mercredi 11 décembre 2013

 
 

UNE GROSSE PERTE (quessé que j’va devenir ?)

 
Chères amies lectrices, chers amis lecteurs (si je peux me permettre),

Ça va pas ben ! J’file pas pantoute. J’ai la tête engluée dans un processus de deuil. T’sé là, les 5 étapes : le choc, la colère, le marchandage, la tristesse et l’acceptation. C’est pas jojo c’que je vis.

Faque, j’vous avertis tout d'suite, si vous êtes fragiles, un peu sur les nerfs ou que vous vous sentez fébriles, aussi ben de n’pas continuer votre lecture et d’passer à autre chose. L’histoire qui suit, c’est pas Tintin, Blanche-Neige ou un quelconque roman à l’eau de rose. Ça finit mal.

Le temps est assez précieux d’même, alors si vous souhaitez faire quelque chose de plus constructif, comme aller repeindre votre sous-sol, rouler des sushis, faire du zumba, sortir le chien ou bedon, pourquoi pas, vous coucher su’l’dos et fixer le plafond toute l’avant-midi, grand bien vous fasse. J’prendrai pas ça mal, j’vous l’jure.

Correct d’abord, vous préférez poursuivre, pas d’trouble, mais v’nez pas chialer ensuite que mes textes sont négatifs et que je suis trop pessimiste. L’écriture, c’t’un exutoire pour moi, c’t’u clair ça ! Bon bon, désolé, prenez pas le mors aux dents, c’est le choc qui me fait parler d’même, j’chu pas toute à moé. J’vous l’ai dit, j’pas dans mon assiette.

Ok, j’en arrive au fait. Ma vie vient de s’écrouler, j’en perds tous mes repères. J’suis déstabilisé. J’sais pas si je vais être capable de me refaire. J’ai des doutes sur mes capacités à recommencer à rouler ma roche tout en haut du sommet de la montagne de ma vie (maudit que c’est beau c’que j’écris, j’en ai des frissons). À côté de ce qui m’arrive, la pire tragédie mondiale, le décès d’une personnalité marquante de l’histoire, c’est rien, c’est d’la p’tite bière.

Bon, assez niaisé, j’vais lâcher le morceau. Mon iPod est mort à matin ! Y est fini, kaput. Y a trépassé le p’tit v’limeux. Y a sapré l’camp avec mes 800 cd et tous les souvenirs qui nous unissent.

Mon fidèle compère compagnon des 6 dernières années a, sans aucun avertissement, levé les feutres. Il m’a laissé tomber comme une vulgaire chaussette sale, il vient de me jeter comme de vieux restants secs et malodorants d’un grand festin. Je suis dévasté.

Pas de méprise, je l’ai toujours traité aux p’tits oignons, j’en ai pris soin comme la prunelle de mes yeux. Je le trainais constamment sur moi dans sa pochette protectrice. Je l’emmenais partout en voyage. Je le tenais loin de la chaleur ou du froid extrême. Loin du feu et de l’eau aussi. Dès que je voyais sa batterie faiblir, je le remettais sur sa base. Y avait pas meilleur propriétaire que moi. Quand le drame s’est produit, je n’ai pas lésiné sur les efforts pour le sauver. Je lui ai fait des massages cardiaques, du bouche-à-bouche, je l’ai branché, j’ai suivi à la lettre les instructions de mon iTunes et j’ai prié le dieu des gadgets électroniques, rien n’y fit. C’était trop tard, il avait passé l’arme à gauche. Le vers avait mangé toute la pomme.

Dans ma grande naïveté, je le pensais éternel. Ok, j’en mets un peu, je sais bien que tout est périssable et que la finitude nous attend tous, mais, j’aurais tout de même apprécié qu’il dure plus longtemps. J’me console en me disant qu’il a eu une durée de vie plus longue que mon réfrigérateur et que mon lave-vaisselle réunis.

Non, moé, en fait, ce qui m’écœure le plus, c’est la débarque sociale que je viens de prendre. J’suis à deux poils de redevenir un homme des cavernes et de perdre ma dignité. Va falloir que je me reconnecte sur mon gros système de son, vais devoir apporter un paquet de cd dans mon char pour la route, avec tout l’espace que ça prend et les risques qui vont avec comme de péter les pochettes de plastique et d’égratigner le disque. J’s’r’ai pu de mon temps bâtard !

Toujours est-il que ça me rassure de savoir que lorsque mon chagrin sera consommé et que j’aurai accepté l’inéluctable, je vais pouvoir me garrocher au centre d’achat le plus près, avec mon gros bazou, pour en acquérir un autre plus performant et plus puissant. Au-delà de tout ce que j’ai perdu, je détiens encore le libre arbitre de dépenser le ¾ de mon salaire hebdomadaire pour assouvir mon besoin pressant de possession. On choisit bien les chaînes qui font notre affaire t’sé !

Pis à part de ça que j’me dis, y a du positif dans toute après tout. Ma mésaventure a du bon et mon histoire finit pas si mal que ça en fin de compte.

Mon mode de vie crée de la job ailleurs.

Pensez aux enfants qui travaillent dans les usines d’Appel et à tous ces privilégiés qui ramassent les rebuts informatiques toxiques dans les dépotoirs des pays de l’Asie…ça ramène de la belle argent dans leur famille ces p’tites bêtes-là !

Sur ce, je vous souhaite à toutes et à tous un très Joyeux Noël, et surtout, un maudit beau boxing day !

Jean-Luc Jolivet

vendredi 22 novembre 2013




LORSQUE JE SERAI VIEUX ET AU BOUT DU ROULEAU

En mémoire de Guy et de tous ces êtres chers qui sont partis trop tôt

Lorsque je serai vieux, très très vieux, et au bout du rouleau. Lorsque je ne supporterai plus le poids de mon corps et ce mal de dent lancinant. Lorsque je me serai bien battu. Lorsque j’aurai le sentiment d’avoir donné le meilleur de moi-même. Lorsque mon échine sera pliée définitivement et irrémédiablement. Lorsque j’aurai bu mon existence jusqu’à la lie. Lorsque je serai repu d’existence. Lorsque les forces me quitteront petit à petit. Lorsque mon cœur ne suivra plus les pulsions. Lorsque je serai aussi transparent qu’une feuille en papier de soie. Lorsque je serai fatigué, très fatigué, alors….
Je veux que vous me transportiez au centre de ma cour, au cœur de l’été, et que vous m’installiez sur ma chaise préférée et que vous me laissiez seul quelques heures.

Je veux philosopher paisiblement et céder, sans remords, à la contemplation.   
Je veux, une dernière fois, m’imprégner de cette beauté qui m’entoure.

