter les feux qui l’animent. Il peut d’un côté réfléchir jusqu’à plus soif pour trouver des solutions concrètes à des problèmes complexes, et de l’autre, laisser toute la place à son imagination débordante et à ses talents artistiques.

Enfin, je dirais que sa capacité à rebondir sur ses pattes lorsque des coups durs arrivent, pourrait nous faire croire que c’est lui qui a inventé le concept de résilience.        

Il y aurait tant à dire, mais comme l’espace est restreint, je vais m’arrêter ici.      

J’ajouterais simplement ceci à ceux et celles qui seraient tentés de le prendre pour un saint après la lecture de ce texte. Je vous le confirme, Éric a aussi ses défauts. Oui, oui ! Il est comme vous et moi, il est humain. Il est un humain à part entière qui incarne parfaitement les paroles de Saint-Exupéry «on ne voit bien qu’avec le cœur».



Jean-Luc Jolivet   

samedi 6 décembre 2014

DU CŒUR AU VENTRE

Me revient par les temps qui courent, parmi les belles expressions imagées et colorées entendues durant ma turbulente et belle jeunesse, celle-ci: «j’te dis qu’ils ont du cœur au ventre eux autres !».

Ce matin, j’ai le goût de faire écho aux paroles de cet homme qui a si fortement et si durablement marqué l’imaginaire de notre jeune nation par ses paroles et ses actions.

Je lui répondrais, oui, nous sommes un grand peuple.

Faudrait seulement se le répéter plus souvent. Faudrait se souvenir de tout le chemin parcouru depuis l’arrivée de ceux et celles qui nous ont précédés pour s’en convaincre. 

Faudrait se le dire, se le redire, oui, nous sommes des battants.

Pis là, j’veux pas faire de prêchi-prêcha ou de la psychologie à la p’tite semaine, mais merde, faut se regarder aller et reconnaitre qu’on a de la force de caractère et de l’allant comme dirait l’autre.

Malgré nos déchirements internes, nos guerres fratricides, nos coups de gueule, nos sautes d’humeur ou ces vents de face, on sait se retrousser les manches et se repencher cent fois sur le métier. Et ça, ce n’est pas rien.

J’en veux pour preuve toutes ces personnes qui, après un coup dur professionnel, ramassent leur courage et rapatrient toutes les forces disponibles pour se mettre à la recherche d’un emploi stimulant et satisfaisant.

Je pense à tous ces gens qui donnent de leur temps bénévolement pour relever les autres qui trébuchent et qui en arrachent. Et qui font s’éloigner la solitude.

Je prends en exemple tous ces parents qui, malgré les vicissitudes du quotidien, les difficultés de l’enfance, les handicaps, accompagnent leurs enfants à l’aréna, à la danse, à la natation. Ces mères et ces pères qui guident et prennent soin des leurs et qui travaillent d’arrache-pied pour leur offrir de bonnes conditions afin que ces derniers puissent s’épanouir sainement.

Je regarde la persévérance des nouveaux arrivants qui doivent tout reconstruire et qui se cherchent une place et un peu de chaleur au cœur de cet hiver parfois rude et glacial.

De peur d’en oublier, je vais m’arrêter ici.

J’ajouterai simplement ceci. Plus j’y pense et plus j’en suis convaincu. Malgré les temps durs, malgré cette étrange impression que l’argent va nous bouffer tout rond, nous n’avons pas dit notre dernier mot, nous ne baisserons pas les bras.

Nous sommes des résilients et nous avons trop de cœur au ventre pour accepter ça !

Jean-Luc Jolivet  

dimanche 16 novembre 2014

BOTTER L'CUL DU DOUTE DÉRAISONNABLE

Sacré doute. Tu t’amuses au moins ?

Je te le souhaite. Parce que de notre côté, c’est plutôt le contraire. On peut dire que tu nous en fais voir de toutes les couleurs, ça, y a pas de…..d’incertitude.

Chacun son rôle, tu me diras. Peut-être, mais, entre semer la zizanie dans la tête des gens et leur redonner confiance, j’ai choisi mon camp.

M’enfin. Tu n’en as probablement rien à foutre. Quand bien même je chercherais à te faire entendre raison, je sais bien que tu vas continuer tes méfaits en toute impunité. Je sais bien que tu te riras de nous encore et pour toujours.

Un seul conseil. Ne t’approche pas trop, t’as assez fait de dégâts comme ça !

Si je pogne à rôder dans les parages, je vais te faire ta fête. Je t’assure d’une raclée que tu n’oublieras pas de sitôt.

Si je te vois essayer de t’incruster dans la vie d’un être cher, d’un proche, je te roule en boule et je te botte le cul à t’expulser de la stratosphère.

Et, y a pas de doute, doute, tu vas t’ennuyer de ta mère.

La mère de tous nos maux.

Jean-Luc Jolivet

P.S. Évidemment, je sais que le doute peut aussi être un moteur, un tremplin, un outil de savoir etc. Le doute dont je parle, c'est celui qui est plutôt sournois, mesquin et qui cherche à nous faire sombrer dans la déprime en s'attaquant à notre estime.

dimanche 9 novembre 2014

LUMIÈRE


Besoin de blanc, de clarté, de netteté.
Besoin d’éteindre le vacarme que font les ténèbres.
Où te caches-tu lueur ?
Oui, où te trouves-tu, toi, mon effilochée de la dernière pluie, ma ridicule éphémère?
Ne remarques-tu pas la profondeur de nos blessures.
Besoin de blanc, de limpidité, de pureté.
Le monde a besoin de ta médecine, Lumière.
Et ce, plus que jamais.


