vendredi 31 juillet 2015

PRÈS DE 256 ANS PLUS TARD….



J’étais bien adossé contre le socle de la statue de La Fontaine*, sur le point d'ouvrir mon livre, lorsque soudain l’histoire me tapota l’épaule. Elle m’incita à laisser tomber ma lecture et à m’ouvrir à ce qui m’entourait. Ce que je n’eus vraiment aucune difficulté à faire.

D’abord, mon premier réflexe fut de tourner mon regard vers la droite pour admirer l’hôtel du Parlement, le siège du pouvoir de notre nation. Ce magnifique édifice, travail d’Eugène-Étienne Taché construit entre 1877 et 1886, en aurait long à raconter s’il pouvait parler. Je suis resté de longues minutes à le fixer, comme hypnotisé, oubliant le bruit engendré par le mouvement incessant de mes contemporains sur la colline Parlementaire. Un moment, je me suis même surpris à voir défiler sur la façade du bâtiment, la trame historique de notre peuple.

Ensuite, à ma gauche, l’invitante porte Saint-Louis - la première est érigée en 1694 sous le régime français à la hauteur de la rue Sainte-Ursule, plus à l’est - me souriait et me rappela à quel point lorsque j’étais jeune, j’aimais grimper sur son dos et me transformer en défenseur de la ville fortifiée. Encore une fois, mon imagination me transporta dans cet autre monde si loin et si près à la fois.

Enfin, en face de moi, la réalité me rattrapa et ma réflexion prit une toute autre tournure à la vue du drapeau de l’Union Jack à l’entrée des plaines d’Abraham et de celui du Canada un peu plus loin derrière. Près de 256 ans après la défaite des Plaines, tout reste à faire, me dis-je à moi-même, et malgré le chemin parcouru par notre peuple, nous ne sommes qu’une simple province dans ce semblant de Pays. Il n’en tient qu’à nous si nous souhaitons nous déployer pleinement et mettre fin à cette démolition tranquille.

Le crissement des pneus d’une voiture mit subitement fin à mes pensées et me fit me souvenir que nous étions bel et bien en juillet 2015 et que ma pause du dîner était sur le point de se terminer. En me relevant, les mots** gravés dans le granit derrière mon dos me parlaient d’égalité sociale, de liberté politique, de paix, de bonheur, de  développement, de vastes ressources et de gouvernement responsable. Y a pas de doute, c’est un beau et noble programme que celui-là. Et plus que jamais d’actualité.


Jean-Luc Jolivet 



**Tirés de l'Adresse de L-H La Fontaine datée du 25 août 1840 à ses électeurs de Terrebonne

lundi 27 juillet 2015

DÉCROCHER


Facile.

D’abord, tu enlèves tes gros sabots, tu te couvres tout le front autour de la tête, tu suspends ton ego, tu ranges ta vanité et tu t’enduis d’humilité. Ensuite, tu te déconnectes du fil de l’actualité. Enfin, tu te déniches un coin tranquille où tu peux attacher un confortable hamac entre deux bons arbres bien solides. Aussitôt installé, tu sautes dedans pour quelques heures. N’oublie pas d’apporter quelques fruits, de l’eau et des noix. Et surtout, un livre afin d’y glaner ici et là quelques mots qui alimenteront ta réflexion.    

Voilà. T’es fin prêt à décrocher.

Pas de panique, après quelques temps, le vide que tu ressens au départ sera vite comblé. La rumeur, le bavardage, le superficiel et tout ce tapage auxquels tu es habitué seront remplacés par une sorte de, comment dire, de tout. Il ne se passera rien et tout arrivera. La Vie dans ce qu’il y a de plus dense, de plus vrai. Sache savourer ce moment à sa juste valeur.

Et puis, à un moment, tu te surprendras à t’assoupir. Ne résiste pas, laisse toi aller. À ton réveil, tout te paraîtra plus simple, plus limpide.

Tu répètes ce manège tant et aussi longtemps que tu n’auras pas décroché de l’insignifiance et de la futilité de tout ce bazar. Dis-toi que cette mauvaise comédie suivra son cours avec ou sans toi.     

Lorsque tu en arriveras à faire la différence entre l’accompli et l’inaccompli, tu pourras retourner dans la civilisation et poursuivre ton chemin sans trop faire de dégâts.

Les gens que tu croiseras ne comprendront pas pourquoi tu trimbales toujours sur ton visage ce petit sourire en coin, mais toi, tu sauras.         



Jean-Luc Jolivet