jeudi 31 juillet 2014

LA RIDE DE VÉLO


Pour faire simple, vraiment simple, on pourrait dire que la vie se résume à ceci : le départ et l’arrivée. Ou l’arrivée et le départ, dépend comment on voit les choses.

Entre les deux, nous devons combler l’espace, remplir le vide.

Pour y parvenir, il y a plusieurs possibilités. Le travail, la discussion, le tourisme, la photographie, la musique, la lecture, l’informatique, la course à pied, la bouffe, l’élevage de pucerons, la culture hydroponique, le flânage, la procrastination, et pourquoi pas, l’amour. En tout cas, on s’entend pour dire que ce ne sont pas les distractions et les loisirs qui manquent.

Pour ma part, ce qui m’allume à tout coup, c’est le vélo. En effet, le bicycle fait partie de cette catégorie d’activité qui me ramène littéralement à l’âge d’or de mon adolescence. Tout comme la pêche, le patin, la baignade ou n’importe quel sport qui nécessite une balle, un ballon ou une rondelle, la bicyclette me donne encore et toujours des papillons dans l’estomac.

Comme un scout j’suis toujours prêt pour une p’tite sortie.

Évidemment, si le départ de la balade est prévu pour 6 h 30 du matin, je bougonne un brin et on doit me tirer un peu l’oreille, mais une fois que la machine s’est enclenchée, je roulerais à l’infini. Il y a seulement mes pauvres jambes pour me ramener à l’ordre et me rappeler qu’à peine arrivé, je dois repartir. Sans oublier qu’il y a de fortes chances qu’un vent de face m’attende sournoisement dans le détour pour me narguer et avoir raison de ma réserve d’énergie.

Ceci étant dit, ce que j’aime le plus quand je roule, c’est le changement de perspective. Mon regard sur la vie se transforme carrément et j’ai l’impression de me retrouver comme par magie dans un autre espace-temps, une autre dimension.

Les odeurs, les sons, les paysages, l’architecture, tout semble plus vrai, plus beau, plus humain. Et que dire du sentiment de liberté qu'une bonne promenade me procure.  

Nous pourrions poursuivre encore longtemps sur cette voie et disserter jusqu’à plus soif sur les vertus de la bécane, mais ajoutons simplement qu’il n’y a rien de mieux que la ride de vélo pour se décrasser le cœur et s’alléger l’esprit.  


Jean-Luc Jolivet

mercredi 30 juillet 2014

TROUVER SON BONHEUR SANS AUGMENTER LA DOULEUR DU MONDE*


C’est décidé, je ne bouge plus d’ici pour le reste de la journée.

Je fais taire ces voix qui m’ordonnent d’être utile et efficace.

Je ne bouge plus d’ici pour le reste de la journée.

Je suis prêt pour un long siège. J’ai à portée de main, sur une petite table bancale, mon thé, quelques fruits, des amandes et beaucoup de livres.

Entre deux pages j’écoute respirer le vent, je regarde les fourmis se disputer des retailles de melons et je scrute la vie dans ses plus intimes détails.

Je ne bouge plus d’ici pour le reste de la journée.

Je ne veux parler à personne. Je reste coi. Quoi qu’il arrive, je demeure vissé à ma chaise longue.

Alors que la moitié de la planète s’entretue, que l’autre, hyperactive, cherche son bonheur dans l’éphémère, je me paie la traite. Je fais la sieste.

À mon réveil, il y a ce chat qui s’est invité dans le tableau. Il est tourné vers la haie de sapins et se fout éperdument de moi. Tous ses sens sont à l’affut. Il est à la chasse et attend patiemment qu’une mouche insouciante fasse un faux pas pour la dévorer. J’admire son calme et son assurance. Sans le savoir, ce félin m’a donné toute une leçon sur l’art de l’attente.

Je ne bouge plus d’ici pour le reste de la journée.

Je fais un pied de nez au temps qui passe et ça me rend heureux. Je me sens vivant.    

Il y a plus d’une façon de prendre son pied, je vous l’accorde. La mienne n’est peut-être pas la plus spectaculaire, mais je me dis qu’il y a une certaine satisfaction à «trouver son bonheur sans augmenter la douleur du monde*».


Jean-Luc Jolivet 

*Phrase tirée d’un texte de Dany Laferrière intitulé Éloge de la lenteur et publié dans son livre L’art presque perdu de ne rien faire.

mardi 15 juillet 2014

L’ENFANCE À BOUT DE SOUFFLE


On la bardasse, l’enfance. On la secoue, la surveille. On la remet à sa place. On ne lui donne aucun répit. On s’impatiente devant ses jeux. On ne lui offre plus l’espace nécessaire pour laisser libre cours à son imagination.    

On voudrait «l’adultériser» au plus sacrant. Pas de temps à perdre. Faut qu’elle devienne efficace rapidement afin qu’elle fasse, elle aussi, sa juste part. Faut qu’elle rapporte.
On la néglige, l’enfance. On la laisse dans nos tacots les vitres fermées, au plein soleil de juillet, pendant que nous courrons les spéciaux. On la laisse déambuler à moitié nue sur les grands boulevards, aux petites heures du matin, pendant qu’on boit sa bière peinard.

On ne la laisse pas respirer, l’enfance. On lui fait faire son 9 à 5, en pleine canicule, alors qu’on se la coule douce au bord de la piscine. On la boîte à «lunchise». On la «pilulise». On lui en fait voir de toutes les couleurs.   
Peut-être n’acceptons-nous pas que notre propre enfance nous ait quittés un beau matin sans crier gare ? Peut-être tentons-nous inconsciemment de la vider de son Essence ? Peut-être ne tolérons-nous pas que d’autres en profitent ?

Toujours est-il qu’elle s’ennuie, l’enfance. Elle a besoin de nous, l’enfance. Elle est fatiguée. Elle cherche son air. Elle a besoin d’être encadrée, certes, mais, avant tout, elle a soif d’être aimée. De se sentir accueillie.
L’enfance ? Elle est essoufflée, l’enfance.

Jean-Luc Jolivet

lundi 14 juillet 2014


LE FESTIVAL

Voilà, c'est terminé.
La 47e édition du Festival d'été de Québec a pris fin hier soir. Je me sens un peu comme le bonhomme de Juste pour rire qui chiale en disant «maman, c'est finiiii !» Quoique 10 jours c'est parfait. Pas sûr que je «tofferais» un 10 jours de plus, à mon âge. 

Ce matin, je ne veux pas faire de bilan ou ajouter ma voix aux critiques parfois justes, parfois malhonnêtes. Je laisse ça aux spécialistes des chiffres, des statistiques et du talk radio.

Non, j'ai juste le goût de parler du pouvoir de la musique.

T'sé, quand débute le spectacle, quand les premières notes se font entendre. Soudainement, tout se fait plus léger. On oublie l'attente, le mal de jambes, la faim et le festivalier un peu fatigant devant nous, et surtout, on prend une pause des vicissitudes de la vie et des mauvaises nouvelles du bordel planétaire. On se laisse porter par la musique, la petite brise, la pleine lune et les effets de l'alcool.

On vit à fond cette grande messe, ce moment en communauté, attirés que nous sommes par le même groupe, par la même chanteuse, par le même chanteur, par les mêmes propos de l'artiste, et ça, malgré tout ce qui peut nous séparer. On ne fait qu'un.

Et c'est aussi ça la beauté du Festival. Se sentir un peu moins seul. Et pendant quelques heures, croire à un monde meilleur.

Musicalement vôtre,

Jean-Luc J.