dimanche 23 décembre 2018


ESPOIR



Me voici à taper ce petit texte et à me demander s’il y en aura d’autres qui suivront en 2019? J’imagine que oui. Toujours les mêmes questions. La source se tarira-t-elle ? Le plaisir sera-t-il toujours présent ? Les lecteurs de mon blogue seront-ils encore intéressés et au rendez-vous ? En effet, à quoi bon écrire si ce n’est que pour soi-même ? 

Quelle est la mécanique de tout ce processus ? Un mystère. Parfois, je note un mot ou une phrase sur un bout de papier que je perds aussitôt et que je retrouve par hasard des mois plus tard. À d’autres occasions, j’ai des flashs que je garde en mémoire et qui ressortent à n’importe quel moment. Souvent, c’est un événement qui fait bouger les choses. De temps à autre, je crois tenir une idée en béton et jamais exploitée, que je flush sans hésiter dès la première ébauche.

Dans le cas présent, le sujet s’est subtilement imposé par lui-même. L’Espoir avec un E majuscule. Un mot galvaudé, utilisé à toutes les sauces, un peu cul-cul ? Peut-être, mais dont on ne pourrait pas se passer sous peine de périr sous le poids écrasant de l’inquiétude et du doute.

Il m’apparait que le temps d’arrêt salutaire qu’est le congé des Fêtes a une double utilité. En plus d’être propice à la réflexion sur l’année qui se termine, il porte en lui l’espérance dont nous avons tant besoin pour la suite des choses et pour la nouvelle année qui vient.

Profitons de cette pause afin de remettre à l’ordre du jour nos espoirs trop souvent étouffés par le quotidien effréné et par la nécessité oppressante.    
Espoir de rencontrer un amour authentique, durable et équilibré. Espoir de dénicher un emploi ou de le conserver. Espoir de réussir son année scolaire. Espoir de guérir. Espoir de voir ses parents vivre encore longtemps et en santé. Espoir de trouver la paix et la sérénité. Espoir de se réconcilier avec sa mère, son père, sa sœur, son frère ou son ami. Espoir de voir ses enfants prendre de l’assurance afin qu’ils soient en mesure de faire leur propre chemin sans trop de heurts. Espoir d’avoir la force de tendre vers une vie plus saine et de se débarrasser de ses dépendances. Espoir de garder intacte sa capacité à se projeter dans l’avenir. Espoir de vivre dans un monde où la qualité de l’environnement est un enjeu prioritaire et non pas un dossier parmi tant d’autres. Espoir de voir les tensions mondiales s’apaiser. Espoir de voir naître un pays. 

La liste des Espoirs est infinie. Il vous vient sûrement en tête votre propre définition, votre énumération personnelle. Laissez-vous aller au jeu ! 

Et que cette année 2019 vous soit favorable et à la hauteur de vos Espérances.

Jean-Luc Jolivet 

https://www.lenouvelliste.ca/opinions/carrefour-des-lecteurs/si-on-se-parlait-un-peu-despoir-ac79cebf86eb51adff8f69b6192fe8a1

mardi 23 octobre 2018


LA RÉCOMPENSE


Dieu seul le sait, et le diable s'en doute, ce n’est pas évident d’améliorer et de maintenir la forme.

Disons que ça nous prend parfois un bon coup de pied au c…- non ! Je n’écrirai pas ce gros mot que rigoureusement ma mère m'a défendu de nommer ici (clin d’œil à Brassens en ce moment précis) afin de nous glisser hors de notre chaude et confortable demeure pour aller courir, nager, rouler, patiner ou que sais-je encore !

Lorsque la motivation va au-delà de notre simple bien être, comme par exemple, s’entraîner par respect pour les gens que nous aimons dans le but de vivre en santé et le plus longtemps possible à leur côté en donnant le meilleur de nous, ça nous aide à bouger notre gros c..- non ! Je vous l’ai déjà dit, je n’écrirai pas ce vilain mot dans ce joli petit texte poli et inoffensif - du divan pour aller défier nos limites.  