Je veux me laisser submerger par les couleurs, les sons et les caresses d’un vent tiède et doux.
Je veux embrasser, dans un ultime regard, ce pays qui m’a tant donné.

Je veux, dans un dernier sursaut de vitalité, regarder la vie dans les yeux et la remercier.
Je veux faire la paix avec ce corps qui m’a toujours été fidèle, mais que j’ai passablement bardassé.

Je veux me détacher tranquillement de ces possessions qui m’ont été utiles, mais qui, d’un autre côté, m’ont fait perdre bien des énergies.

Je veux faire le compte de mes bons et de mes mauvais coups.
Je veux prendre tout le temps nécessaire pour me pardonner mes manquements.

Je veux avoir une pensée pour toutes ces personnes que j’ai croisées sur mon chemin et qui m’ont été chères.  

Je veux me défaire définitivement de cette peur qui m’a accompagné tout au long de cette aventure.
Je veux vivre à fond ce suprême moment de grâce.

Enfin, lorsque le jour et mon état déclineront, j’aimerais que vous veniez me rejoindre, que vous m’étendiez sur une chaise longue, que vous m’emmitoufliez dans une couverture chaude et confortable et que vous entonniez, tout doucement, un air de musique apaisant. Avant de quitter la scène, avant que ne s’éteignent les feux de la rampe, je veux que nous passions la nuit à la belle étoile.    
Et comme ça, tout naturellement, aux premières lueurs du jour, entouré de votre tendresse, je veux que vous me donniez un peu d’eau et beaucoup de courage afin que je puisse accepter sereinement ma finitude. À ce moment, je souhaite sentir ma vie s’évaporer lentement et discrètement de mon corps dans un chaud et sublime faisceau de lumière.  

Jean-Luc Jolivet


lundi 11 novembre 2013




LA ROUTE


À l'oncle Jack


J’ai besoin de toi la route. Tu m’es importante, la route.
Lorsqu’il est temps de m’aérer l’âme, quand je dois reprendre mes esprits et recoller les morceaux du casse-tête.

J’ai besoin de toi la route. Tu m’es indispensable, la route.
Lorsque je ne sais plus trop bien où j’en suis, quand il me faut faire silence et me recentrer sur le fondamental.

J’ai besoin de toi la route. Tu m’es nécessaire, la route.
Lorsqu’il me tarde de faire le vide, quand je souhaite philosopher et retrouver mon jazz intérieur.

J’ai besoin de toi la route. Tu m’es salutaire, la route.   
Lorsque j’en ai plein mon casque, quand tous les recoins de la cité sont tapissés de publicités et que je veux fuir le vacarme de la ville.

J’ai besoin de toi la route. Tu m’es essentielle, la route.
Lorsque mon estime est fissurée comme ton revêtement, quand ma mémoire est trop pleine et que ma mécanique se sclérose.

J’ai besoin de toi la route, tu m’es vitale, la route.

Jean-Luc Jolivet        

mercredi 16 octobre 2013

LE HOCKEY

(À tous les kids qui nourrissent une passion, continuez batêche, lâchez pas !)

Pendant plus d’une décennie, le hockey a été toute ma vie. J’en mangeais comme on dit. Je jouais au hockey sur table, dans le sous-sol, dans les gymnases, dans la rue, à la patinoire extérieure, à l’aréna et….dans mes rêves. L’expression « y est né avec des patins din pieds » me faisait comme un gant.

Selon mes souvenirs, les premiers papillons se sont manifestés à l’aréna de Grand-Mère lors d’un match de mon frère aîné. Je devais avoir environ 6 ans. J’étais accoté sur le bord de la bande, juste à côté du banc des joueurs, et je fixais l’équipement du gardien. Le masque, les jambières, le biscuit et la mite - comme on les appelait - retenaient toute mon attention. Comment faire autrement ? Le gars avait l’allure d’un vrai guerrier ! Ce sont les cris de la foule, alors que l’équipe de mon frère venait de marquer un but, qui m’ont sorti de mes rêveries. Maudit que j’aurais tout donné pour être sur la glace à ce moment précis. C’était décidé, moi aussi je pratiquerais ce sport et probablement comme gardien de but !

Laissez-moi vous dire qu’en revenant à la maison, je ne tenais plus en place ! Je talonnais sans cesse mes parents. « Papa, maman, moi aussi je veux jouer au hockey à l’aréna, moi aussi, comme Benoît, je souhaite être dans une équipe. »  Svp que je les suppliais avec insistance ! Alors, mes parents m’ont fait comprendre qu’il était trop tard pour m’inscrire et que je devais patienter encore une grosse année. Imaginez, j’avais de la misère à attendre 2 semaines avant d’ouvrir mes cadeaux de Noël, comment ferais-je pendant 12 longs mois !?

Finalement, tout est allé très vite. Pas vu le temps passer. Faut dire qu’il n’était pas question que je reste assis sur mes lauriers et que je me pogne le beigne. J’avais un gros kick et y était pas question de laisser tomber cette passion pour une question de délai. Je venais d’entrer en religion et j’étais prêt pour mon chemin de croix. Un jour, j’aurais également ma place dans le temple municipal qu’était notre mini Forum à nous.

C’est alors que tout s’est enclenché. J’me suis mis à regarder assidument la Soirée du Hockey, à porter quasiment jour et nuit un superbe chandail de laine des Red Wings de Detroit, à me pratiquer dans le sous-sol avec une balle de tennis où j’ai, oh ! malheur ! démoli mon beau train électrique avec mes lancers frappés de débutant. Non, mais, quel cave que j’me suis dit des années plus tard ! Et finalement, à jouer seul dans la rue avec mon hockey à palette plate, mes 4 mottes de neige comme but et ma belle rondelle noire qui sentait bon le caoutchouc. C’est assez capoté, j’étais à la fois le commentateur, le joueur vedette, la foule, l’arbitre et le conducteur de Zamboni. Cibole, tout ça sans même avoir ingurgité une seule substance illicite. De l’imagination pure et simple ou un beau cas de psychiatrie, dirait un p’tit farceur ! En tout cas, c’était le temps béni où l’ennuyance ne faisait pas encore partie de ma vie.     

Mais, la cerise sur le sundae, c’est lorsque mon père nous a acheté un beau jeu de hockey sur table tout neuf. Croyez-moi, y était écœurant avec ses joueurs en 3 dimensions - aux couleurs des Bruins de Boston et des Black Hacks de Chicago - son tableau pour marquer les points, d’où on pouvait faire glisser la rondelle pour qu’elle soit mise au jeu, et sa fameuse coupe Stanley en miniature ! Les premières choses que je faisais en arrivant de l’école, c’était de garocher mon sac dans un coin, de me ramasser 2 Oreo avec un verre de lait et de descendre au sous-sol pour aller m’amuser avec mon jeu. Le bonheur que j’vous dis !

