dimanche 20 décembre 2015


LE TOURNOI DE HOCKEY SUR TABLE….ou comment devenir un meilleur mauvais perdant !

(Conte de la Noël poche qui suinte la gomme à savon et la morale à 10 cennes)

J’avoue que lorsque VJ nous a proposé de faire un p’tit tournoi de hockey sur table durant les Fêtes, j’ai hésité un brin.  

Quoi ? Qu’as-tu à me juger comme ça lecteur du dimanche ? Tu me trouves pissou n’est-ce pas ? Vas-y, crache le morceau, dis le fond de ta pensée. Sache, cher lecteur bien assis sur ta belle assurance, qu’on ne badine pas avec ses bons souvenirs. Parfois, mieux vaut les laisser tranquilles et se satisfaire d’eux. T’sé, peut-être est-il préférable de se complaire dans l’idéalisation de son passé que de subir l’humiliation publique ? Dis-moi, serais-tu assez fou pour démontrer à toutes et à tous que tu es un champion sur le retour dans un domaine où tu as déjà excellé ? Voilà ! Toi le premier, tu y penserais à deux fois sachant que le piédestal est vite déboulonné. On ne prend pas ces décisions sur un coup de tête, pas compliqué à comprendre me semble.

Ceci étant dit, après avoir maudit le dieu du hockey sur table un bon cinq minutes, j’ai tout de même répondu présent ! Moi qui ne choisis plus mes sports qu’en fonction de me battre moi-même - ce qui est toujours plus pratique car, de cette manière, y a juste moé qui connais ma médiocrité - me suis dit que s’il mettait cette dure épreuve sur mon chemin, c’tait pas pour rien. Y a sûrement une grande leçon à tirer de tout ça. 
     
Bon, on s’égare.

Toujours est-il que ce satané tournoi, au moment où j’écris ces lignes, n’a toujours pas eu lieu. Tu te dis, toujours temps de reculer d’abord. Pas question que j’te réponds !

Pourquoi ? Simple. J'te raconte.

Le samedi 12 décembre dernier, ben on est allé à Grand-Mère (oui, oui, je sais, maintenant on dit Shawinigan, mais je dis Grand-Mère pareil, c’tu assez clair !), donc, le samedi 12 décembre dernier, on est allé à la maison familiale pour fêter Mom, PJ et JP II.

Faque, quand j’suis arrivé, je soupçonnais l’arnaque, le guet-apens. Y avait juste les filles en haut. J’suis devenu nerveux quand j’ai demandé à Mom…où sont les gars ?  En bas qu’elle me dit - pas long que j’anticipais le reste - et elle d’ajouter, y jouent au hockey sur table !!!

Merde, le ver est dans la pomme, le yabe est aux vaches, la chicane est dans cabane, j’peux pu me sauver que j’pensais. C’est donc ben vrai, VJ était sérieux. Occupé comme il est, j’me disais pour me convaincre, qu’il n’aura pas le temps d’aller acheter le jeu. Il se confondra en excuse, me paiera une bière et puis voilà le tournoi tombera à l’eau. Je n’aurai pas perdu la face en acceptant d’embarquer dans ses folies, pis sauvé par le destin, on en restera là. Pas plus heureux, mais moins malheureux certain. 

Mais non, la vraie vérité me sautait dans face. La gang de joyeux lurons était dans cave. Y m’attendait. VJ avec tout le kit. Les équipes, les rondelles, son gilet - pas mal trop petit - des Habs sur le dos. Y manquait juste la p’tite coupe Stanley (avant, elle venait avec le jeu, anyway). Pis la belle table, au milieu de ce sous-sol tant aimé, brillait de tous ses feux et d’mandait rien d’autre que d’être utilisée.

Les shake m’ont pogné. L’effervescence s’est installée. J’étais comme possédé. Le temps s’est automatiquement suspendu. Comment ne pas succomber au chant des sirènes ? Comment réfréner tous ses beaux souvenirs qui m’envahissaient tout à coup. Comment oublier le premier jeu qu’on a eu ? Les matchs avec mon père, mes frères et mes amis. Les victoires éclatantes et les défaites humiliantes. Non, c’était impossible. Je devais plonger.