La vie est ainsi faite que nous devons accepter que les choses et le corps s’étiolent tranquillement pas vite. Oui, je vous l’accorde, parfois plus vite que nous le souhaiterions.

Ce n’est certainement pas une raison pour attendre mollement et béatement comme un chevreuil devant deux spots à brumes que l’inéluctable se produise. Il serait honteux de ne pas nous activer entre notre alpha et notre oméga. Nous avons le devoir de faire ce que doit pour être en pleine possession de nos moyens durant ce sublime entre-deux. Ne pas nous laisser abattre malgré la conscience de notre finitude. Et le sport semble tout indiqué pour nous ouvrir l’appétit. Au sens propre comme sens au figuré. Lorsque nous sommes actifs, la faim vient naturellement et il est plus facile par la suite de mordre dans la vie. 
  
Bon, je dois me sortir de ce pétrin et entreprendre un virage avant que cet écrit commence à suinter la morale bon marché. (non, non, je vous jure Monsieur le juge, je n’ai pas utilisé le mot marché d’une façon subliminale, il m’est arrivé au bout des doigts comme ça, spontanément, veuillez me croire). Ouf ! Juste entre nous, je dois avouer que j’ai eu chaud. Pour faire image, je vous dirais que je suis en nage. J’ai dû patiner en masse pour faire croire à sa Seigneurie que je ne cherchais pas à le rouler.

-Ok, ça commence à être lassant ton affaire. C’est quoi au juste que tu souhaites nous dire, à nous, tes fidèles lecteurs ? Notre temps est précieux, tu sais. Accouche qu’on baptise !

-D’accord, d’accord, désolé. En tout cas, vous emmerder n’était pas pantoute le but recherché en m’installant derrière l’ordinateur pour taper ce texte. Ce que je voulais exprimer, c’est que nous avons droit à de maudites belles surprises lorsque nous nous remuons et que nous allons faire des activités physiques à l'extérieur.

Tenez, ce matin, alors que le froid commence à reprendre ses droits pour les mois à venir et à s’agripper sérieusement aux toits des maisons, aux fenêtres des voitures et à la terre sous nos pieds, je suis allé faire des intervalles avant le déjeuner. J'ai eu le privilège en tournant vers la droite, au sortir du boisé, de recevoir mon éblouissante récompense.

Le soleil m’attendait patiemment. Il trônait majestueusement au-dessus des arbres. Il semblait n’être là que pour moi. Il donnait au gazon gelé du terrain vague une dignité hors du commun. J’ai même cru que la course du temps prenait une petite pause de quelques minutes. Comme un arrêt sur image. Comme pour nous dire, regarder ce qui vous entoure, contempler et savourer jusqu’à plus soif.  

Mais surtout, ce cher Galarneau a profité de ce moment pour me souffler à l’oreille «Tu sais que je ne suis jamais loin et comme le chantait Leonard Cohen, tu ne dois jamais oublier: there is a crack in everything, that's how the light gets in 

Jean-Luc Jolivet         

dimanche 21 octobre 2018


QUAND LA MONTAGNE VACILLE

Il est assez affligeant de constater à quel point je ne saisis pas vite. À la lumière de cette découverte tardive, il est alors assez évident que j’aurais fait un bien mauvais huissier (n’ayez crainte, ce sera le seul trait d’esprit du texte). À bien y penser, des nombreux métiers que je souhaitais faire, il ne m’est jamais venu à l’esprit, mais alors là pas une maudite seconde, d’exercer celui-là. (Salutations cordiales à tous les huissiers du Québec ;-).

En tout cas, je m’égare. Une chose est claire, il m’aura fallu tout ce temps pour comprendre cette vérité de la police….de La Palice - encore ce goût de faire un jeu de mots poche qui me reprend - veuillez m’excuser, je ne recommencerai plus, promis.