Pis là, enfin, arriva le moment tant attendu. L’inscription pour le hockey mineur. Je savais déjà patiner, mais je devais, à cause de mon âge j’imagine, débuter comme Novice. Qu’à cela ne tienne, j’étais prêt à apprendre tous les rudiments du sport, à perfectionner mon coup de patin et le contrôle de la rondelle. À ce niveau, il n’y avait pas de partie officielle, mais beaucoup de pratique et d’exercice pour nous préparer à devenir Atome. Mon choix se cristallisait à chaque fois que je sautais sur la glace. Superbe année qui s’est terminée avec une « vraie » partie où les gardiens n’étaient en fait que des joueurs qui voulaient tenter le coup et où nos entraîneurs faisaient office d’arbitre. Fallait nous voir aller, une bonne vingtaine sur la glace tout en motton - le comble de l’anarchie - courir comme des poules pas de tête après la rondelle pour essayer de la mettre dans l’net. C’était chic ! C’est quand même durant ce match que, dans l’euphorie la plus totale, je marquais mon premier but à vie et que je décidais finalement de devenir joueur avant.

C’est sûr que je pourrais continuer encore longtemps. On va dire comme on dit, ce ne sont  pas les anecdotes qui manquent. Par contre, l’idée ici ce n’est pas de vous ennuyer et de vous emmerder, mais de rendre votre lecture un brin agréable. Permettez-moi quand même d’y aller en rafale avec quelques souvenirs qui me sont revenus comme une vague l’année de mes 40 ans.    

À ce moment-là, j’me trouvais chanceux pas mal d’avoir eu la possibilité, que dis-je, la chance de jouer au hockey et de remporter des trophées et des médailles.

Je me suis souvenu du tournoi Atome de Louiseville qu’on avait gagné avec les Alouettes.

Je me suis souvenu de ma première paire de patin à lames noires. Des Delta 444 que je gardais dans les pieds en regardant le hockey. 

Je me suis souvenu de cette fin de semaine à St-Constant pour un match amical des équipes étoiles de nos villes respectives. On était monté en bus, sans les parents, et on couchait dans les familles qui nous recevaient.

Je me suis souvenu d’avoir fait soulever la foule au Tournoi Pee-Wee de Grand-Mère en faisant le 1er but de la soirée avec à peine 2 minutes de jouées dans la partie. C’était avec les Éperviers. J’avais fait 2 buts 1 passe dans notre victoire de 5 à 2. Même ma prof qui assistait au match en avait parlé en classe le lendemain !

Je me suis souvenu de cette participation au Tournoi internationale de Hockey Pee-Wee de Québec avec les Selects. Ça faisait au moins 20 ans qu’une équipe de Grand-Mère s’était présentée. On avait eu l’opportunité de voir jouer le frère de Wayne Gretzky et de le saluer par la suite.

Je me suis souvenu de la finale au Tournoi Pee-Wee de Grand-Mère, avec les Selects également. C’était bondé et on avait de la difficulté à respirer à cause de la fumée de cigarette. Oui, ça fumait à l’époque dans les arénas !

Je me suis souvenu et me souviendrai, pour toujours, de ma dernière saison avec les Dauphins dans la catégorie Bantam. Notre équipe avait terminé en première position, nous avions gagné le Tournoi de St-Georges de Champlain - j’avais reçu le trophée du joueur du tournoi - et nous avions remporté les séries éliminatoires de notre circuit.

Je me souviendrai à jamais de l’odeur des patates sauces, des hot dogs steamés, de la glace fraîchement faite, de l’ambiance enivrante des tournois et de ce moment inoubliable où l'entraîneur me donnait le signal d'aller, à mon tour, sur la glace.    

En terminant, j’aimerais ajouter que le hockey m’a sauvé de bien des écueils. Il m’a aidé à forger mon caractère, à passer au travers de bien des difficultés et à me sentir important durant cette période de la vie qui n’est pas toujours facile. Et ça, c’est grâce à mes généreux parents, à mes excellents entraîneurs, sans exceptions, et à mes talentueux coéquipiers.



Jean-Luc Jolivet

samedi 12 octobre 2013

JE SUIS MORT LE JOUR OÙ L’ON M’A TRANSFÉRÉ D’ÉCOLE 

(À tous les tits kids qui ne l’ont pas facile, mes hommages)


C’était pourtant une rentrée scolaire comme les autres. J’avais des papillons dans l’estomac et, comme de raison, de la difficulté à avaler le petit-déjeuner que ma mère m’avait préparé avec tendresse et amour.

Comme à chaque année, mes sentiments étaient contradictoires. Ils oscillaient entre le goût de prendre mes jambes à mon cou, de fuir dans ma cabane en bois pour y vivre à tout jamais et le désir de revoir mes camarades.    

J’étais beau et fier dans mon nouvel habit - hérité de mon frère aîné -, j’avais les cheveux courts, propres, les dents blanches et tous mes effets identifiés dans mon sac d’école tout neuf.

En sortant de la maison, je pris mon pas le plus assuré pour me rendre jusqu’au coin de la 9e rue et de la 15e avenue afin d’y attendre le bus. J’étais à la fois plein de confiance et un peu intimidé par les fiers à bras et le sourire discret que m’envoyait la petite nouvelle de la 16e avenue.

Le trajet se déroulait comme il se devait. C'est-à-dire dans la turbulence normale d’un bus remplis de ti-culs surexcités. Les taquineries, les claques à l’arrière de la tête, les bosses qui nous faisaient flipper, les odeurs de diesel et les cris du chauffeur étaient notre lot. Il n’y avait alors plus aucune échappatoire possible. Aussi vrai que l’automne succède à l’été, je devais, tout comme les autres, faire le deuil de ma liberté estivale pour me soumettre aux diktats du corps professoral.

La nervosité se faisait plus insistante lorsque la porte du bus s’ouvrit sur cette cour d’école vaste, poussiéreuse et bien clôturée. Heureusement, ma fidèle gang était dans un coin avec un ballon et j’accouru sans hésiter pour jouer avec eux. Bonne façon d’oublier un peu mon appréhension et le mauvais pressentiment qui me taraudait depuis le lever.

Au son de la cloche, on nous invitait à descendre dans le gymnase et à y attendre les instructions pour la suite des choses. Nous obéissions, tout en maugréant un peu de se faire bousculer de la sorte, tel un troupeau de moutons un peu bêta.

Là, les vraies affaires commençaient. J’allais enfin savoir si mes amis, et la petite nouvelle de la 16e avenue, seraient dans la même classe que moi.