Jean-Luc Jolivet

vendredi 17 octobre 2014

LE VERRE ÉCLATÉ

Ma réflexion a débuté par une anecdote. Par un simple fait divers. Rien pour écrire à sa mère. Pas plus qu’il y a matière à encombrer les nouvelles de fin de soirée.

Il n’en demeure pas moins que ce texte puise sa source dans un événement anodin. Il prend prétexte de l’explosion en mille miettes de la vitre d’une banale table de jardin, pour tendre vers autre chose.

Pour parler de quoi, au juste ? D’économie pardi ! Surpris ? Pas plus que moi.

Jamais je n’aurais cru qu’un jour j’arriverais à faire un lien entre un meuble qui s’effondre et les dérives de la finance.

En plus, je l’avoue et j’en suis honteux, je n’y connais rien en ce domaine. Pour vrai.

Sincèrement, j’aurais préféré naître avec la bosse des affaires qu'avec une intelligence émotionnelle. Ou pourquoi pas avec un mélange des deux. Mais ce n’est pas ça la réalité. Les faits, c’est que je suis beaucoup plus remué devant un poème bien ciselé, une œuvre cinématographique, une chanson immortelle ou un paysage bucolique que devant une colonne de chiffres.

N’empêche, malgré mes connaissances anémiques sur le sujet, je ne me retiendrai pas d’y aller de mes impressions.

Depuis la nuit des temps, le nerf de la guerre c’est l’argent. Y a rien de nouveau là-dedans. Faut donc pas s’étonner que ceux qui en tirent profit nous parlent constamment de récession, de stagnation, de taux d’intérêt, d’inflation, d’augmentation de taxes, du coût de la vie, de PIB, de déficit, de dette, d’économie qui s’effondre ou qui va frapper un mur, de compression budgétaire, de fermeture, de mise à pied, de chômage, de pauvreté, de faillite, de banque mondiale, de cote de crédit, j’en oublie et j’en passe.

On ne s’en sort pas, c’est le système dans lequel on vit. Faut faire avec. Faut faire de notre mieux pour garder la tête hors de l’eau.

Jusqu’à tout récemment, malgré le pessimisme ambiant, j’avais toujours nourri l’espoir de vivre dans un monde plus équitable, dans une société plus juste où la richesse serait mieux répartie.

Mais là, je commence à douter sérieusement. J’ai bien peur que nous soyons à un tournant décisif. La glace est mince. L’équilibre est fragile. La politique de l’austérité et du démantèlement ne me dit rien de bon et je crains ses effets.

J’appréhende le jour où nous basculerons définitivement.

Je redoute le jour où l’économie aura irrémédiablement pris le pas sur l’humain.

Je suis soucieux. J’espère que sous le poids de la fatigue, sous le poids de nos obligations, nous ne finirons pas tous par craquer comme la vitre de cette banale table de jardin.

Au train où vont les choses, j’ai le mauvais pressentiment que de plus en plus de personnes, de couples et de familles éclateront comme ce verre que nous avons ramassé dernièrement à la petite cuillère.

Malgré tout ce que je viens d’écrire, je ne baisse pas les bras. Il est encore temps de nous ressaisir et de retrouver nos esprits.

Nous devons reprendre le contrôle. L’économie doit être à notre service et non le contraire.

C’est primordial. C’est nécessaire.

Jean-Luc Jolivet

vendredi 26 septembre 2014

SEMAINE PARLEMENTAIRE

Je sais bien que la période de questions à l'Assemblée nationale du Québec peut en rebuter plus d'une et plus d'un. Mais pour ma part, je suis plutôt heureux de vivre dans une société qui possède un lieu pour débattre des enjeux de société avec des règles pour le faire. Ce ne sont pas tous les peuples qui ont la même possibilité.

Un autre avantage à considérer lorsqu’on s’arrête pour suivre les débats, c’est que l’on peut voir la personnalité, si je peux m’exprimer ainsi, des partis politiques en général et du gouvernement en particulier. Surtout si celui-ci s’apprête à chambouler toute la société au nom du sacro-saint équilibre budgétaire.

Je n’entrerai pas dans le cœur même du débat sur la situation économique, pour la simple et bonne raison que je ne me sens pas qualifié pour le faire, et que, ceux et celles qui le sont, me semblent ne pas s’entendre à ce sujet.

Ce que je sais par contre, et ce que je peux vous confirmer, c’est que cette semaine on a vraiment bien senti que c’était le retour - à la droite du président de l’Assemblée nationale - de l’arrogance, du mépris, de la désinvolture, de l'irresponsabilité, de l’incompétence flagrante dans certains cas, de l’aplaventrisme face au fédéral et j’en passe.

Bien sûr que je suis d’accord pour que l’on stimule l’économie, pour que l’on améliore l’accessibilité aux services, pour que l’État soit performant et responsable.

Par contre, je ne crois pas que c’est en dilapidant nos acquis, en vidant nos régions de sa culture, en vidant nos forêts des gardiens de notre patrimoine faunique, en ouvrant notre fleuve au transport de superpétrolier, en s’attaquant aux familles et aux futurs parents ou en compressant tout n’importe comment, que l’on y arrivera.

Je sais bien que certain aime bien laisser planer l’idée que la démocratie, ce n’est que faire un p’tit x à tous les 4 ans. C’est dans leur intérêt d’alimenter ça afin de tenir la population loin des débats.