Donc, je disais. Il m’aura fallu (…) cette vérité : nous ne sommes jamais vraiment arrivés, quoi que nous en pensions. Le travail est constant.  

Il me semble même quelque peu hasardeux de nous asseoir sur nos lauriers. D’ailleurs, n’avons-nous pas la fâcheuse habitude de pointer du doigt un tel ou une telle et de dire, puff, lui, c’est juste un autre de ces parvenus que je ne peux pas sentir ! Au lieu de regarder avec mépris ceux qui sont sûrs d’être enfin arrivés, ne devrions-nous pas  plutôt ressentir de la compassion à leur égard ?

Pourquoi dites-vous ? Simple.

Quand nous pensons avoir atteint le sommet de la montagne, il y a danger de nous la couler douce. De nous péter les bretelles. De déposer nos deux pieds sur la bavette du poêle. De nous sentir satisfait et repu. De nous éteindre tranquillement pas vite en prenant soin d’entretenir l’illusion de notre réussite. De nous enorgueillir, avec une certaine condescendance, face à celui ou à celle qui n’a pas connu le même succès que nous.

Il y a aussi le risque de frapper un autre écueil avec notre beau et grand vaisseau d’or. Soit celui de dilapider nos énergies à garder jalousement nos acquis et de mettre en péril notre santé en ne cherchant qu’à faire fructifier nos aptitudes et nos talents pour notre seul et unique bénéfice.

Dans les deux cas, nous nous aventurons sur le terrain glissant de l’isolement. Nous en arrivons à croire que nous n’avons plus besoin des autres. C’est laisser filer négligemment le meilleur de notre humanité au profit d’une vanité froide et calculatrice.

Nous considérer comme indispensables, indélogeables et parvenus, c’est de ne pas tenir compte que la vie est mouvement. Que tout change, sans arrêt.

La vraie réussite est peut-être de continuer à avancer malgré le chaos, les échecs et les aléas de la vie. C’est probablement de ne jamais lâcher. De savourer nos victoires humblement en reconnaissant l’apport des autres. C’est de nous préserver des moments de repos et de ressourcements pour mieux rebondir. C’est être conscient que nos faits et gestes ont un impact sur les gens qui nous entourent.    

Ainsi, quand la montagne se met à vaciller, que le plancher se dérobe sous nos pieds et que tout part en vrille, nous savons que ce n’est pas la fin, mais le début et l’ouverture sur d’autres possibles.


Jean-Luc Jolivet
21 octobre 2018

samedi 18 août 2018


NOUS ÉTOUFFONS ICI




S’il te plaît, je t’en prie, ne ferme pas la fenêtre. Ne trouves-tu pas que nous étouffons ici ?

S’il te plaît, laissons sortir cet air vicié et faisons de la place à un souffle plus frais.

Nous étouffons ici, dans ce petit monde policé où les «régressionnistes» veulent faire la loi et s’activent à saccager les gains obtenus dans plusieurs domaines dont l’environnement, l’économie, la culture ou le social.  

Après toutes ces luttes, ces revendications et tous ces combats, ne trouves-tu pas que nous semblons revenir à la case départ ?

Mais dis-moi, à quel moment l’avons-nous échappé de la sorte ?

Je sais bien que la vie est faite de mouvement, mais après toutes ces avancées, je ne peux pas me faire à l’idée que le pendule est sur le point de nous revenir en pleine gueule d’une aussi violente façon.

Avons-nous encore la possibilité de l’arrêter, ou du moins, d’amortir le choc ?

Malgré des signes inquiétants qui suggèrent que non, je veux toujours y croire.

Ouvrons nos fenêtres et laissons entrer un peu de sagesse dans cette pièce de plus en plus exigüe. Respirons un bon coup. Le temps est peut-être lourd, mais il n’est pas question de jeter l’éponge.

