DÉCROCHER
Facile.
D’abord, tu enlèves tes gros sabots, tu te couvres tout le front autour de la tête, tu suspends ton ego, tu ranges ta vanité et tu
t’enduis d’humilité. Ensuite, tu te déconnectes du fil de l’actualité. Enfin,
tu te déniches un coin tranquille où tu peux attacher un confortable hamac
entre deux bons arbres bien solides. Aussitôt installé, tu sautes dedans pour
quelques heures. N’oublie pas d’apporter quelques fruits, de l’eau et des noix.
Et surtout, un livre afin d’y glaner ici et là quelques mots qui alimenteront
ta réflexion.
Voilà. T’es fin prêt à décrocher.
Pas de panique, après quelques temps, le vide que tu ressens
au départ sera vite comblé. La rumeur, le bavardage, le superficiel et tout ce
tapage auxquels tu es habitué seront remplacés par une sorte de, comment dire,
de tout. Il ne se passera rien et tout arrivera. La Vie dans ce qu’il y a de
plus dense, de plus vrai. Sache savourer ce moment à sa juste valeur.
Et puis, à un moment, tu te surprendras à t’assoupir. Ne
résiste pas, laisse toi aller. À ton réveil, tout te paraîtra plus simple, plus
limpide.
Tu répètes ce manège tant et aussi longtemps que tu n’auras
pas décroché de l’insignifiance et de la futilité de tout ce bazar. Dis-toi que
cette mauvaise comédie suivra son cours avec ou sans toi.
Lorsque tu en arriveras à faire la différence entre l’accompli
et l’inaccompli, tu pourras retourner dans la civilisation et poursuivre ton chemin
sans trop faire de dégâts.
Les gens que tu croiseras ne comprendront pas pourquoi tu
trimbales toujours sur ton visage ce petit sourire en coin, mais toi, tu
sauras.
Jean-Luc Jolivet
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