Lorsque PJ m’a servi une bière, là, j’étais fait à l’os. Le sort en était jeté, le contrat venait d’être scellé.

Quand on a commencé à jouer, j’étais ferré d’aplomb. Me suis pris à penser que je n’avais pas perdu la main, que j’étais toujours compétitif pis que j’étais à la hauteur de mes adversaires. J’ai même pensé pouvoir arracher une ou deux victoires. Mais PJ a remarqué ma nervosité pis il n’a pas attendu longtemps pour l’exploiter. Me sentait fragile. Ne manquait plus rien que l’arrivée de Venoud, le champion incontesté.

Ça fait que la suite est moins glorieuse. Que des défaites !! Une après l’autre. Le supplice de la goutte d’eau. Fallu que je me parle. Que je réconforte mon estime. Que je me dise, ben non, t’es bon ailleurs, dans d’autres domaines. Ouain, quels autres justement ? Répliquait ma p’tite voix baveuse. J’ai gardé mon sang-froid. Pour ne pas perdre davantage la face, j’ai manié l’humour avec adresse et ai balancé aux vainqueurs qu’ils devaient avoir la victoire humble, qu’ils devaient être bons gagnants. On a ben rigolé malgré tout. Pis on est allé souper.

J’me suis surpris à ne pas être fru et à encaisser la défaite avec légèreté.

Pendant que je dégustais le délicieux coq au vin du paternel, me suis fait cette promesse. Malgré que je sois le François Pignon de ces séries, je participerais tout de même à ce tournoi.

Et puis de réaliser. C’est drôle comment en vieillissant, je deviens un bien meilleur mauvais perdant !



Jean-Luc Jolivet

jeudi 10 décembre 2015

À M.D.

LE PLUS BEAU JOUR DE SA VIE



Elle était bleue. Bleue comme les cieux de son Limoilou natal. Bleue comme les yeux de son papa qui avait vécu, quelques années auparavant, un terrible drame. Elle était bleue, sa première bicyclette.

Mais l’attente avant de l'avoir fut longue. Très longue. À cause du chagrin et des angoisses de son père, le vélo était banni, pour ne pas dire excommunié de la famille. Pas question qu’un seul de ses enfants enfourche cette invention maudite. Cet objet que le diable avait dressé sur sa route et qui avait changé le cours de sa vie et mis fin à celle d’un malheureux petit garçon.

Marie était toute chamboulée par la tragédie, mais également par le fait qu'elle ne parvenait pas à se faire à l’idée qu’à 10 ans, les joies salvatrices d’une bonne ride de vélo lui étaient interdites. À un certain moment, son cœur avait conclu qu’elle ne pourrait pas, comme son amie Kiki, en posséder un aussi beau qui brillait au soleil. Elle en était même venue à croire qu’elle ne connaîtrait jamais la félicité de sentir le vent chaud de l’été sur son visage et les plaisir enivrants de la liberté. Elle se croyait  condamnée à marcher pour le reste de ses jours et à  rester sur le carreau, alors que les autres….oui, les autres, pouvaient allègrement rouler jusqu’à plus soif et s’inventer des mondes fantastiques.    

Et puis soudain, un jour, alors qu’elle flânait comme une âme en peine dans les rues de son quartier, l’espoir réapparut sur le mur d’un édifice. Cette affiche «bicycle à vendre» venait de rallumer son rêve. Sa patate se mis à battre à tout rompre, ses tempes se couvrirent de sueur et les papillons se réveillèrent dans son estomac. Elle ne pouvait laisser passer la chance de sa vie. À partir de là, elle n’avait plus qu’une idée en tête. Convaincre son père de changer son fusil d’épaule.

C’est alors qu’elle empoigna fermement son courage à deux mains et alla retrouver son paternel qui était fermé comme une huître. Il ne voulait rien entendre. C’était bien mal la connaître que de penser qu’elle se contenterait d’une fin de non-recevoir. Appuyée par sa mère dans sa quête du Saint Graal, le géniteur fini par céder.