Une manière de ne pas leur donner raison est d’aller au cœur de nos débats, aller à la source pour avoir une idée plus claire de la situation. Ensuite, si nous avons le goût de nous rendre plus loin, il y a une multitude de façons de faire valoir notre point de vue.

À nous d’y voir :

http://www.assnat.qc.ca/fr/index.html

http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/index.html

Jean-Luc Jolivet

jeudi 4 septembre 2014


LES VRAIS DRAMES NE CONNAISSENT PAS DE SAISONS*


L’été tire à sa fin. Sous peu, il laissera toute la place aux couleurs automnales. Ensuite, ce sera l’hiver. Ainsi valse la vie. Nous ne pouvons que suivre la danse.

Les types choyés comme moi qui voient défiler les saisons réussissent à soutirer le meilleur de chacune d’elles. Bien sûr, comme tout un chacun, nous avons nos petites déconvenues, nos passages à vide, nos défaites et nos deuils. Alors, nous bougonnons contre le ciel maussade ou l’interminable hiver. La «température» devient notre obsession et la mère de tous nos maux. Elle a le dos large.

Quand nous avons le luxe de chialer contre le climat, nous devons admettre que nos préoccupations sont plutôt secondaires et que nous ne sommes pas trop dans la misère.

Lorsque je prends quelques minutes pour réfléchir et jeter un regard dans le rétroviseur, je ne peux que me considérer chanceux. Du haut de mes 45 balais, tout ce que j’ai craint qu’il tombe du ciel jusqu’à maintenant, ce sont la pluie et la neige. Pas trop angoissant. Ya pas de sirène ou de couvre-feu pour nous aviser de chercher un abri. Nous sommes loin des roquettes et des bombes. Il suffit de s'informer de la météo et de s’adapter. Le cours de notre existence n’est pas compromis.

Nous pouvons continuer à voyager, à consommer, à nous vautrer dans l’opulence ou tout simplement à jouir de notre liberté comme bon nous semble.
J’ai porté ce texte tout l’été, sans le savoir et avant même qu’il soit écrit. J’ai trainé tout au long de la saison estivale, comme un malaise. Comme une difficulté à être pleinement heureux.

Cette phrase, les vrais drames ne connaissent pas de saisons, est arrivée à point et m’a ouvert les yeux.

Mes petits problèmes ne m’empêchent pas de savourer à fond nos quatre saisons. D’autres n'ont pas la même veine. D’autres n’en connaissent qu’une seule, la saison en enfer.

Jean-Luc Jolivet

*Tiré du livre de Danny Laferrière intitulé L’Art presque perdu de ne rien faire (page 366)

mercredi 27 août 2014



RÉFLEXION SUR LE DÉFI DU SEAU D’EAU GLACÉE
 
Tu me demandes, FB, à quoi je pense. Alors, puisque tu me poses la question, je vais te répondre bien franchement.


Oui, j’ai participé au défi du seau d’eau glacée.

Non, je ne le regrette pas.

Oui, je le referais pour aider à la recherche d’un traitement pour n’importe quelle autre maudite maladie de marde !

Non, je ne crois pas que ceux et celles qui y ont également adhéré sont des moutons qui sont prêts à se coucher sous un rouleau compresseur ou à se garrocher en bas d’un pont sous prétexte que tout le monde le fait.

Non, ce ne sont pas tous des exhibitionnistes en mal d’attention qui veulent leur 15 minutes de gloire.


Oui, la grande majorité de ceux et celles qui ont joué le jeu, cherche, dans la vie de tous les jours, à limiter leur empreinte écologique en utilisant l’eau à bon escient, en recyclant, en compostant, en faisant leur lavage à l’eau froide, en utilisant une tondeuse électrique, en se rendant au travail à vélo ou en transport en commun, en achetant moins de viande, en ne surconsommant pas ou j’sais tu quoi encore ?

Oui, ce mouvement-là m’a amené à faire une réflexion. Oui, je me suis questionné à savoir si je le faisais ou pas si on venait à me le demander. Oui, je me suis demandé qu’est-ce qui a bien pu déclencher un engouement semblable.

Pis, un moment donné, j’ai cessé de chercher le pourquoi et j’ai décidé de me pitcher un seau d’eau glacée sur le coco en sachant très bien que je pouvais certainement avoir l’air ridicule. J’ai décidé de prendre une petite minute de rien de ma vie, de cette vie réglée comme une horloge, de cette vie compartimentée où on se prend trop souvent au sérieux et où on se sent souvent seul. J’ai décidé de rigoler un peu et de faire le pitre avec des milliers d’autres pour une cause importante.

Et, je l’ai fait, dans l’espoir qu’un jour, peut-être, nous arriverons à nous unir virtuellement pour, je ne sais pas moi, combattre les dérives du capitalisme, mettre fin à la corruption, dénoncer des exactions, va savoir !

Jean-Luc Jolivet

jeudi 31 juillet 2014

LA RIDE DE VÉLO


Pour faire simple, vraiment simple, on pourrait dire que la vie se résume à ceci : le départ et l’arrivée. Ou l’arrivée et le départ, dépend comment on voit les choses.

Entre les deux, nous devons combler l’espace, remplir le vide.

Pour y parvenir, il y a plusieurs possibilités. Le travail, la discussion, le tourisme, la photographie, la musique, la lecture, l’informatique, la course à pied, la bouffe, l’élevage de pucerons, la culture hydroponique, le flânage, la procrastination, et pourquoi pas, l’amour. En tout cas, on s’entend pour dire que ce ne sont pas les distractions et les loisirs qui manquent.

