JE SUIS MORT LE JOUR OÙ L’ON M’A TRANSFÉRÉ D’ÉCOLE
(À tous les tits kids qui ne l’ont pas
facile, mes hommages)
C’était pourtant une rentrée scolaire comme
les autres. J’avais des papillons dans l’estomac et, comme de raison, de la
difficulté à avaler le petit-déjeuner que ma mère m’avait préparé avec
tendresse et amour.
Comme à chaque année, mes sentiments
étaient contradictoires. Ils oscillaient entre le goût de prendre mes jambes à
mon cou, de fuir dans ma cabane en bois pour y vivre à tout jamais et le désir
de revoir mes camarades.
J’étais beau et fier dans mon nouvel habit
- hérité de mon frère aîné -, j’avais les cheveux courts, propres, les dents
blanches et tous mes effets identifiés dans mon sac d’école tout neuf.
En sortant de la maison, je pris mon pas le
plus assuré pour me rendre jusqu’au coin de la 9e rue et de la 15e
avenue afin d’y attendre le bus. J’étais à la fois plein de confiance et un peu
intimidé par les fiers à bras et le sourire discret que m’envoyait la petite nouvelle
de la 16e avenue.
Le trajet se déroulait comme il se devait.
C'est-à-dire dans la turbulence normale d’un bus remplis de ti-culs surexcités.
Les taquineries, les claques à l’arrière de la tête, les bosses qui nous
faisaient flipper, les odeurs de diesel et les cris du chauffeur étaient notre
lot. Il n’y avait alors plus aucune échappatoire possible. Aussi vrai que
l’automne succède à l’été, je devais, tout comme les autres, faire le deuil de
ma liberté estivale pour me soumettre aux diktats du corps professoral.
La nervosité se faisait plus insistante
lorsque la porte du bus s’ouvrit sur cette cour d’école vaste, poussiéreuse et
bien clôturée. Heureusement, ma fidèle gang était dans un coin avec un ballon
et j’accouru sans hésiter pour jouer avec eux. Bonne façon d’oublier un peu mon
appréhension et le mauvais pressentiment qui me taraudait depuis le lever.
Au son de la cloche, on nous invitait à
descendre dans le gymnase et à y attendre les instructions pour la suite des
choses. Nous obéissions, tout en maugréant un peu de se faire bousculer de la
sorte, tel un troupeau de moutons un peu bêta.
Là, les vraies affaires commençaient.
J’allais enfin savoir si mes amis, et la petite nouvelle de la 16e
avenue, seraient dans la même classe que moi.
Après les discours, les directives et les
simagrées d’usages, le directeur, avec un ton solennel, nommait un professeur
et se mettait à appeler les élèves à tour de rôle pour qu’ils se placent
derrière ladite institutrice. Une fois la classe complétée, tout ce beau monde
se dirigeait dans les locaux.
Tout allait rondement. Les classes de
3e et de 4e étaient tous rendues aux étages supérieurs, alors
le stress augmentait. Roulement de tambours, voici le moment tant attendu,
c’est le tour des 5e !
Ensuite, plus rien. Black out total. Tout s’est passé si vite que ma
mémoire me fait défaut. Avais-je été à ce point lunatique et dissipé que je
n’avais pas entendu le principal nommer mon nom ? Tout ce dont je me souviens, c’est cette salle
vide et silencieuse et ces 4 kids - dont j’étais - restés seuls et inquiets.
Finalement, on nous amena dans le bureau du directeur où nous apprenions que
désormais, pour nous, notre scolarité se ferait à l’école St-Louis-de-Gonzague.
Après ce verdict froid et sans appel, on nous invitait à retourner à la maison.
Jamais de ma vie un
chemin ne me paru aussi long et solitaire que ce 3 septembre 1979. Les yeux
fixés sur le trottoir, je crois être revenu à la maison par instinct. Mon habit
me semblait défraichit, mon sac pesait une tonne et mon estime venait de manger
toute une raclée !
Cette journée n’était
qu’un hors-d’œuvre, que le prélude, qu’une introduction aux 2 années d’enfer
que j’allais passer dans ma nouvelle école. Je vous épargne les détails.
Ensuite, je n’ai jamais
plus été le même.
Bien sûr, j’ai fait ma
vie. Bien sûr, je suis encore debout. Bien sûr je suis un bon citoyen. Bien
sûr, je gagne honorablement ma vie, n’empêche, je
suis mort le jour où l’on m’a transféré d’école.
Jean-Luc Jolivet
J'adore.... moi en première année, j'ai été choisie avec 9 autres filles pour aller à l'école des gars, à Sacré-Coeur !!! C'était les premiers début de mixité chez nous... Ouf ! 10 filles de première année dans une école de 300 garçons... Devine comment j'ai appris à foncer dans le tas ???
RépondreEffacerAyoye, pas évident ! Merci de partagé.
EffacerDe mon côté, tout est vrai, avec un peu d'enrobage évidemment ;-), sauf le transfert. Ma mère veillait au grain et ils m'ont finalement trouvé une place à La Flèche. Affectueusement, J-Lxx
*merci de partager et non partagé ;-)
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