LES PUITS DE RAVITAILLEMENT
J’avoue, au 45e kilomètre, j’ai eu des doutes, de gros
gros doutes. Allais-je casser prématurément et ne faire que 90 kilomètres sur les 130
que nous avions planifiés ? Le moral allait-il tenir le coup ou me lâcher comme
ça sans crier gare ?
Avant que le chaos ne prenne définitivement le contrôle et
m’oblige à une retraite humiliante, j’ai fait un inventaire rapide de mes forces encore disponibles et un tour de ma
préparation d’avant départ. Rien ne pouvait,
objectivement, me faire croire que je n’y parviendrais pas. J’avais bien dormi,
le petit-déjeuner était équilibré et suffisant, j’étais hydraté, la douleur au
genou droit était incommodante, mais pas atroce et j’avais tout ce qu’il me
fallait pour me rendre jusqu’au premier arrêt prévu au 60e km.
Faque, c’est là que j’ai compris ce que voulait dire Bob
des Boys avec la dureté du mental ! Me suis aperçu que mon mental toughness était en train de me jouer de vilains tours et
qu’il devenait aussi mou qu’un pneu crevé. Le salaud pensait-il m’avoir aussi
facilement ? Il me connait mal que je me suis dit. Il oublie que j’ai joué au
hockey et qu’on nous parlait toujours de notre second souffle. Me suis organisé
pour aller le chercher.
Pis, t’sé l’orgueil, ben ça peut être un maudit bon
carburant dans certaines circonstances. Vrai que ma blonde s’est entraînée tout
l’hiver. Vrai qu’elle se prépare pour La Boucle du défi Pierre Lavoie. Vrai
qu’elle est plus en forme que moi. Ce n’est pas une raison pour rester sur le
bord du ch’min ou de rouler comme un gars en gougoune et en camisole qui va se
chercher un sac de chips et une bière au dépanneur un dimanche après-midi de
canicule.
Finalement, me suis rendu à la première pause. Après m’être
vidé la vessie, m’avoir rempli l’estomac et avoir remis de l’ordre dans mes idées,
on est reparti. Pis là, j’vous dis pas, on a roulé comme jamais. Notre fameux
second souffle était de retour. Plus rien ne pouvait nous arrêter, sinon la faim
au 100e km. On l’a écoutée. Le snack était bon, pis il nous a permis
de finir le 130 km en beauté.
La morale à 2 sous de cette courte histoire: dans cette course
folle qu’est la vie, quand
on a besoin de baisser la cadence, de prendre du recul, de refaire nos forces et
de souffler un peu pour mieux repartir, il est nécessaire de prévoir des pauses.
C’est là que les puits de ravitaillement deviennent
salutaires. Heureusement qu’ils existent. Sinon, on risque d’arriver en bout de
ligne totalement magané et ahuri comme un chevreuil devant deux spots à brume !!
Jean-Luc Jolivet