LE TOURNOI DE HOCKEY SUR
TABLE….ou comment devenir un meilleur mauvais perdant !
(Conte de la Noël poche qui suinte la gomme à savon et la morale à 10 cennes)
J’avoue que lorsque VJ nous a
proposé de faire un p’tit tournoi de hockey sur table durant les Fêtes, j’ai
hésité un brin.
Quoi ? Qu’as-tu à me
juger comme ça lecteur du dimanche ? Tu me trouves pissou n’est-ce pas ? Vas-y,
crache le morceau, dis le fond de ta pensée. Sache, cher lecteur bien assis sur
ta belle assurance, qu’on ne badine pas avec ses bons souvenirs. Parfois, mieux
vaut les laisser tranquilles et se satisfaire d’eux. T’sé, peut-être est-il
préférable de se complaire dans l’idéalisation de son passé que de subir
l’humiliation publique ? Dis-moi, serais-tu assez fou pour démontrer à toutes
et à tous que tu es un champion sur le retour dans un domaine où tu as déjà
excellé ? Voilà ! Toi le premier, tu y penserais à deux fois sachant que le
piédestal est vite déboulonné. On ne prend pas ces décisions sur un coup de
tête, pas compliqué à comprendre me semble.
Ceci étant dit, après avoir
maudit le dieu du hockey sur table un bon cinq minutes, j’ai tout de même répondu
présent ! Moi qui ne choisis plus mes sports qu’en fonction de me battre moi-même
- ce qui est toujours plus pratique car, de cette manière, y a juste moé qui
connais ma médiocrité - me suis dit que s’il mettait cette dure épreuve sur mon
chemin, c’tait pas pour rien. Y a sûrement une grande leçon à tirer de tout
ça.
Bon, on s’égare.
Toujours est-il que ce satané tournoi,
au moment où j’écris ces lignes, n’a toujours pas eu lieu. Tu te dis, toujours
temps de reculer d’abord. Pas question que j’te réponds !
Pourquoi ? Simple. J'te raconte.
Le samedi 12 décembre dernier,
ben on est allé à Grand-Mère (oui, oui, je sais, maintenant on dit Shawinigan,
mais je dis Grand-Mère pareil, c’tu assez clair !), donc, le samedi 12 décembre
dernier, on est allé à la maison familiale pour fêter Mom, PJ et JP II.
Faque, quand j’suis arrivé, je
soupçonnais l’arnaque, le guet-apens. Y avait juste les filles en haut. J’suis
devenu nerveux quand j’ai demandé à Mom…où sont les gars ? En bas qu’elle me dit - pas long que
j’anticipais le reste - et elle d’ajouter, y jouent au hockey sur table !!!
Merde, le ver est dans la
pomme, le yabe est aux vaches, la chicane est dans cabane, j’peux pu me sauver que
j’pensais. C’est donc ben vrai, VJ était sérieux. Occupé comme il est, j’me
disais pour me convaincre, qu’il n’aura pas le temps d’aller acheter le jeu. Il
se confondra en excuse, me paiera une bière et puis voilà le tournoi tombera à
l’eau. Je n’aurai pas perdu la face en acceptant d’embarquer dans ses folies,
pis sauvé par le destin, on en restera là. Pas plus heureux, mais moins
malheureux certain.
Mais non, la vraie vérité me
sautait dans face. La gang de joyeux lurons était dans cave. Y m’attendait. VJ
avec tout le kit. Les équipes, les rondelles, son gilet - pas mal trop petit -
des Habs sur le dos. Y manquait juste la p’tite coupe Stanley (avant, elle
venait avec le jeu, anyway). Pis la belle table, au milieu de ce sous-sol tant
aimé, brillait de tous ses feux et d’mandait rien d’autre que d’être utilisée.
Les shake m’ont pogné. L’effervescence s’est installée. J’étais comme
possédé. Le temps s’est automatiquement suspendu. Comment ne pas succomber au
chant des sirènes ? Comment réfréner tous ses beaux souvenirs qui
m’envahissaient tout à coup. Comment oublier le premier jeu qu’on a eu ? Les
matchs avec mon père, mes frères et mes amis. Les victoires éclatantes et les
défaites humiliantes. Non, c’était impossible. Je devais plonger.
Lorsque PJ m’a servi une bière,
là, j’étais fait à l’os. Le sort en était jeté, le contrat venait d’être
scellé.
Quand on a commencé à jouer, j’étais
ferré d’aplomb. Me suis pris à penser que je n’avais pas perdu la main, que
j’étais toujours compétitif pis que j’étais à la hauteur de mes adversaires. J’ai
même pensé pouvoir arracher une ou deux victoires. Mais PJ a remarqué ma
nervosité pis il n’a pas attendu longtemps pour l’exploiter. Me sentait
fragile. Ne manquait plus rien que l’arrivée de Venoud, le champion incontesté.
Ça fait que la suite est moins
glorieuse. Que des défaites !! Une après l’autre. Le supplice de la goutte
d’eau. Fallu que je me parle. Que je réconforte mon estime. Que je me dise, ben
non, t’es bon ailleurs, dans d’autres domaines. Ouain, quels autres justement ?
Répliquait ma p’tite voix baveuse. J’ai gardé mon sang-froid. Pour ne pas
perdre davantage la face, j’ai manié l’humour avec adresse et ai balancé aux
vainqueurs qu’ils devaient avoir la victoire humble, qu’ils devaient être bons
gagnants. On a ben rigolé malgré tout. Pis on est allé souper.
J’me suis surpris à ne pas
être fru et à encaisser la défaite avec légèreté.
Pendant que je dégustais le
délicieux coq au vin du paternel, me suis fait cette promesse. Malgré que je
sois le François Pignon de ces séries, je participerais tout de même à ce
tournoi.
Et puis de réaliser. C’est
drôle comment en vieillissant, je deviens un bien meilleur mauvais perdant !
Jean-Luc Jolivet