Quelques heures plus tard, ils se rendirent à l’adresse indiquée sur l’affiche pour voir la fameuse monture. Fort heureusement, elle n’était toujours pas vendue. Le vélo n’était peut-être pas neuf, mais il était en très bon état et Marie se voyait déjà partir à l’aventure avec son nouveau compagnon. Après d’âpres négociations, la bicyclette lui appartenait pour la somme de 15 dollars. C’était tout un montant d’argent pour cette famille qui ne roulait pas sur l’or.

Pour Marie, cette journée restera à jamais gravée dans sa mémoire. Par cet achat, son cher petit papou faisait d’une pierre deux coups. Il permettait au bonheur de briller à nouveau dans les yeux de sa fille chérie tout en se libérant de sa chape de plomb et de ses tourments. Maintenant, tous les possibles s’ouvraient à eux.

Elle était bleue. Bleue comme les cieux de son Limoilou natal. Bleue comme les yeux de son papa qui avait vécu, quelques années auparavant, un terrible drame. Elle était bleue, sa première bicyclette. Il était bleu, le plus beau jour de sa vie.



Jean-Luc Jolivet

samedi 24 octobre 2015

ÉLAGAGE THÉRAPEUTIQUE

Lorsque les branches du futile, de l'inutile et du superflu m’empêchent de bien voir l’horizon, je pratique l’élagage thérapeutique. Je classe. Je range. Je jette. Je cisaille. J’émonde. Je coupe.

Une vue encombrée n’est pas un terreau fertile pour la réflexion.

Et il est, me semble-t-il, toujours profitable de remettre de l’ordre dans ses idées, de faire du ménage dans ses pensées. Sinon n’y a-t-il pas un risque de ployer sous la lourdeur de ses préjugés et de sa vanité? N’y a-t-il pas un danger de se perdre, de ne plus être fidèle à ses valeurs?

Bien sûr, envahis que nous sommes par tous ces cossins, ce tapage incessant et ces distractions anodines, il est parfois difficile de s’extirper de cette pagaille pour goûter aux bénéfices de la cogitation solitaire.

Si l’on souhaite y arriver, il n’y a pas cent mille façons, il faut d’abord et avant tout prendre son courage à deux mains et…..fermer la maudite télé ainsi que le satané cellulaire.

Ensuite, tout devient possible.

Jean-Luc Jolivet

dimanche 6 septembre 2015


UN PEU PLUS D’HUMANITÉ

Nous n’étions pas des proches, des intimes et pourtant.

Je me souviens très bien de notre première rencontre. C’était il y a exactement 3 ans. Le Québec était alors en élection. Nous étions tous les deux à cette fête familiale et annuelle qui se déroule dans notre ville adoptive à chaque automne. Tu étais venu vers moi avec ton sourire éclatant, ta bonne humeur et ton appareil photo. Tu voulais prendre un cliché de nous. Me souviens que ça m’avait fait du bien d’échanger avec quelqu’un qui partageait les mêmes opinions politiques et, je t’avoue, ça avait amené un petit baume dans cette difficile campagne.

Nous nous sommes revus quelques mois plus tard dans les couloirs de l’Assemblée nationale. Tu étais heureux de m’annoncer que tu venais d’être embauché par le parti. C’est ainsi que par la suite, nous avons eu l’occasion de se croiser régulièrement et de discuter sur différents sujets. Nos conversations étaient toujours empreintes de respect, de pudeur, de bonne humeur et d’espoir. Nous savions qu’au-delà du vernis des conventions sociales, il y avait plus. Et c’est là que se font les vraies rencontres.

La dernière fois que nous nous sommes vus, il y a de ça 2 mois, tu passais nous dire au revoir et tu nous informais que tu entreprenais le plus gros combat de ta vie. Soit celui, justement, de rester bien vivant pour voir grandir tes deux petites filles.

Malheureusement, l’arbitre en a décidé autrement et a sifflé, beaucoup trop tôt, la fin du match.

C’est la raison pour laquelle nous nous retrouvons en ce magnifique samedi de septembre 2015, dans le cœur de cette belle église, pour te rendre un dernier hommage. C’est à la lumière des témoignages que j’ai pu prendre la pleine mesure de ce que tu étais comme être humain. Tu étais un homme bon. La tête remplie de projets. Un homme généreux et ouvert, qui savait qu’il faut se retrousser les manches et suer si l’on veut faire avancer les choses et changer les mentalités.