Après les discours, les directives et les simagrées d’usages, le directeur, avec un ton solennel, nommait un professeur et se mettait à appeler les élèves à tour de rôle pour qu’ils se placent derrière ladite institutrice. Une fois la classe complétée, tout ce beau monde se dirigeait dans les locaux.

Tout allait rondement. Les classes de 3e et de 4e étaient tous rendues aux étages supérieurs, alors le stress augmentait. Roulement de tambours, voici le moment tant attendu, c’est le tour des 5e !

Ensuite, plus rien. Black out total. Tout s’est passé si vite que ma mémoire me fait défaut. Avais-je été à ce point lunatique et dissipé que je n’avais pas entendu le principal nommer mon nom ?  Tout ce dont je me souviens, c’est cette salle vide et silencieuse et ces 4 kids - dont j’étais - restés seuls et inquiets. Finalement, on nous amena dans le bureau du directeur où nous apprenions que désormais, pour nous, notre scolarité se ferait à l’école St-Louis-de-Gonzague. Après ce verdict froid et sans appel, on nous invitait à retourner à la maison.

Jamais de ma vie un chemin ne me paru aussi long et solitaire que ce 3 septembre 1979. Les yeux fixés sur le trottoir, je crois être revenu à la maison par instinct. Mon habit me semblait défraichit, mon sac pesait une tonne et mon estime venait de manger toute une raclée !

Cette journée n’était qu’un hors-d’œuvre, que le prélude, qu’une introduction aux 2 années d’enfer que j’allais passer dans ma nouvelle école. Je vous épargne les détails.

Ensuite, je n’ai jamais plus été le même.

Bien sûr, j’ai fait ma vie. Bien sûr, je suis encore debout. Bien sûr je suis un bon citoyen. Bien sûr, je gagne honorablement ma vie, n’empêche, je suis mort le jour où l’on m’a transféré d’école.



Jean-Luc Jolivet                 

samedi 5 octobre 2013

QUAND BIEN MÊME

Quand bien même je me vêtirais de modestie
Quand bien même je me nourrirais d’humilité
Quand bien même je ferais preuve de retenue

Je sais bien que je suis un humble orgueilleux
Je sais bien que je n’aime pas avoir l’air niaiseux
Je sais bien que je ne pense qu'à gagner

Quand bien même je serais bardé de diplômes
Quand bien même je serais constamment louangé
Quand bien même je ferais l’unanimité

Je sais bien que ce ne serait jamais assez
Je sais bien que la jalousie continuerait à m’empoisonner la vie    
Je sais bien que le doute continuerait à me hanter la nuit

Quand bien même je me souhaiterais unique
Quand bien même je me penserais le centre de l’univers  
Quand bien même je m’imaginerais sans défaut

Je sais bien qu’après moi ce ne sera pas le déluge
Je sais bien que je ne suis qu’un humain
Je sais bien que c’est déjà pas mal

SÉRÉNITÉ

Je trace patiemment chaque lettre du mot sérénité
                        gorgée de thé
Je respire librement chaque particule de lumière
                    moment de grâce
Je savoure lentement chaque bouffée de vie
                         satisfaction

Jean-Luc Jolivet

vendredi 20 septembre 2013


Voici l'entrevue qui m'a fait réagir. Elle débute à 24 min 25 et se termine vers 35 minutes quelques : http://zonevideo.telequebec.tv/media/6938/emission-336/bazzo-tv


BARBARA KAY

Chère Barbara Kay, merci !

Grâce à vous, la lumière vient de poindre au bout du tunnel. J’étais aveugle et je ne le savais même pas. Vous m’avez guéri de ma cécité. Dans ma grande noirceur, je me heurtais et me blessais sur des objets sans importance. La langue, la culture, l’idée que notre nation puisse débattre librement de n’importe quel sujet, ne pourront jamais plus entraver ma marche qui était, avant votre intervention, erratique et sinueuse.
La vérité vient de sortir de votre bouche d’intellectuelle franche et respectueuse.

Comment vous remercier ? Comment ne pas être reconnaissant envers le destin qui m’a fait vous croiser sur les ondes télévisuelles ? Je ne sais par quel miracle, mais vos propos d’hier, jeudi 19 septembre 2013, à l’émission Bazzo.TV, m’ont ouvert  les yeux. Maintenant, je sais ce que je vaux. Je sais ce que le ROC pense sincèrement de moi et de mes semblables. Enfin, je sais davantage qui je suis.

Devant tant de sagesse et de diplomatie, je me suis même demandé, au cours de votre soliloque, quelle mouche pouvait bien avoir piqué le Conseil de presse du Québec, en 2007, lorsqu’il a rendu une décision vous condamnant pour « provocation excessive » et « généralisations susceptibles de perpétuer des préjugés ».
Bon, évidemment, lorsque vous vous êtes aperçue, vous qui êtes si pondérée et équilibrée dans vos analyses, que vos propos n’étaient pas bien reçus, vous avez voulu dorer un peu la pilule. C’est alors que vous avez dit que vos remarques n’étaient pas destinées aux gens, mais bien à leurs représentants, à leur gouvernement. Gouvernement péquiste s’entend (vous savez, celui que vous accusez de présenter des projets de loi immondes, comme celui sur la langue). Bien sûr, comme tout le monde le sait, en démocratie, les gouvernements s’élisent eux-mêmes.     
Bon, je pourrais continuer et vous parler de vos opinions sur mon intolérance et l'obsession maladive que j'entretiens envers mon image, mais je ne veux pas trop m’attarder (car comme vous pouvez vous en douter, j’ai du pain sur la planche afin de me guérir de mes tares, de mes manquements et de redevenir un citoyen honorable et ouvert), c’est pourquoi, dès maintenant, je souhaite vous remercier à nouveau pour cette révélation salutaire.   

Signé,

Jean-Luc Jolivet (futur ex-xénophobe bientôt plus replié sur soi)

mercredi 18 septembre 2013

LES DÉFAUTS

En faisant la vaisselle, cette pensée me traverse l'esprit : il est toujours plus facile d'avoir de l'indulgence à l'égard de nos propres défauts. Nous avons toujours une excuse prête, à portée de la main, afin de nous justifier.

Jean-Luc Jolivet
2013-09-18

samedi 24 août 2013

MON PAYS

Je t’aime dans tous les recoins de ton existence et au-delà de tes blessures d’enfance.

Je t’aime du bout de la Gaspésie aux forêts de l’Abitibi;  du nord du grand Nord aux collines verdoyantes de l’Estrie; de ma Mauricie natale aux confins de tes frontières légales.