Pour ma part, ce qui m’allume à tout coup, c’est le vélo. En effet, le bicycle fait partie de cette catégorie d’activité qui me ramène littéralement à l’âge d’or de mon adolescence. Tout comme la pêche, le patin, la baignade ou n’importe quel sport qui nécessite une balle, un ballon ou une rondelle, la bicyclette me donne encore et toujours des papillons dans l’estomac.

Comme un scout j’suis toujours prêt pour une p’tite sortie.

Évidemment, si le départ de la balade est prévu pour 6 h 30 du matin, je bougonne un brin et on doit me tirer un peu l’oreille, mais une fois que la machine s’est enclenchée, je roulerais à l’infini. Il y a seulement mes pauvres jambes pour me ramener à l’ordre et me rappeler qu’à peine arrivé, je dois repartir. Sans oublier qu’il y a de fortes chances qu’un vent de face m’attende sournoisement dans le détour pour me narguer et avoir raison de ma réserve d’énergie.

Ceci étant dit, ce que j’aime le plus quand je roule, c’est le changement de perspective. Mon regard sur la vie se transforme carrément et j’ai l’impression de me retrouver comme par magie dans un autre espace-temps, une autre dimension.

Les odeurs, les sons, les paysages, l’architecture, tout semble plus vrai, plus beau, plus humain. Et que dire du sentiment de liberté qu'une bonne promenade me procure.  

Nous pourrions poursuivre encore longtemps sur cette voie et disserter jusqu’à plus soif sur les vertus de la bécane, mais ajoutons simplement qu’il n’y a rien de mieux que la ride de vélo pour se décrasser le cœur et s’alléger l’esprit.  


Jean-Luc Jolivet

mercredi 30 juillet 2014

TROUVER SON BONHEUR SANS AUGMENTER LA DOULEUR DU MONDE*


C’est décidé, je ne bouge plus d’ici pour le reste de la journée.

Je fais taire ces voix qui m’ordonnent d’être utile et efficace.

Je ne bouge plus d’ici pour le reste de la journée.

Je suis prêt pour un long siège. J’ai à portée de main, sur une petite table bancale, mon thé, quelques fruits, des amandes et beaucoup de livres.

Entre deux pages j’écoute respirer le vent, je regarde les fourmis se disputer des retailles de melons et je scrute la vie dans ses plus intimes détails.

Je ne bouge plus d’ici pour le reste de la journée.

Je ne veux parler à personne. Je reste coi. Quoi qu’il arrive, je demeure vissé à ma chaise longue.

Alors que la moitié de la planète s’entretue, que l’autre, hyperactive, cherche son bonheur dans l’éphémère, je me paie la traite. Je fais la sieste.

À mon réveil, il y a ce chat qui s’est invité dans le tableau. Il est tourné vers la haie de sapins et se fout éperdument de moi. Tous ses sens sont à l’affut. Il est à la chasse et attend patiemment qu’une mouche insouciante fasse un faux pas pour la dévorer. J’admire son calme et son assurance. Sans le savoir, ce félin m’a donné toute une leçon sur l’art de l’attente.

Je ne bouge plus d’ici pour le reste de la journée.

Je fais un pied de nez au temps qui passe et ça me rend heureux. Je me sens vivant.    

Il y a plus d’une façon de prendre son pied, je vous l’accorde. La mienne n’est peut-être pas la plus spectaculaire, mais je me dis qu’il y a une certaine satisfaction à «trouver son bonheur sans augmenter la douleur du monde*».


Jean-Luc Jolivet 

*Phrase tirée d’un texte de Dany Laferrière intitulé Éloge de la lenteur et publié dans son livre L’art presque perdu de ne rien faire.

mardi 15 juillet 2014

L’ENFANCE À BOUT DE SOUFFLE


On la bardasse, l’enfance. On la secoue, la surveille. On la remet à sa place. On ne lui donne aucun répit. On s’impatiente devant ses jeux. On ne lui offre plus l’espace nécessaire pour laisser libre cours à son imagination.    

On voudrait «l’adultériser» au plus sacrant. Pas de temps à perdre. Faut qu’elle devienne efficace rapidement afin qu’elle fasse, elle aussi, sa juste part. Faut qu’elle rapporte.
On la néglige, l’enfance. On la laisse dans nos tacots les vitres fermées, au plein soleil de juillet, pendant que nous courrons les spéciaux. On la laisse déambuler à moitié nue sur les grands boulevards, aux petites heures du matin, pendant qu’on boit sa bière peinard.

On ne la laisse pas respirer, l’enfance. On lui fait faire son 9 à 5, en pleine canicule, alors qu’on se la coule douce au bord de la piscine. On la boîte à «lunchise». On la «pilulise». On lui en fait voir de toutes les couleurs.   
Peut-être n’acceptons-nous pas que notre propre enfance nous ait quittés un beau matin sans crier gare ? Peut-être tentons-nous inconsciemment de la vider de son Essence ? Peut-être ne tolérons-nous pas que d’autres en profitent ?

Toujours est-il qu’elle s’ennuie, l’enfance. Elle a besoin de nous, l’enfance. Elle est fatiguée. Elle cherche son air. Elle a besoin d’être encadrée, certes, mais, avant tout, elle a soif d’être aimée. De se sentir accueillie.
L’enfance ? Elle est essoufflée, l’enfance.