Prenons les défis un à un et à bras-le-corps. Continuons de chercher des solutions à nos failles.

Ne laissons pas notre humanité être écorchée, bafouée et piétinée de la sorte par le rouleau compresseur de la croissance infinie, des rapetisseurs d'horizons et de la déliquescence intellectuelle.    

Inspirons-nous de toutes celles et de tous ceux qui à chaque jour se relèvent les manches, se crachent dans les mains et tendent leur action vers la réalisation d’un monde plus lumineux.

La respiration sera plus ample, les idées seront plus claires et l’air ambiant sera moins écrasant.  


Jean-Luc Jolivet

lundi 25 juin 2018


Discours de la Fête nationale du 24 juin 2018


Chers amis.es, Québécoises, Québécois de toutes origines et de tous âges, bonsoir ! À nos sœurs et à nos frères des premières nations, un salut amical et respectueux : Kwei !

Le grand Gaston Miron a écrit un jour : « Si nos yeux se vident de leur mémoire, nous ne serons plus des hommes. » De vous voir toutes et tous aujourd’hui en si grand nombre, hommes et femmes debouts et fiers, je me dis que la mémoire est encore vive et pleine. 

D’aussi loin que je me souvienne, la fête nationale a toujours eu une résonance particulière en moi. En plus de coïncider avec le début de l’été, elle me fait prendre conscience de mon appartenance à ce beau et grand peuple Québécois.

Un peuple courageux, innovateur, généreux, chaleureux et ouvert.

Un peuple qui n’a pas à rougir devant quiconque et qui s’illustre internationalement dans plusieurs domaines.

Une nation qui porte en elle de riches et denses histoires de héros. Histoires qui continuent à s’écrire à tous les jours sous nos yeux.

Justement, ce soir, profitons de notre fête nationale pour reconnaître et honorer nos héros et nos héroïnes qui ne font peut-être pas constamment les manchettes et les premières pages des magazines, mais qui, par leur action quotidienne, font du Québec un lieu en constante évolution où il fait bon vivre.    

Ce soir, saluons respectueusement cette femme qui, à tous les jours de sa vie, après s’être assurée que sa marmaille ne manque de rien, retourne à son laboratoire de recherche pour trouver un remède ou une solution à nos défis environnementaux.

Levons notre chapeau à cet homme qui, après avoir laissé sa petite au CPE, retourne à son entreprise où il a tout investi afin de créer dans sa ville un milieu de vie dynamique et ainsi permettre à des gens d’occuper des emplois de qualité.

Remercions ces infirmières, ces enseignants, ces entraîneurs, ces travailleuses sociales, ces ergothérapeutes et j’en passe, qui ne comptent pas leurs heures pour faire une différence positive dans la vie des gens et qui sont des transmetteurs d’humanité.

Témoignons de notre estime à ce mécanicien qui s’assure de mettre à jour son expertise afin que l’on roule avec des véhicules sécuritaires et à cette coiffeuse qui nous fait une belle tête pour les occasions spéciales et pour la vie de tous les jours.

Soyons reconnaissants envers cette agricultrice, cet épicier et ce boulanger qui se lèvent aux petites heures du matin et qui travaillent d’arrache-pied pour nous fournir en denrées alimentaires de qualités. 

Inclinons-nous devant ces bénévoles et ces aidants naturels qui sont des diffuseurs de lumière et de bien-être.

Enfin, rendons hommage à cet auteure-compositrice-interprète, à ce dramaturge, à ce poète qui sèment le rêve dont nous avons tant besoin pour exister et à cette journaliste qui décrit, objectivement, le monde dans lequel on vit.  

La liste pourrait être encore longue et exhaustive, mais je sais que tout comme moi vous avez hâte de voir le superbe feu d’artifices préparé par nos valeureux bénévoles et ainsi de continuer à festoyer avec Perle et ses musiciens. Et vous aurez compris où logent mes héros préférés.