Bref, d’est en ouest et du nord au sud, je t’aime. Depuis tout petit, tu es au cœur de mon errance.

Pays de survivance. Pays d’abondance. Pays aux multiples visages, je n’aurai pas assez d’une vie pour t’apprivoiser et en faire tout ton tour. 

Oui, je sais, à deux reprises, nous t’avons refusé la liberté, nous avons retardé ta naissance.

Pourtant, tu existes, tu es là sous nos pieds. Malgré nos valses hésitations et nos contradictions notoires, j’ai bon espoir. J’ai bon espoir qu’on réussira, à force de travail et de persuasion, à t’amener à maturité.

Ce qui est beau, c’est que je sais que je ne suis pas seul à y croire et à mettre l’épaule à la roue pour y parvenir.

Et, comme l'écrivait si bien Gaston Miron « Ça ne pourra pas toujours ne pas arriver, nous entrerons là où nous sommes déjà, ça ne pourra pas car il n'est pas question de laisser tomber notre espérance ».

lundi 12 août 2013

SANS ELLES 

On a beau faire nos fanfarons, nos indépendants et nos p’tits Jos connaissant, sans elles, ça ne volerait pas haut.

On a beau jouer les fiers à bras, les machos de première et les cowboys libres et solitaires, sans elles, serait difficile de prendre de l’altitude.

On a beau être le dernier des héros, celui qui pisse le plus loin ou avoir les poches pleines de foin, sans elles, on resterait cloué au sol.

J’ai beau tout faire pour passer le temps, pour m’occuper de midi à minuit, sans elle, je m’ennuie. 

mercredi 7 août 2013

LE CHIEN QUI HABITE CHEZ-MOI

Le chien qui habite chez-moi est une plaie, une vraie engeance. Pas mêlant, y est toujours dans mes pattes quand c’est pas le temps. Toujours à la recherche de la moindre grenaille qui tombe par terre. Pas capable de cuisiner en paix cibole ! On dirait que les p’lures d’oignon, dans son cerveau de cabot, sont des pépites d’or maudit bâtard !

Pis y est laid, j’vous dis pas ! C’est pas croyable. Pas des farces, on dirait un gremlin sur l’acide. Y a rien pour lui. La face aplatie, les dents croches et proéminentes et les oreilles bien trop longues. Y manque quasiment de s’enfarger d’dans quand y est excité ! À côté de lui, Nanny Mcphee est un pétard. Pas brillant à part ça ! J’pense que c’est un cerveau de poisson rouge dans un corps de shih tzu, cette affliction.   

Y est gros comme deux boîtes de kleenex, mais y chie comme un hippopotame. Toujours la crotte au cul ou dans le poil, évidemment. Parce que du poil, ben, en veux-tu, en v’là ! C’est pas sorcier, parfois, le soir, j’sais même pas si y avance ou si y recule.

En plus, y pu comme c’est pas possible. J’vous décris pas l’odeur, des plans pour que vous arrêtiez aussi sec de lire mon histoire. Pour bien illustrer mon propos, j’vais juste vous souligner que lorsqu’il lâche une fiouse, ben c’est l’alerte rouge et tout l’monde court se mettre aux abris. Son panier, recouvert par une tonne de couvertures, sent la pisse à mille lieues à la ronde. Je préférerais passer une soirée à côté de la poubelle que d’avoir le chien à mes pieds plus de 2 minutes, c’est vous dire.  

Malgré tout le mépris que j’ai pour lui, c’est qui l’cave qui lui fait prendre ses marches, qui ramasse sa chiasse, qui lui donne de l’eau et qui le fait pisser le matin avant de partir au boulot ? You bet ! C’est ti-coune lui-même. Celui qui est devant l’écran présentement et qui tape cette histoire de chiant chiot. J’imagine que c’est pour cette raison que, calamité, est le premier à m’accueillir au retour du travail.

Bon, j’irais pas jusqu’à dire que je voudrais qu’il crève, nooon. Ça f’rait ben trop de pepeine à la dernière qui s’en occupe beaucoup. Oui, oui, j’vous jure, je l’ai déjà vue, une fois, flatter son chien en revenant de l’école. Pour vrai ! Elle l’a même brossé un moment donné, y a pas si  longtemps. Je dirais il y a 4-5 ans, environ !  

C’est pas de ma faute, j’préfère les gros chiens taboire ! Et comme dirait un grand philosophe de Shawinigan, que voulez-vous ?  

Et puis un jour, en revenant de travailler, j’ouvre la porte. Salut tout le monde ! Pas un son, pas âme qui vive. Une note gribouillée sur la table : On te quitte connard ! T’es pas vivable !  

Le vertige et la solitude qui me frappent de plein fouet ! Y a pu un chat.

Heureusement, reste le meilleur ami de l’homme. Pitou pitou, t’es où mon beau chien chien ? Viens voir ton maître adoré. Je vais te donner un bon gros biscuit ! Un bel os d’abord ! Une énorme fraise succulente ! Allez, viens t’allonger avec moi dans la cour sur la chaise longue, comme on faisait cet été quand y avait personne.

Maudit batèche de bon yeu, y ont amené le clébard avec elles ! Ça c’est chien !!


Jean-Luc Jolivet   
L’ÉTAT DE GRÂCE                                                                                         

Je fais constamment cette erreur, un peu niaise et naïve, de rechercher à tout prix l’état de grâce permanent.

Un état de plénitude comme lorsque je savoure tranquillement, dans ma cour ensoleillée, la page d’un livre de l’écrivain le plus lent de Québec; ou lorsque je bois à petite gorgée, sur les bords du majestueux Saint-Laurent, en Gaspésie, De mémoire d'eau écrit par monsieur Rivière; ou lorsque je me couche de tout mon long dans une superbe rivière entourée d’arbre et où le soleil vient me chatouiller le bout des orteils et du nez; ou lorsque j’admire, en sillonnant les routes de mon Pays que j’aime tant, les paysages à couper le souffle dessinés par je ne sais qui; ou lorsque je suis attablé avec les gens que j’aime lors d’un repas de fête; ou lorsque j’écoute pétiller un verre de rosé bien froid qui me réchauffe la panse tout en dégustant le jazz de monsieur Metheny en compagnie de ma tendre et chère; ou lorsque je m’amuse à écrire ce petit texte qui me fait oublier, pour un instant, les extrasystoles qui me narguent et m’agacent.

Je fais constamment cette erreur alors que je sais pertinemment que ma nature fébrile et nerveuse est sans arrêt sollicitée par les bruits de cette société bavarde, tapageuse et turbulente.  

Pas de méprise, j’aime l’action, j'aime que ma vie soit animée, mais un moment de grâce de temps en temps, ça ne fait pas de tort à mon corps !