C’est sur le parvis de l’église, en compagnie des gens qui t’aiment, alors que le cortège s’éloignait que j’ai compris le legs que tu nous laisse. C’est à nous maintenant de porter le flambeau et de faire vivre ta mémoire.

C’est à nous de faire en sorte, comme tu nous l’as si bien enseigné, d’apporter un peu plus d’humanité en ce bas monde.



Jean-Luc Jolivet

vendredi 31 juillet 2015

PRÈS DE 256 ANS PLUS TARD….



J’étais bien adossé contre le socle de la statue de La Fontaine*, sur le point d'ouvrir mon livre, lorsque soudain l’histoire me tapota l’épaule. Elle m’incita à laisser tomber ma lecture et à m’ouvrir à ce qui m’entourait. Ce que je n’eus vraiment aucune difficulté à faire.

D’abord, mon premier réflexe fut de tourner mon regard vers la droite pour admirer l’hôtel du Parlement, le siège du pouvoir de notre nation. Ce magnifique édifice, travail d’Eugène-Étienne Taché construit entre 1877 et 1886, en aurait long à raconter s’il pouvait parler. Je suis resté de longues minutes à le fixer, comme hypnotisé, oubliant le bruit engendré par le mouvement incessant de mes contemporains sur la colline Parlementaire. Un moment, je me suis même surpris à voir défiler sur la façade du bâtiment, la trame historique de notre peuple.

Ensuite, à ma gauche, l’invitante porte Saint-Louis - la première est érigée en 1694 sous le régime français à la hauteur de la rue Sainte-Ursule, plus à l’est - me souriait et me rappela à quel point lorsque j’étais jeune, j’aimais grimper sur son dos et me transformer en défenseur de la ville fortifiée. Encore une fois, mon imagination me transporta dans cet autre monde si loin et si près à la fois.

Enfin, en face de moi, la réalité me rattrapa et ma réflexion prit une toute autre tournure à la vue du drapeau de l’Union Jack à l’entrée des plaines d’Abraham et de celui du Canada un peu plus loin derrière. Près de 256 ans après la défaite des Plaines, tout reste à faire, me dis-je à moi-même, et malgré le chemin parcouru par notre peuple, nous ne sommes qu’une simple province dans ce semblant de Pays. Il n’en tient qu’à nous si nous souhaitons nous déployer pleinement et mettre fin à cette démolition tranquille.

Le crissement des pneus d’une voiture mit subitement fin à mes pensées et me fit me souvenir que nous étions bel et bien en juillet 2015 et que ma pause du dîner était sur le point de se terminer. En me relevant, les mots** gravés dans le granit derrière mon dos me parlaient d’égalité sociale, de liberté politique, de paix, de bonheur, de  développement, de vastes ressources et de gouvernement responsable. Y a pas de doute, c’est un beau et noble programme que celui-là. Et plus que jamais d’actualité.


Jean-Luc Jolivet 



**Tirés de l'Adresse de L-H La Fontaine datée du 25 août 1840 à ses électeurs de Terrebonne

lundi 27 juillet 2015

DÉCROCHER


Facile.

D’abord, tu enlèves tes gros sabots, tu te couvres tout le front autour de la tête, tu suspends ton ego, tu ranges ta vanité et tu t’enduis d’humilité. Ensuite, tu te déconnectes du fil de l’actualité. Enfin, tu te déniches un coin tranquille où tu peux attacher un confortable hamac entre deux bons arbres bien solides. Aussitôt installé, tu sautes dedans pour quelques heures. N’oublie pas d’apporter quelques fruits, de l’eau et des noix. Et surtout, un livre afin d’y glaner ici et là quelques mots qui alimenteront ta réflexion.    

Voilà. T’es fin prêt à décrocher.

Pas de panique, après quelques temps, le vide que tu ressens au départ sera vite comblé. La rumeur, le bavardage, le superficiel et tout ce tapage auxquels tu es habitué seront remplacés par une sorte de, comment dire, de tout. Il ne se passera rien et tout arrivera. La Vie dans ce qu’il y a de plus dense, de plus vrai. Sache savourer ce moment à sa juste valeur.