Jean-Luc Jolivet

lundi 14 juillet 2014


LE FESTIVAL

Voilà, c'est terminé.
La 47e édition du Festival d'été de Québec a pris fin hier soir. Je me sens un peu comme le bonhomme de Juste pour rire qui chiale en disant «maman, c'est finiiii !» Quoique 10 jours c'est parfait. Pas sûr que je «tofferais» un 10 jours de plus, à mon âge. 

Ce matin, je ne veux pas faire de bilan ou ajouter ma voix aux critiques parfois justes, parfois malhonnêtes. Je laisse ça aux spécialistes des chiffres, des statistiques et du talk radio.

Non, j'ai juste le goût de parler du pouvoir de la musique.

T'sé, quand débute le spectacle, quand les premières notes se font entendre. Soudainement, tout se fait plus léger. On oublie l'attente, le mal de jambes, la faim et le festivalier un peu fatigant devant nous, et surtout, on prend une pause des vicissitudes de la vie et des mauvaises nouvelles du bordel planétaire. On se laisse porter par la musique, la petite brise, la pleine lune et les effets de l'alcool.

On vit à fond cette grande messe, ce moment en communauté, attirés que nous sommes par le même groupe, par la même chanteuse, par le même chanteur, par les mêmes propos de l'artiste, et ça, malgré tout ce qui peut nous séparer. On ne fait qu'un.

Et c'est aussi ça la beauté du Festival. Se sentir un peu moins seul. Et pendant quelques heures, croire à un monde meilleur.

Musicalement vôtre,

Jean-Luc J.

lundi 16 juin 2014



LA CHEVETTE VERTE (1976)


Comment oublier notre mythique et incomparable Chevette verte 1976? Impossible. Non mais, quel bolide on possédait là! Un vrai tank. Croyez-moi, c'était du solide. Bon, il est vrai que j'ai failli la démolir, mais ça c'est une autre histoire. Elle a tout de même survécu une bonne quinzaine d’années, si ce n'est pas plus. Grâce, notamment, aux bons soins de notre voisin d'en face, M. Magny. Il avait fini par l'acheter la p’tite bougresse. Cent piastres bien sonnées. Faut dire qu'il était mécanicien chez GM et que sa femme en possédait une aussi. Orange celle-là. Ouf!

Toujours est-il que c'est avec ce modèle que j'ai appris à conduire. Et tôt à part ça.

En effet, durant ma tendre enfance et ma prime jeunesse, j’aimais ça les machines. Qu'elles se meuvent sur l’eau, le ciel ou la terre. Qu'elles aient des roues, des ailes, des hélices, des skis ou une coque, je flippais solide. D’ailleurs, à l’instar des musiciens du groupe Rush, j’avais, moi aussi, ma Red Barchetta fétiche. Mon objet de désir, de fantasme libertaire. La bagnole qui m’ouvrait sur tous les possibles. La voiture qui, un jour, me transporterait au bout du monde.

C'est pourquoi, bien avant mes 16 ans, il me tardait tellement d'avoir mon permis que j’achalais sans cesse mon père et ma mère pour prendre le volant. À force de les tanner avec ça, j'avais fini par leur arracher un compromis. Dans le genre «si tu laves l'auto, tu pourras la déplacer». Eurêka, je m'approchais un peu plus de mon rêve. J'peux-tu vous dire que la Chevette était propre en maudit. Bien entendu, je n’allais pas virer ben loin, mais tout de même, je savourais pleinement mon plaisir à chaque occasion.

Je pouvais enfin conduire MA Chevette verte!

Et laissez-moi vous dire qu’elle était verte longtemps. Tellement, qu’un de mes amis du Lac-à-la-Tortue l’avait judicieusement surnommée, La grenouille. Ce n’est pas des bobards que je vous raconte. On pouvait l'apercevoir de loin. On ne pouvait pas la manquer. Par exemple, un jour que je revenais de la Poly et que je me trouvais sur le coin de la 8e rue et 7e avenue à Grand-Mère, je vis ma mère tourner le coin de la 14e avenue sans aucune difficulté. Inutile de vous dire qu’on ne passait pas inaperçu.

Maintenant, si ça ne vous gêne pas trop, revenons un peu en arrière. En 1976 plus précisément.

Retrouvons-nous, pour un instant, chez le concessionnaire J-M Auto Ltd situé entre le 5e et 6e avenue à Grand-Mère. Dans un gros garâge, comme dirait un personnage célèbre de notre filmographie nationale. C’est en ce lieu, dans ce paradis américain du char, que je tombai en amour avec la nouvelle automobile de mes parents.

J’en garde un souvenir intact. Me souviens d’avoir tourné autour, d’avoir embarqué dans le coffre, d’avoir ramené à la maison le dépliant promotionnel. Me souviens de sa senteur lorsque nous l'avons reçue. Me souviens de la clé, du volant, du tableau de bord etc. Me souviens du ronronnement de sa mécanique. Me souviens que devant tant d'effervescence, mes géniteurs m’avaient donné en cadeau une belle Chevette blanche. En jouet bien sûr! Me souviens de ces matins d'hiver à moins quarante lorsque ma mère allait nous porter à l'aréna pour nos pratiques. C'était glacial. Me souviens de ben des affaires. Me souviens que cette Chevette nous a été pas mal utile.  

En tout cas, je suis sûr qu'il y a plusieurs anecdotes rattachées à ces deux mots: Chevette verte. Je suis convaincu qu’il y a autant d’histoires à raconter que de passagers qui ont été trimballés par ce tacot.

Ce soir, c'est le sourire en coin et c'est sans aucune nostalgie que je me remémore les bons moments vécus à bord de cette boîte à beurre qui, pendant longtemps, a fait office de limousine dans ma caboche de jeune premier.