Jean-Luc Jolivet

vendredi 19 juillet 2013

LES VACANCES


Enfin, les vacances !

C’est fascinant de constater qu'à l’arrivée des vacances estivales, ce sont les mêmes sentiments qui m’habitent depuis plus de trente ans. Tout est resté intact. C’est pas mêlant, je retombe quasiment en enfance ! 

Je redeviens le ti-cul qui termine son année scolaire et qui attend le signal du professeur pour regagner sa liberté. Je me souviens qu'une fois celle-ci obtenue, le pupitre nettoyé, les amis salués, j’enfourchais mon 10 vitesses rouge et je dévalais à toute allure la 14e avenue les cheveux aux quatre vents, l’espoir plein les baskets devant cet été remplis de promesses et de prénoms de filles. Tout était possible. La baignade, la pêche, les randonnées à vélo, le sport, les voyages, le camping dans le fond de la cour et les petits salaires à laver des autos, à faire des gazons et à passer l’hebdo du St-Maurice. Parfois, on se payait même le luxe de s’ennuyer. C’est vous dire.

C’est donc cette sensation d’affranchissement et d’espace qui me gagne dès que je ferme la porte de mon bureau. Du moment où je pose les pieds sur le trottoir, je respire déjà mieux. Étrangement, mes épaules me semblent plus légères, les soucis ont moins d’emprise sur moi et j’entends à nouveau ce jazz intérieur. J’étais dû pour cette petite pause afin de suspendre ce quotidien et ce temps qui ne font aucun quartier dans le tourbillon de nos vies.

Il m’est impossible, en écrivant ces mots égoïstes et futiles, de ne pas penser à toutes ces personnes qui n’ont pas la même chance que moi. À celles et ceux qui ont comme paysage, à l’année longue, qu’une arrière-cour exiguë, chaude et surpeuplée, je vous offre mes respects. On est loin du décor bucolique que nous devrions tous pouvoir admirer.

Il serait également déplacé que je passe sous silence le drame de tous ces gens pour qui les vacances se sont arrêtées dans la nuit du 5 au 6 juillet dernier dans un fracas terrifiant et horrible causé par ce train maudit.

Mes vacances sont bienvenues, mais elles ont cette année, comme des millions de Québécois, un arrière goût de cendre et d’amertume.

À vous, citoyennes et citoyens de Lac-Mégantic, mes salutations les plus respectueuses et je vous souhaite d’arriver un jour à retrouver une certaine sérénité. Je sais que ces derniers mots ne changent rien à votre triste réalité, mais puissent-ils être d’un certain réconfort.

Affectueusement,

Jean-Luc Jolivet

lundi 8 juillet 2013


JE NE SUIS PAS DUPE


Je sais que la défaite reprend d’une main ce que la victoire a donné de l’autre
Je sais que l’amour et l’amitié sont aussi fragiles que glace mince au soleil d’avril
Je sais que le devoir de l’enfant est de s’affranchir du parent

Je ne suis pas dupe

Je sais que ce ne sont pas toujours des gens honnêtes dont nous parlons le plus
Je sais que le succès est parfois étranger au travail sincère, acharné et minutieux
Je sais bien que la ligne entre honneur et déshonneur est parfois très mince

Je ne suis pas dupe

Je sais que c’est dans l’attente que nous éprouvons les plus puissantes émotions
Je sais que les peines d’amour et les examens ratés peuvent avoir un impact sur l’estime de soi
Je sais que les propos des gens qui n’ont rien à dire semblent souvent cohérents et intelligents

Je ne suis pas dupe

Je sais que même si nous n’avons jamais dit oui au pays qui sommeille sous nos pieds, nous devons faire l’épicerie
Je sais que même si j’ai le cœur lourd, je dois me faire léger  
Je sais que malgré l’hécatombe, la vie doit suivre son cours

Jean-Luc Jolivet
8 juillet 2013


mercredi 26 juin 2013


SUFFISANCE

Du haut de nos certitudes

On observe
On juge
On toise

Il n’y a rien de plus merveilleux que….Soi

On décourage
On abaisse
On ridiculise

Il n’existe aucun être plus merveilleux que….Soi

Comment prendre ses distances du Je pour mieux accueillir le Nous ?

Jean-Luc Jolivet

2013-06-26

dimanche 23 juin 2013

BONNE FÊTE NATIONALE !

Profitons de cette pause méritée pour nous rassembler afin de célébrer, en toute liberté, notre culture, notre identité, nos valeurs et nos richesses collectives.

Rappelons-nous les combats menés et les victoires acquises par les générations précédentes et souvenons-nous que tout est encore à venir.

«Ça ne pourra pas toujours ne pas arriver, nous entrerons là où nous sommes déjà, car il n'est pas question de laisser tomber notre espérance » Gaston Miron

Québécoises, Québécois, de tous âges et de toutes origines, Bonne Fête nationale !

vendredi 14 juin 2013

*SPEAK WHITE AGAIN, TI-CUL !