Et puis, à un moment, tu te surprendras à t’assoupir. Ne résiste pas, laisse toi aller. À ton réveil, tout te paraîtra plus simple, plus limpide.

Tu répètes ce manège tant et aussi longtemps que tu n’auras pas décroché de l’insignifiance et de la futilité de tout ce bazar. Dis-toi que cette mauvaise comédie suivra son cours avec ou sans toi.     

Lorsque tu en arriveras à faire la différence entre l’accompli et l’inaccompli, tu pourras retourner dans la civilisation et poursuivre ton chemin sans trop faire de dégâts.

Les gens que tu croiseras ne comprendront pas pourquoi tu trimbales toujours sur ton visage ce petit sourire en coin, mais toi, tu sauras.         



Jean-Luc Jolivet

mardi 23 juin 2015

Bonne Fête nationale


Je nous vois trimmer dur, sans cesse, à l’année longue.

Je nous vois bâtir, soigner, enseigner, questionner, chercher et tendre vers un monde meilleur.

Je nous vois photographier, filmer, écrire, danser, chanter, peindre et réfléchir.

Je nous vois douter, sourire, pleurer, tomber et reprendre pied.

Je nous vois accueillants et chaleureux.  

Je nous vois opiniâtres, talentueux, ingénieux, patenteux et ouverts sur le monde.

Je nous vois espiègles, ricaneux, joueurs de tour et songeurs.

Je nous vois comme 8 millions d’étincelles prêts à embraser le monde de notre talent et de notre originalité.

Je nous vois, aujourd’hui et demain, prendre un temps d’arrêt pour célébrer notre fierté d’appartenir à un si grand peuple.


Tu es sans l’ombre d’une doute « Québec, de l’art pur ».

À nous, Québécoises et Québécois, Bonne Fête nationale !   



Jean-Luc J.

dimanche 31 mai 2015

LES PUITS DE RAVITAILLEMENT




J’avoue, au 45e kilomètre, j’ai eu des doutes, de gros gros doutes. Allais-je casser prématurément et ne faire que 90 kilomètres sur les 130 que nous avions planifiés ? Le moral allait-il tenir le coup ou me lâcher comme ça sans crier gare ?

Avant que le chaos ne prenne définitivement le contrôle et m’oblige à une retraite humiliante, j’ai fait un inventaire rapide de mes forces encore disponibles et un tour de ma préparation d’avant départ. Rien ne pouvait, objectivement, me faire croire que je n’y parviendrais pas. J’avais bien dormi, le petit-déjeuner était équilibré et suffisant, j’étais hydraté, la douleur au genou droit était incommodante, mais pas atroce et j’avais tout ce qu’il me fallait pour me rendre jusqu’au premier arrêt prévu au 60e km.

Faque, c’est là que j’ai compris ce que voulait dire Bob des Boys avec la dureté du mental ! Me suis aperçu que mon mental toughness était en train de me jouer de vilains tours et qu’il devenait aussi mou qu’un pneu crevé. Le salaud pensait-il m’avoir aussi facilement ? Il me connait mal que je me suis dit. Il oublie que j’ai joué au hockey et qu’on nous parlait toujours de notre second souffle. Me suis organisé pour aller le chercher.

Pis, t’sé l’orgueil, ben ça peut être un maudit bon carburant dans certaines circonstances. Vrai que ma blonde s’est entraînée tout l’hiver. Vrai qu’elle se prépare pour La Boucle du défi Pierre Lavoie. Vrai qu’elle est plus en forme que moi. Ce n’est pas une raison pour rester sur le bord du ch’min ou de rouler comme un gars en gougoune et en camisole qui va se chercher un sac de chips et une bière au dépanneur un dimanche après-midi de canicule.

Finalement, me suis rendu à la première pause. Après m’être vidé la vessie, m’avoir rempli l’estomac et avoir remis de l’ordre dans mes idées, on est reparti. Pis là, j’vous dis pas, on a roulé comme jamais. Notre fameux second souffle était de retour. Plus rien ne pouvait nous arrêter, sinon la faim au 100e km. On l’a écoutée. Le snack était bon, pis il nous a permis de finir le 130 km en beauté.  

