QUAND LA MONTAGNE VACILLE
Il est assez affligeant de constater à quel point je ne
saisis pas vite. À la lumière de cette découverte tardive, il est alors assez
évident que j’aurais fait un bien mauvais huissier (n’ayez crainte, ce sera le
seul trait d’esprit du texte). À bien y penser, des nombreux métiers que je
souhaitais faire, il ne m’est jamais venu à l’esprit, mais alors là pas une
maudite seconde, d’exercer celui-là. (Salutations cordiales à tous les
huissiers du Québec ;-).
En tout cas, je m’égare. Une chose est claire, il m’aura
fallu tout ce temps pour comprendre cette vérité de la police….de La
Palice - encore ce goût de faire un jeu de mots poche qui me reprend - veuillez
m’excuser, je ne recommencerai plus, promis.
Donc, je disais. Il m’aura fallu (…) cette vérité :
nous ne sommes jamais vraiment arrivés, quoi que nous en pensions. Le travail
est constant.
Il me semble même quelque peu hasardeux de nous asseoir
sur nos lauriers. D’ailleurs, n’avons-nous pas la fâcheuse habitude de pointer du
doigt un tel ou une telle et de dire, puff, lui, c’est juste un autre de ces parvenus
que je ne peux pas sentir ! Au lieu de regarder avec mépris ceux qui sont sûrs d’être
enfin arrivés, ne devrions-nous pas plutôt
ressentir de la compassion à leur égard ?
Pourquoi dites-vous ? Simple.
Quand nous pensons avoir atteint le sommet de la
montagne, il y a danger de nous la couler douce. De nous péter les bretelles. De déposer nos deux pieds sur la bavette du poêle. De nous sentir satisfait et repu. De nous éteindre tranquillement pas vite en prenant soin
d’entretenir l’illusion de notre réussite. De nous enorgueillir, avec une
certaine condescendance, face à celui ou à celle qui n’a pas connu le même
succès que nous.
Il y a aussi le risque de frapper un autre écueil avec
notre beau et grand vaisseau d’or. Soit celui de dilapider nos énergies à garder
jalousement nos acquis et de mettre en péril notre santé en ne cherchant qu’à faire
fructifier nos aptitudes et nos talents pour notre seul et unique bénéfice.
Dans les deux cas, nous nous aventurons sur le terrain
glissant de l’isolement. Nous en arrivons à croire que nous n’avons plus besoin
des autres. C’est laisser filer négligemment le meilleur de notre humanité au
profit d’une vanité froide et calculatrice.
Nous considérer comme indispensables, indélogeables et
parvenus, c’est de ne pas tenir compte que la vie est mouvement. Que tout
change, sans arrêt.
La vraie réussite est peut-être de continuer à avancer
malgré le chaos, les échecs et les aléas de la vie. C’est probablement de ne
jamais lâcher. De savourer nos victoires humblement en reconnaissant l’apport
des autres. C’est de nous préserver des moments de repos et de ressourcements
pour mieux rebondir. C’est être conscient que nos faits et gestes ont un impact
sur les gens qui nous entourent.
Ainsi, quand la montagne se met à vaciller, que le
plancher se dérobe sous nos pieds et que tout part en vrille, nous savons que
ce n’est pas la fin, mais le début et l’ouverture sur d’autres possibles.
Jean-Luc Jolivet
21 octobre 2018
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