Je suis né aux temps où trônaient les stop sur les coins de rues.
Je suis de l’époque des job, des shop, des bigshot, des foreman, des pipefitter, des office, des back store, des slip de paye, des slaker, de la Consolidated-Bathurst, de la Grand’Mère Shoes, de la Textile Weaver, de l’Assembly Hall, du Grand’mère Inn, des cook.
Je suis de l’ère des bumper, des wiper, des windshield, des tires, des flat, des bearing, des tank à gaz, des dash, des break à bras, des muffler, des truck, des char, des parking, des driveway, des one-way.
Je suis de l’âge des plaster, des toast dans le toaster, des freezer, des cooler, des Cool-Aid, des Pop tarts, des sink, des pantry, des lazy-boy, des chesterfield, des carpet, des « t’es donc ben swell », des backwash, des tank à l’huiles.
Je suis de la période des running shoes, des line-up, des coach, des next, des pitcher, des catcher, des homerun, des strikeout, des skateboard, des game, des game over, des goaler, des pad, des ref, des puck, des time out, des slapshot, des shoot, des jack strap, des « aweye skate, skate, move le  puck criss ».
Je suis de la génération des band de musique, des show, des stage, des albums live, des lead vocal, des back vocals, des bass, des lead guitar, des drums, des feedback.
Même le nom de ma ville natale s’écrivait avec une apostrophe au lieu d’un trait d’union. Et, parfois, les dimanches,  nous allions nous promener dans le quartier des riches pour admirer les grosses maisons. Nous nous y rendions par Riverside road.
Alors un jour, des gens se sont levés ! Des gens ont dit :
« C’est assez ! »
Ces personnes ont modifié le visage du Québec; ils ont changé le cours des choses; ils ont pris le relais des tous ces braves qui ont tenu le flambeau de la langue depuis 1760.
Les Lévesque, les Laurin, les Payette, les Desrochers, les Lecavalier, les Julien, les Godin, les Lalonde, les Ferretti, les Leclerc, les Miron, les Vigneault, les professeurs de français compétents et passionnés, des millions de personnes ont uni leurs forces afin de faire, réellement, du français, la langue officielle du Québec.
Et puis, 36 ans plus tard, sont arrivés les débats à l’Assemblée nationale sur la mise à jour nécessaire de la Charte de la langue française via le projet de loi no 14. Je peux vous dire que nous en avons entendu des vertes et des pas mûres de la part des oppositions. Ils se sont empressés de ramener sur le tapis les vieilles craintes et les préjugés d’antan.
Ils ont d’abord mis la table en niant le recul du français dans la région de MontréaI. Ensuite, pour attiser la peur, ils ont parlé de la police de la langue. Ils ont accusé le gouvernement, et par le fait même tous les défenseurs d’un Québec français, d’être fermés, repliés sur soi et intolérants. Ils ont ajouté qu’il fallait être de son temps, que l’on devait avancer, que l’on devait évoluer dans la vie.
Bref, ils ont dit : « Speak white again, ti-cul ! »
Comme plusieurs, j’en ai soupé de ces attaques mesquines et démagogiques. Pas seulement parce qu’elles sont fausses, mais parce que si nous ne faisons rien, si nous ne sommes pas vigilants, dans quel piteux état sera la langue française dans quelques années, je vous l'demande ? 
Comprenons-nous bien. L’apprentissage d’une ou de plusieurs langues, c’est un avantage indéniable et c’est justement s’ouvrir sur une autre culture que de le faire. C’est exactement ce qui est proposé aux néo-Québécois : la découverte de cette merveilleuse langue qui est la nôtre et l’occasion pour eux de venir enrichir notre culture, qui est déjà reconnue à travers le monde, et d’apporter à ce Québec français qu’on aime tant, cette touche spéciale qui nous rend si unique dans le nord de l’Amérique.   

Jean-Luc Jolivet
14 juin 2013
*Speak white est le titre d'un poème écrit par Michèle Lalonde en 1968.

dimanche 9 juin 2013

LA PEUR

Tiré d’un évènement banal plus révélateur qu’une psychanalyse longue et coûteuse !

Tu te souviens d’un certain vendredi soir de septembre 2011, devant la télé,  où ta mère et toi me taquiniez au sujet d’une participation à un jeu télévisé sur l’actualité, à Télé-Québec ?

Vous vouliez que j’imite mon collègue de travail, que je qualifiais de courageux, et que j’envoie mon inscription. Vous étiez prêtes à l’envoyer pour moi.

Je réprouvais énergiquement en mentionnant ma mémoire défaillante, mon incapacité à faire face à la pression et la peur d’avoir l’air fou. Je t’avais même fait part d’un traumatisme de l’école primaire dont tu avais démoli l’argumentaire en moins de deux.

C’est alors que tu t’es tournée vers moi avec ton regard sage, doux, dénué de malice, mais néanmoins rempli de fermeté et d’assurance et que tu m’as dit ce qui ressemble à ceci : « ça veut dire que t’es un peureux ». Et vlan ! Pas mêlant, un coup de 2 par 4 en plein front m'aurait semblé plus doux.

Tu es allée, avec une précision chirurgicale, mettre directement le doigt sur la faille, sur ma blessure intérieure. J’étais démasqué. Voilà le vrai visage de ton père. Un pissou, un peureux, un pleutre, un craintif, un trouillard etc.

J’étais un peu déstabilisé. J’ai tenté de prendre ta remarque avec un grain de sel et d’y saupoudrer un peu d’humour, mais je ne voulais pas que la peur ait le dernier mot. J’ai alors voulu noyer le poisson avec des explications boiteuses et anémiques. Je me préparais quand même à te donner une image plus reluisante de moi, mais le souper est arrivé et j’ai dû me concentrer sur mon steak qui avait tout à coup, je ne sais trop pourquoi, un petit arrière goût.

Sois rassurée, si j’écris aujourd’hui sur cet évènement banal, ce n’est pas pour te rendre mal à l’aise ou pour te blâmer. Loin de là. Je souhaite simplement relativiser. Au départ, je voulais ergoter comme un expert sur la peur. Prendre mes distances et te parler froidement de ce sujet qui existe depuis la nuit des temps. Et j’ai dit merde ! Je vais donc te parler en toute franchise à propos de la peur. 

Tu vois, je te dirai simplement que :

Malgré le vertige, j’ai pris l’avion plusieurs fois, dont un de brousse. J’ai fait d’arbre en arbre du début à la fin. J'dois te dire que le verre de vin était excellent par la suite ;-) Je déneige régulièrement le toit de l’abri d’auto. Je suis monté dans la Tour du CN où je me suis couché sur le plancher de verre. Tu le sais, tu y étais et nous avons même une preuve photo !

Malgré des épisodes d’angoisse profonde dans ma jeunesse et d’agoraphobie, j’ai toujours travaillé dans le service public et j’ai toujours fait face à la foule. Sueurs froides garanties !

Malgré ma timidité et mon trac, j’ai déjà parlé devant près de 400 personnes et fait un spectacle devant une foule de plus de 1 000 personnes. Textes de mon cru servi tout cuits !       

Malgré mon malaise face à la controverse, j’ai fait de la politique municipale comme conseiller. Ce qui m’a amené à défendre mes convictions et à m’exprimer en public et dans les médias. Merci monsieur le maire pour vos bons maux...oups mots à mon égard !

Malgré la peur de l’échec amoureux, j’ai demandé ta mère en mariage. La chanceuse !

Malgré ma crainte de voir ce monde exploser, je t’ai accueillie dès les premières secondes de ta naissance. Tu avais tous tes morceaux !

Je pourrais continuer ainsi, mais pour éviter d’avoir l’air de brosser un autoportrait plus grand que nature, j’arrête là. C’est assez banal ce que je t’écris en fait. C’est ce que nous vivons tous et toutes à différents degrés.   

Je souhaitais simplement te démontrer que malgré la peur qui nous colle constamment aux fesses, nous avançons tout de même. Malgré le flou, l’incertain, l’inconstant, le fragile, l’imprécis, l’imprévisible, le nébuleux, le précaire, le douteux, nous tendons vers la face lumineuse de la vie. En résumé, nous carburons à l’Espoir.

Malgré la crainte et au-delà de la frousse, ton père n’a pas peur de te dire : Je t’aime !  