Jean-Luc Jolivet   

 

vendredi 6 juin 2014


TES MAUX


Tu ne cherches plus tes phrases. Tu ne te creuses plus les méninges. Tes yeux m'informent que ta palette de couleurs est rendue aussi vierge que cette page blanche que tu as redoutée toute ta vie.

J'ai beau fouiller, scruter et sonder ton regard, je n'y vois plus aucun signe de rage de vaincre. Ta belle combativité, ta force tranquille ont fait place à la résignation.

Quelle absurdité, quelle ignominie !

Comment cela a-t-il pu t'arriver ? Toi qui a passé ta vie à jouer avec les mots et à dompter ceux qui dansaient sur le bout de ta langue. Cette langue que tu aimais tant et qui, comme ta mémoire, part à la dérive. Cette langue que tu chérissais et que tu as si bien défendue, te fait un pied de nez d'une absurdité innommable.

Tu étais créatif et pédagogue. Tu n'avais pas peur de monter au créneau pour faire valoir ton point, pour ne pas dire ton poing.

Et même devant les propos absurdes et défaitistes de la ministre de la Culture sur la difficulté à maîtriser le français, tu ne perdais pas espoir, tu ne baissais jamais les bras.

Alors que tu étais un phare, un socle sur lequel nous aurions pu poser nos pieds, nous avons préféré te tourner le dos et nous angliciser à la vitesse grand V.

Nous t'avons cru passéiste et le gardien d'un folklore poussiéreux. Nous nous sommes moqués de ta diction, de ton vocabulaire. Nous t'avons traité de pédant. Nous t'avons humilié.

Peut-être que l'étendue de ton érudition nous faisait voir le vide abyssal de nos connaissances ?

Maintenant qu'il est trop tard, maintenant que nous sommes sur le point de devenir la nouvelle Louisiane du nord, toi, tu te retrouves seul avec tes maux et tu vis ce que tu craignais le plus au monde. Assister à l'agonie de ta langue avant de mourir toi-même.



Jean-Luc Jolivet 


jeudi 1 mai 2014


FAIRE LE VIDE

Le monde ne tient que parce que nous nous croyons contraints de le porter sur nos épaules – sans voir que personne ne nous demande une telle chose*

Y a rien de plus agréable que de se laisser choir de tout son long sur le divan du salon. Après avoir donné le meilleur de soi, se délester de tout ce poids accumulé. Faire le vide. Écouter le silence. Refaire ses forces. Réfléchir. Ne rien planifier. Remettre en place les morceaux du casse-tête pour mieux repartir à neuf.
Ce serait bien d’avoir le courage de se payer ce luxe plus souvent. Prendre le temps de prendre son temps. Ne pas attendre que le corps épuisé et malade nous fasse signe pour arrêter. Ne pas s’en remettre qu’à nos petites semaines de vacances pour se la couler douce sans remords.   

Plus facile à dire qu’à faire, j’en conviens. Parce que de la pression, il y en a. Le message est simple et limpide. Tu te dois d’être performant. Pas seulement professionnellement, mais dans toutes les sphères de ta vie. Pas de marge de manœuvre, pas le droit à l’erreur. Si ce n’est pas toi, un autre prendra ta place.

De toute façon, les tics tacs de l’horloge et les tâches quotidiennes nous ramènent rapidement à l’ordre.

Ce texte n’est pas un hommage à l’oisiveté et à la procrastination - loin de là, je connais les vertus du travail bien fait et satisfaisant - mais un appel à vivre pleinement sa vie.
Ce qui ne veut pas nécessairement dire de s’étourdir, comme bien des publicités réussissent à nous le faire croire.

Pour moi, vivre à fond, c’est être actif tout en restant fidèle à son propre rythme sans l’imposer à l’autre. Trouver son point de rencontre. N’est-ce pas là tout un défi?

Jean-Luc Jolivet

*L’éloignement du monde, Christian Bobin

vendredi 21 février 2014


CES MAINS-LÀ

*« Jean Baptiste Laberge - Toé, c’est pas pareil… tu sais écrire… Moé, j’ai pas appris mes lettres. R’garde… mes mains. Des mains tout croches… des mains faites pour t’nir un manche de pioche… ou ben un manche de hache… Avec ces mains-là (…) Tu vas leur raconter… Tu vas leur parler d’mes mains… »

« De Lorimier - J’vais leur parler de tes mains…Des mains faites pour saluer des amis ou pour couper du pain…Des mains faites pour prier des fois…»

Dans le feu de l’action, dans le tourbillon incessant que l’on nomme quotidien, il m’est nécessaire, pour ne pas dire essentiel, de prendre des pauses; de me réserver des moments de réflexion. Durant ces périodes d’accalmie - gardez ça pour vous  - j’aime bien m’abandonner à la procrastination et à la rêverie.   

J’étais justement dans cet état de flou artistique depuis un certain temps, lorsque j’ouvrai la télévision et que je tombai sur l’excellent film 15 février 1839, de Pierre Falardeau. C’était, soit dit en passant, samedi dernier, le 15 février 2014. 175 ans après les tristes faits.
Arriva alors cette merveilleuse scène, forte et touchante.  Celle où, dans la prison de Montréal, Jean Baptiste Laberge demande à Marie-Thomas Chevalier De Lorimier - ce dernier sera d’ailleurs pendu quelques heures plus tard - de témoigner de tous les efforts et de tous les sacrifices qu’il a faits pour son pays et pour sa famille avant de se faire voler sa terre. Il exhorte De Lorimier de témoigner du labeur de ses pauvres mains.