En terminant, il n’y a pas de meilleures façons pour clore ce petit discours que d’utiliser ces mots d’espoir chantés il y a 40 ans par deux de mes héros, Serge Fiori et Richard Séguin : « Ça fait du bien de s’voir, ensemble dans un lieu d’espoir, j’crois en toi tellement fort, si on chantait encore »

Bonne fête nationale !

Jean-Luc Jolivet

mercredi 25 avril 2018



La lumière des oiseaux (À Cécile)


Heureusement pour nous, un grand manitou a pensé un jour à diffuser toutes sortes de lumière tout au long de notre chemin pour nous réchauffer l’âme et le coeur: un sourire; le rire des enfants; un beau geste; une bonne parole; un ciel enflammé au couchant de l’été; une truite qui saute au milieu d’un lac calme à la tombée du jour; la vue d’une fleur qui pousse en milieu hostile. Que sais-je encore? Mais je n’ai jamais vu une lumière aussi libératrice et apaisante que celle produite par les oiseaux.

Évidemment, pour goûter aux bienfaits de leur science, il faut préalablement savoir se poser et mettre de côté les affaires que nous considérons pressantes. Chambouler notre ordre du jour remplit à ras bord et prêter une oreille attentive à ce qu’ils ont à nous offrir. Ouvrir les yeux aussi et attendre. Ne pas se décourager. Même si rien ne semble se passer, la transformation commence. Tranquillement pas vite, en scrutant soigneusement leur mouvement, leur amour et leurs travaux, nous devenons plus détendus. Nous oublions nos maux physiques et moraux. Cette chape de plomb, qui était si pesante il y a quelques instants, se fait moins lourde.

Comme par magie, nous devenons totalement présents et fondus à notre environnement. Nous nous sentons plus que jamais vivants et en symbioses avec l’Essence de la Vie avec un grand V. 

Et puis soudain, le chant d’un oiseau atteint la cible. Nos murs intérieurs commencent à se fissurer. Une lumière se pointe le bout du nez. Ces murs que nous nous employons à construire depuis notre tendre enfance deviennent fragiles. Un seul coup d’aile de ces poètes plumés permet à la lumière de terminer le travail et de faire éclater nos dernières résistances. Nos doutes et nos angoisses existentielles n’ont plus aucune emprise sur nous.

Nous ne connaissons plus la peur. Nos yeux sont neufs et lavés des poussières qui se sont accumulées avec le temps. Nous ne pouvons que rester scotchés à l’univers qui se déploie devant nous.

Nous comprenons alors que la vie est plus forte que tout. Qu’il suffit parfois d’exposer nos zones d’ombre à la lumière des oiseaux pour faire fondre nos appréhensions, et ainsi, retrouver une respiration ample et sereine.

Affectueusement,
Ton neveu Jean-Luc qui t’aime xx   

jeudi 15 mars 2018

CE GRAND LUXE


La table est desservie. La vaisselle se douche dans le lave-vaisselle. Le linge virevolte et se réchauffe dans la sécheuse. Le téléviseur, l’ordinateur et le cellulaire sont éteints. Les lumières sont tamisées. Le chien ronfle déjà sur son coussin. La maisonnée est assoupie et se laisse dériver lentement vers la nuit qui approche.

Un silence enveloppant et apaisant reprend ses droits et flotte dans l’air.

C’est l’heure pour moi de monter à l’étage et de m’installer confortablement dans ma salle de lecture et d'écriture.

Lieu béni.

Aussitôt assis dans mon divan, la tension accumulée durant la journée baisse automatiquement d’un cran.

Je ferme les persiennes, j'allume la lumière sous l'abat-jour, je nettoie mes lunettes et je reprends ma lecture là où je l’avais laissée à regret pour m’occuper de choses, disons, plus valorisées socialement.