La morale à 2 sous de cette courte histoire: dans cette course folle qu’est la vie, quand on a besoin de baisser la cadence, de prendre du recul, de refaire nos forces et de souffler un peu pour mieux repartir, il est nécessaire de prévoir des pauses.

C’est là que les puits de ravitaillement deviennent salutaires. Heureusement qu’ils existent. Sinon, on risque d’arriver en bout de ligne totalement magané et ahuri comme un chevreuil devant deux spots à brume !!    




Jean-Luc Jolivet

lundi 4 mai 2015


LA JALOUSIE


Aujourd’hui, je suis devenu celui que j’enviais hier. J’ai fait taire ces menteurs que sont les «il est trop tard», «tu es trop vieux», «tu n’es pas en forme», «tu n’as pas d’argent» etc.

Alors que je roulais au hasard d’un circuit improvisé, j’ai vu la jalousie se morfondre sur le trottoir. En croisant son regard, j’ai décidé d’augmenter la cadence et de m’éloigner de cette vilaine afin que plus jamais elle ne me plombe les ailes et ne me fasse perdre mon temps.

Jean-Luc Jolivet
 

samedi 14 mars 2015

AU GRAND DAM DES BANQUIERS


Aujourd’hui, au grand dam des gens efficaces, des économistes et des banquiers, je n’ai rien fait. Je n’ai pas nourri la bête qui nous dévorera sous peu si ça continue. Je n’ai pas ajouté de bûche dans le foyer qui nous consume lentement, mais sûrement. Je n’ai pas enfilé mon habit de consommateur. J’ai plutôt pris mon temps et j’ai dompté les horaires pour les mettre à ma main. J’ai retiré ma chape de plomb afin de souffler un peu et j’ai pris la route.

J’ai remonté le chemin qui mène au cœur de ma ville natale en roulant tranquillement sur la 138 entre le majestueux fleuve Saint-Laurent - que l’on ne regarde plus et que l’on prend pour acquis - et les merveilleuses Laurentides, montagnes si belles dont je ne saurais me passer. J’ai navigué peinard au centre de ce pays que j’aime tant. Accompagné dans mes pérégrinations par la voix familière d’un chanteur qui m'a raconté son pays à lui, l’Angleterre, à travers son transcendant Lullaby…and the Ceaseless roar. La rencontre de deux solitudes qui se comprennent malgré tout ce qui les séparer.

Arrivé à destination, j’ai marché dans les rues de mon enfance. Malgré les apparences, je n’étais pas seul. Tout un monde vivait en moi. Le passé, le présent et le futur s’entrechoquaient au rythme de mes pas. Une sorte de paix ainsi qu’une certaine satisfaction de me sentir vivant et l’idée d’être toujours debout après avoir, comme tout le monde, traversé quelques tempêtes, me donnaient de l’allant. Tout me semblait si clair et si simple. J’aurais poursuivi comme ça plusieurs heures, si ce n’avait été des limites de ma condition humaine. Fatigue, faim et froid m’ont vite ramené à l'ordre.

Au détour de quelques rues, j’en ai profité pour aller visiter de la famille que je ne vois pas assez souvent et qui me manque. Nous avons remodelé le monde et fait le plein de bonté humaine. Denrée précieuse qui n’est pas cotée en bourse. Ce court pèlerinage s’est terminé dans la chaleur de la maison familiale où, à nouveau, mes parents ont fait preuve d’un accueil et d’une générosité qui n’attendent rien en retour. 

Aujourd’hui, au grand dam des gens efficaces, des économistes et des banquiers, je n’ai pas fait rouler l’économie ni participé activement au PIB. Ce n’était peut-être pas payant à leurs yeux, mais je peux vous dire que ce fût assurément enrichissant et ressourçant.


Jean-Luc Jolivet

dimanche 15 février 2015

DES PUGILISTES DE LA VIE COURANTE



Dieu qu'on peut en manger des coups. En donner aussi, parfois, faut pas le nier. Rarement au propre. Plus souvent qu'autrement au figuré.

C’est à croire que, dès notre première respiration, on a accepté tacitement les règles.

Pas ben le choix au fond. Si on veut survivre, s’agit de ne pas s'écraser trop tôt.