Papa poule
Septembre - Octobre  2011  

vendredi 7 juin 2013


L’ENNUI

Lorsque l’ennui me prend à la gorge, lorsqu’il me clou sur place sans espoir d’un nouveau soleil.

Lorsque mon âme est pareille à un champ sec que le feu regarde d’un œil ravageur.

Il est peut-être temps, il est peut-être l’heure, de m’extirper de cet état de langueur.

Il me faut me remettre en mouvement.

mardi 4 juin 2013


AMI PIERROT

Salut l’ami, comment vas-tu ?

Ça fait longtemps que je n’t’ai vu. Es-tu toujours à la recherche de la bonne phrase et du bon mot ? Allez dis-moi mon cher Pierrot, fais pas la gueule, sors de ta cache, accroche-toi à cette perche et réponds vite à mon courriel !

Oui, je le sais bien, je ne suis pas fou, que t’en as pris pour tout ton soûl. Est-ce une raison pour faire brûler la moindre phrase, le moindre mot que t’as fait naître de ton cerveau ?

J’suis malhabile, j’dois l’avouer, mais réponds vite à mon appel !

Pierrot la lune, Pierrot le doux, Pierrot le fou, voici ma plume, veux-tu m’écrire un petit mot ?
Ta chandelle est morte, tu n’as plus le feu ? Je t’ouvre ma porte, viens te reposer un peu.   

Salut mon vieux, c’est moi Pierrot, oublie moi donc mon cher frérot, car la vie ce bête animal n’a cherché qu’à me faire du mal. Tous les livres que j’ai écrits ne m’ont apporté que du mépris. Merci pour ta sollicitude, mais je me nourris de solitude

Jusqu’à ce jour, j’savais me refaire, mais à présent, je dois me taire. Mon passé me fait la vie dure et mon avenir n’a plus de futur. J’avais espoir que la lumière, comme le chante Cohen notre frère, se fasse un chemin dans une fissure, mais ils m’ont craché à la figure.

Pierrot la lune, Pierrot le sot, accroche sa plume et a dit son dernier mot.
Sa chandelle est morte et il n’a plus le feu. Il ferme sa porte, pour se reposer un peu.   

Pierrot la lune, Pierrot le doux, Pierrot le fou, t’avons-nous défendu si mollement ?
Pouvons-nous te relancer à ce sujet ? Ton verbe est remisé temporairement ?
Pierrot la lune, Pierrot le doux, Pierrot le fou, nous sommes bien seuls dans cet épais brouillard.

Effectivement, j’en ai assez de jouer les sots. J’accroche ma plume et je n’écrirai plus un mot.
Ma chandelle est morte et je n’ai plus le feu, je ferme ma porte et m’en remets à Dieu.

Jean-Luc Jolivet
Janvier 2008  

lundi 27 mai 2013

LE PIANISTE GENTILHOMME

Le dimanche 22 mai dernier, je suis allé écouter un pianiste aux mains miraculeuses. C'était aux Jardins du Haut Saint-Laurent à St-Augustin-de-Desmaures.

Pas de journaliste, aucune caméra, pas l'ombre d'un album à vendre. De toute évidence, le salaire de ce musicien bénévole est le bonheur que distille son instrument dans le coeur des auditeurs attentifs et émus.    

L’interprète originaire de La Tuque, mais Lorettain depuis 30 ans minimum, sait ce que veut dire le mot respect.

Ce gentilhomme aux doigts magiques, que des inconditionnels attendaient impatiemment, a fait des prodiges. Ici, il a fait apparaître des étoiles dans les yeux fatigués, là, il a redonné la mémoire à des gens dont le quotidien « s'ouvre sur le trou blanc de l'oubli », plus loin, il a respectueusement joué la pièce qui ramenait l'auditeur sur les rives de sa jeunesse, enfin, il a insufflé du tonus et du rythme à des muscles que plusieurs croyaient endormis pour toujours.       

Au nom de tous les gens présents, merci Jean-Guy Dufresne !

Jean-Luc Jolivet
Mai 2012  

dimanche 19 mai 2013

Lundi 20 mai 2013
LES PATRIOTES
Aujourd’hui, je me secoue un peu.
Aujourd’hui, j’oublie mes p’tits bobos.
Aujourd’hui, j’oublie les humiliations et les blessures infligées à notre peuple.
Aujourd’hui, je prends la plume en ayant en tête les mots liberté, démocratie et vigilance.
Aujourd’hui, j’apporte mon grain de sel aux célébrations de la 10e Journée nationale des Patriotes.
Aujourd’hui, je prends la parole afin d’honorer la mémoire des patriotes de 1837-1838.
En fait, que célébrons-nous au juste en ce mois de mai 2013?  Bien, nous soulignons la lutte pour la reconnaissance nationale de notre peuple, et tout spécialement, la tenue au printemps de 1837 de vastes assemblées publiques qui se sont tenues partout au Québec.
Ceci étant dit, il ne faut pas oublier que la lutte patriote, qui est un épisode incontournable de notre histoire, s’étend sur près de soixante ans. En fait, ce sont quatre générations (la génération Bédard, la génération Papineau, la génération des « rebelles » et la génération LaFontaine) qui se sont portés à la défense de nos droits collectifs.    
Le rendez-vous d’aujourd’hui est l’occasion de commémorer la conquête de nos droits civils et de donner corps à la devise du Québec : Je me souviens.
À ceux et celles qui seraient tentés de minimiser l’apport des patriotes à une société plus juste et plus libre, je répondrai que c’est à eux, les patriotes, que l’on doit la naissance de la presse libre au Canada (1806), du premier parti démocratique (1827), du réseau scolaire francophone laïc (1829), d’une fête et d’une Société Saint-Jean-Baptiste (1834) et de la conquête, pour nous, du gouvernement responsable (1849).
C’est également avec émotion que je rends hommage à tous ceux qui sont morts côte à côte sur l’échafaud de la honte. Il est de notre devoir de nous souvenir de ces gens qui n’ont pas hésité à donner leur vie afin que nous puissions vivre, encore, en 2013 dans une société plus égalitaire.
En plus de notre devoir de mémoire, nous avons celui de vigilance. Ces droits obtenus de haute lutte sont fragiles. À l’heure des attaques du gouvernement fédéral dans nos juridictions et d’un certain désintéressement envers la politique, il est essentiel, primordial, d’y porter une attention de tous les instants.   
En terminant, nous devons nous inspirer de la ténacité, de l’opiniâtreté, des convictions et de la soif de liberté des patriotes afin qu’un jour le pays qui est sous nos pieds, le pays qui est là et qui existe géographiquement puisse enfin émerger et devenir réalité.
Jean-Luc Jolivet