Dans cette courte séquence réside toute une leçon d’humanité qui restera gravée dans ma mémoire longtemps.   
Cette dernière m’a aussi fait penser que dans nos belles expressions imagées, il est régulièrement question de la tête, du cœur, des bras, des épaules, des jambes, des pieds, des yeux, du nez. N’est-ce pas ? Par exemple, ne dit-on pas, il a une tête sur les épaules, elle a du cœur au ventre, il a les deux pieds sur terre, elle tient le monde sur ses épaules, il a le bras long, elle a le nez fin, il a des yeux de lynx, etc.         

Mais qu’en est-il des mains qui ont défriché, tiré, pioché, raboté, découpé, taillé, équarri, sculpté, semé, chassé, pêché, protégé, bercé, cajolé, bichonné, consolé, brodé, cousu, lessivé, pétri, cuisiné, enjolivé, élevé, enseigné, revendiqué ? Qu’en est-il de ces mêmes mains qui ont écrit l’Histoire; qui ont construit maisons; qui ont bâti pays ? Quelle place ont-elles dans notre imaginaire collectif ?
De nos jours, Il est facile de s’endormir, d’oublier. Il est aisé de se laisser berner par les sirènes du confort et de l’opulence. À ce rythme, nous finirons par croire que la réalité débute avec nous et se termine avec nous. Pourtant, la terre sur laquelle nous avons les deux pieds bien ancrés, la nation qui est la nôtre n’est pas née de la dernière pluie. Elle a été modelée et façonnée par des mains courageuses, travaillantes et ancestrales.

Ce texte est un hommage à tous ceux et à toutes celles qui nous ont précédés et qui ont fait en sorte que nous n’arrivions pas au monde les mains vides.  
À nous maintenant de mettre les mains à la pâte et de continuer le travail amorcé il y a 400 ans et des poussières, dans l’honneur et la dignité.

Jean-Luc Jolivet

samedi 25 janvier 2014

APPRIVOISER LA BÊTE

J’avais 7 ans lorsque mon père a été élu pour la première fois. J’avais 7 ans et je n’y comprenais pas grand-chose. 

Les mots élection, Parti Québécois, député, Laviolette, gouvernement, n’étaient que du charabia pour le ti-cul que j’étais lors de ce fameux 15 novembre 1976. Toujours est-il que la politique venait d’entrer dans ma vie et j’avais intérêt à m’y faire, parce qu’après cette victoire, mon paternel allait en connaître 5 autres d’affilées. Et, sans le savoir, à ce moment-là, j’allais moi-même servir un jour dans la fonction publique québécoise, et ce, autant du côté administratif que politique.
  
Même si je ne saisissais pas trop ce qui se déroulait et même si  les souvenirs de cette soirée restent  flous dans mon esprit, je me rappelle bien avoir été aussi heureux que mon entourage. Comment faire autrement ? Voir ses parents acclamés, accueillis en héros, ça rend n’importe quel enfant fier. Mais pour être franc, si on m’avait annoncé qu’il était le nouvel entraîneur du Canadiens de Montréal ou qu’il venait de gagner 1 million de dollars à la loto, j’aurais été content de la même façon. Et puis, veiller tard un soir de semaine pour un kid de cet âge et me faire dire que j’aurais congé d’école le lendemain, ça ne pouvait que me réjouir. Sans oublier qu’il y avait un super de beau gâteau qui me semblait très appétissant, à cette soirée de fête pas comme les autres. J’avais hâte d’y goûter.

Peut-être m’étais-je trop empiffré de pâtisseries, de chips et d’orangeade, mais j’peux vous dire que les lendemains de veille ont été plutôt pénibles de mon côté.

Tout venait de changer et je commençais à m’en rendre compte. Après la publication du reportage de mon oncle dans l’hebdomadaire l’Hebdo du St-Maurice, quelques semaines plus tard tout s’est mis à débouler. Je pouvais dire au revoir à ma quiétude.

De retour à l'école, j’étais pressé de questions par mes camarades de classes. « Allez-vous déménager à Québec ? » « Est-ce que ton père est riche ? » « C’est quoi ça un député ? » etc. Le tourbillon que j’vous dis ! L’attention qu’on me portait soudainement et mon incapacité à répondre à toutes ces interrogations me mettaient en beau maudit. J’haïssais ça pour mourir ! 

Aujourd’hui, avec le recul et mes 44 ans bien sonnés, je peux avancer ceci : je n’étais pas prêt à le partager avec le public. J’irais même plus loin : je crois que mon tempérament rêveur, mon besoin de stabilité et ma nature  timide, faisaient que je partais avec 2 prises et, disons, que son élection fut un choc pour moi. J’allais devoir en ramer un méchant coup pour apprivoiser la bête qu’est la politique. 

J'peux vous dire que pendant longtemps, j’aurais préféré qu’il soit journalier, policier, ou tout simplement, qu’il reste enseignant.

Parce que - et là, loin de moi l’idée de jouer à la victime - lorsqu’on a un parent qui exerce un travail public aussi peu valorisé et tant ridiculisé, il peut y avoir des répercussions sur notre propre vie, sur notre estime. Évidemment, c’est différent à chacun, mais dans mon cas, ç’a été plutôt pénible.
    