Dieu qu’on peut en recevoir des claques. En distribuer aussi, à l’occasion, faut le reconnaître.

Les plus sournoises viennent souvent du sort. Sans crier gare, au moment où on s’en attend le moins, on reçoit une méga taloche qui nous laisse un brin magané et le genou à terre.  

On en ressort souvent le cœur au beurre noir, l’estime fêlée et la confiance disloquée. Ce n’est pas une raison de baisser les bras et de crier forfait. C’est en se relevant que l’on se révèle.

On a beau se tuer à faire reculer la mort, ce n’est pas une raison pour crever.

La lumière se doit de triompher, toujours. C’est un combat de tous les instants.

Nous sommes des pugilistes de la vie courante, après tout !



Jean-Luc Jolivet

samedi 31 janvier 2015


 UNE LUMIÈRE S’EST RALLUMÉE AU RAYON DES ÉCLOPÉS



Du fin fond de son indigence, elle a réussi à s’extirper.

Dans un ultime sursaut de vie, elle a trouvé le courage de sortir de son marasme et d’aller marcher pour s’aérer l’esprit et remettre de l’ordre dans ses idées. C’est alors qu’elle tomba sur une belle grosse flaque de soleil qui luisait là, juste pour elle, sur le trottoir. Comme si l’espoir lui disait «tu n’es pas seule, viens te réchauffer».

Elle s’est virtuellement enroulée dedans comme s’il s’agissait d’une énorme couverture chaude et réconfortante brodée par sa grand-mère. Elle s’y est emmitouflée en pensant à la douce sécurité des bras de son père qui, en des temps bénis et plus heureux, savaient la rassurer.

Pour refaire ses forces, elle a bu tous les rayons lumineux à sa disposition en prenant bien soin de «bénir la rue» pour cette oasis inespérée dans ce drôle de voyage. 

Ce moment de grâce lui a permis de retrouver sa petite musique intérieure et l’a aidée à repousser la puissance du vide qui l’avait agrippée depuis déjà trop longtemps et qui ne voulait plus la lâcher.

Une lumière s’est rallumée au rayon des éclopés. Une âme en déficit d’amour a été plus forte que la mort. Elle sait maintenant qu’elle aura le temps de s’accomplir et d’aller au bout de ses talents.

Cette belle jeune femme blessée, qui s’était échouée sur les rives de cette ville froide et impersonnelle, vient de remporter une victoire qui ne fera peut-être pas les nouvelles, mais qui vaut tous les doctorats honoris causa qu’une université renommée peut décerner.   

Comme quoi, la ligne entre le néant et une vie bien remplie est plutôt mince.



Jean-Luc Jolivet

dimanche 4 janvier 2015

L’ATTERRISSAGE

Ça y est.

Demain, ou dans quelques jours, nous devrons tous reprendre le collier. Nous devrons tous recommencer à rouler notre rocher de Sisyphe dans les sillons du quotidien et des horaires fixes. Pour le meilleur ou pour le pire. Oui, parce que, garder le rythme du temps des fêtes à l’année longue, pas sûr qu’il y aurait beaucoup de monde qui pourrait «toffer la run».

Et, je suis de ceux qui croient qu’il y a beaucoup de satisfaction et de plaisir à tirer d’un travail valorisant et enrichissant. Ai pas dit payant, mais bien enrichissant. En tout cas, en ce qui me concerne. Les deux ne sont évidemment pas incompatibles.

Peu importe, encore cette année, c’est la boîte à souvenirs remplie à ras bord et le corps ragaillardi de ces précieux moments que je sors bientôt de ce congé.  

Ce qu’il y a de bien là-dedans, c’est d’avoir la certitude que ce que j’ai emmagasiné en chaleur humaine et en générosité durant ces semaines, me serviront à traverser l’hiver et à me projeter dans l’avenir. Je sais que je suis privilégié et je suis reconnaissant.  

Dans mon cas, l’atterrissage, sur la piste de la vie courante, se fait graduellement et tout en douceur.

J’espère avoir assez de courage en 2015 pour sortir davantage de mon confort pépère et poser des gestes qui peuvent, aussi minimes soient-ils, améliorer un peu le sort des gens qui n’ont pas la même chance.



Jean-Luc Jolivet