Je retire mon costume de salarié et je plonge corps et âme dans le monde fascinant et foisonnant de la littérature. Plus personne n’attend quoi que ce soit de moi. Le souffle de la liberté me chatouille les narines et pénètre dans mes poumons. Je respire déjà mieux. Je me sens moi-même.

Je lis quelques pages et je m’arrête. Je réfléchis à ce que je viens de lire. Je me ferme les yeux. Je replonge encore pour lire quelques lignes. Je savoure ce que me raconte cet auteur contemporain en ce moment de pure félicité.

Je suis entièrement présent et dédié à ce que je fais.  

Je poursuis ma lecture sur plusieurs pages. Je m’arrête à nouveau. Je ferme le livre et le dépose sur la petite table blanche et ronde qui est à ma droite.

Je me laisse porter par mes pensées.  

Je me lève et vais chercher dans la bibliothèque un joyau de l’œuvre de l’immense Charles. Je relis pour une centième fois ce poème qui me touche toujours autant et je deviens subitement un spectateur silencieux et impuissant face au mauvais sort que les hommes d’équipage réservent aux albatros « ces rois de l’azur, maladroits et honteux » qui ont le malheur de se retrouver sur le pont de ce « navire glissant sur les gouffres amers. » J’en retiens une leçon qui sert à me remettre rapidement à ma place lorsque je suis sur le point de me moquer méchamment de quelqu’un.  

Pour m’éloigner de la mer, des préjugés et de la méchanceté, je tends l’oreille à ce que la merveilleuse Joséphine a à me dire. Elle est généreuse cette grande dame. Elle me permet d’avoir accès à elle et à son bagage de vie à travers le sublime Bâtons à message. Elle me dit en autres que « nous sommes rares, nous sommes riches, comme la terre nous rêvons. » Elle ne le sait pas, quoiqu’elle le devine sûrement, mais elle me nourrit durant plusieurs jours grâce à ses mots. Elle me comprend lorsqu’elle me dit que « mon rêve ressemble à une paix qui se bat pour sa tranquillité. »

Maintenant, afin de m’en mettre plein la vue, je n’ai qu’à étendre mon bras vers l’étagère du bas et ouvrir à la page 350 du tome II de l’œuvre complète du génie du Pays-Bas pour me retrouver dans un champ de Arles. Vincent m’invite alors à prendre tout mon temps et à contempler les gestes rapides et méthodiques du semeur au soleil couchant. Ensuite, il me suggère de regarder la vieille Tour dans les champs de Nuene à la page 45 du tome I. Je reste scotché de très longues minutes sur ces images sublimes. Je ne sais pas si ce peintre avait conscience en peignant ses tableaux que ceux-ci traverseraient le temps et qu’ils permettraient à un québécois de mettre de la couleur sur ces trop longs jours gris de mars, quelques 130 années plus tard. Cette question fascinante restera à jamais sans réponse.     

Mes yeux se font un peu plus lourds, mais je ne peux pas me résoudre à clore cette soirée de lecture tout de suite. Avant d’aller au lit, j’ouvre le Grand fanal de ce natif de Lauzon, de ce poète que j’aime beaucoup qui célèbre la vie, les oiseaux, notre majestueux fleuve et qui est à l’écoute « des paroles qui marchent dans la nuit. » Encore une fois, sa bienveillance m’est de bon conseil. Afin d’avoir une vie large, ce dernier m’invite à me « donner par jour cinq minutes de poésie. » Je ne saurai jamais assez le remercier.

On ne sait pas où peuvent mener nos lectures, mais celles-ci m’ont clairement aidé à écrire ce texte et elles m’ont permis de voyager dans le temps.

Voyez, je suis passé du XIXe siècle au XXIe siècle dans le temps de le dire et pour pas cher à part ça.

En tout cas, ce qui est heureux, c’est que je peux me payer ce grand luxe régulièrement sans pour autant risquer de me retrouver sur la paille.  


Jean-Luc Jolivet
Jeudi 15 mars 2018