Tout de même, il n’y a pas que des mauvais côtés. Je dirais qu’assez rapidement, malgré tout, je me suis mis à le suivre aux activités publiques. Et j’aimais ça. En plus d’être en sa compagnie, je pouvais rencontrer plein de gens intéressants et vivre des moments hors de l'ordinaire. J’étais toujours partant pour aller dans les festivals - dont le plus connu est le Festival Western de St-Tite - et les tournois de tout genre, les soupers spaghetti, rendre visite aux aînés, descendre de La Tuque à Grand-mère pour suivre la Classique internationale de canot, voir le 24 h de La Tuque, aller à la rencontre des Atikamekws en hydravion, le suivre dans des assemblées et j’en passe. 

Je l’ai certainement accompagné jusqu’à l’âge de 14 ans, jusqu’à l’aube de l’adolescence quoi. À partir de là, mettons qu’il y a eu une pause de mon côté. La politique, c’était la « maudite » politique ! À force d’être submergé par toute cette mauvaise foi et cette démagogie envers les politiques, j’ai fini, moi aussi, par toutes et tous les mettre dans le même panier. Excepté mon géniteur bien sûr. Blague à part, j’voulais pu rien savoir. J’étais révolté. 

Ce n’est qu’une fois passé les turbulences de cette période de la vie, que je me suis vraiment politisé. Je me suis mis à suivre assidûment l’actualité et les développements sur les négociations constitutionnelles. Je me suis intéressé davantage à notre histoire nationale, à lire sur le sujet et à m’informer sur les affaires publiques. J’ai voulu comprendre, savoir d’où je venais. J’ai voulu aller à la rencontre de ce grand peuple dont je fais partie. J’ai souhaité me faire ma propre tête, voir où je me situais sur ce plan sans aucune influence extérieure. 
  
C’est au bout de ce cheminement que j’ai pu voir l’ampleur du travail accompli par mes parents. C’est au bout de cette cogitation que j’ai vraiment pu apprécier tout le bien qu’ils ont fait - et qu’ils font encore -  autour d’eux et toute la générosité qu’ils déploient sans rien attendre en retour.  Finalement, c’est au bout de cette réflexion que j’ai réalisé notre chance de vivre dans un système, certes pas parfait, mais perfectible.

Qu’on le veuille ou non, le cœur de notre société, la santé de celle-ci, est notre participation. Il est essentiel de garder notre esprit critique, il est primordial de rester vigilants et exigeants envers les hommes et les femmes politiques. Mais, nous devons également admettre que la majorité des gens qui consacrent leur énergie à améliorer nos institutions, le font avec abnégation, honnêteté et bonne foi.
    

Jean-Luc Jolivet 

vendredi 3 janvier 2014


ESPOIR

Me voici à taper mon premier texte de l’année 2014, et à me demander, en aura-t-il d’autres ? J’imagine que oui. Toujours les mêmes questions. La source se tarira-t-elle ? Le plaisir sera-t-il toujours présent ? Les lecteurs seront-ils encore intéressés et au rendez-vous ? En effet, à quoi bon écrire si ce n’est que pour soi-même ?

Quelle est la mécanique de tout ce processus ? Un mystère pour moi. Parfois, je note un mot ou une phrase sur un bout de papier que je perds aussitôt et que je retrouve par hasard des mois plus tard. À d’autres occasions, j’ai des flashs que je garde en mémoire et qui ressortent à n’importe quel moment. Souvent, c’est un événement qui fait bouger les choses. De temps à autre, je crois tenir une idée en béton et jamais exploitée, que je flush sans hésiter dès la première ébauche.

Dans le cas présent, le sujet s’est subtilement imposé par lui-même. L’Espoir avec un E majuscule. Un mot galvaudé, utilisé à toutes les sauces, un peu cul-cul ? Peut-être, mais malgré les écueils, les chances de me casser la gueule et d’avoir l’air un peu fleur bleue, je plonge.

Pourquoi faire le saut alors que d’autres thèmes se bousculent au portillon ?

Parce que ce temps d’arrêt toujours apprécié du congé des Fêtes, m’a beaucoup fait réfléchir.

Parce que cette pause salutaire m’a permis, en plus de me ressourcer, de m’amuser et de prendre ça relaxe, d’avoir de vraies et de profondes discussions avec les membres de ma famille et d’obtenir les dernières nouvelles de mes oncles, de mes tantes, de mes cousines, de mes cousins, de mes amis ainsi que de leurs proches. Et le mot qui nous relie toutes et tous et qui me vient spontanément en tête c’est Espoir.

Espoir d’un amour authentique, durable et équilibré. Espoir de rendre à terme sa grossesse. Espoir de dénicher un emploi ou de le conserver. Espoir de guérir. Espoir de voir ses parents vivre encore longtemps et en santé. Espoir de trouver la paix et la sérénité. Espoir de se réconcilier avec sa mère, son père, sa sœur, son frère ou son ami. Espoir de voir ses enfants prendre de l’assurance afin qu’ils soient en mesure de débroussailler leur propre chemin sans trop de heurts. Espoir d’avoir la force de tendre vers une vie plus saine et de se débarrasser de ses dépendances. Espoir de garder intacte sa capacité à se projeter dans l’avenir. Espoir d’avoir le courage d’accepter l’inéluctable. Espoir de voir naître un Pays.

La liste des Espoirs est infinie. Il vous vient sûrement en tête votre propre définition, votre énumération personnelle. Laissez-vous aller pardi !

Pour ma part, je termine ici en ajoutant un petit nouveau aux vœux traditionnels du Nouvel An, soit de l’Espoir à profusion.

Jean-Luc Jolivet