dimanche 9 juin 2013

LA PEUR

Tiré d’un évènement banal plus révélateur qu’une psychanalyse longue et coûteuse !

Tu te souviens d’un certain vendredi soir de septembre 2011, devant la télé,  où ta mère et toi me taquiniez au sujet d’une participation à un jeu télévisé sur l’actualité, à Télé-Québec ?

Vous vouliez que j’imite mon collègue de travail, que je qualifiais de courageux, et que j’envoie mon inscription. Vous étiez prêtes à l’envoyer pour moi.

Je réprouvais énergiquement en mentionnant ma mémoire défaillante, mon incapacité à faire face à la pression et la peur d’avoir l’air fou. Je t’avais même fait part d’un traumatisme de l’école primaire dont tu avais démoli l’argumentaire en moins de deux.

C’est alors que tu t’es tournée vers moi avec ton regard sage, doux, dénué de malice, mais néanmoins rempli de fermeté et d’assurance et que tu m’as dit ce qui ressemble à ceci : « ça veut dire que t’es un peureux ». Et vlan ! Pas mêlant, un coup de 2 par 4 en plein front m'aurait semblé plus doux.

Tu es allée, avec une précision chirurgicale, mettre directement le doigt sur la faille, sur ma blessure intérieure. J’étais démasqué. Voilà le vrai visage de ton père. Un pissou, un peureux, un pleutre, un craintif, un trouillard etc.

J’étais un peu déstabilisé. J’ai tenté de prendre ta remarque avec un grain de sel et d’y saupoudrer un peu d’humour, mais je ne voulais pas que la peur ait le dernier mot. J’ai alors voulu noyer le poisson avec des explications boiteuses et anémiques. Je me préparais quand même à te donner une image plus reluisante de moi, mais le souper est arrivé et j’ai dû me concentrer sur mon steak qui avait tout à coup, je ne sais trop pourquoi, un petit arrière goût.

Sois rassurée, si j’écris aujourd’hui sur cet évènement banal, ce n’est pas pour te rendre mal à l’aise ou pour te blâmer. Loin de là. Je souhaite simplement relativiser. Au départ, je voulais ergoter comme un expert sur la peur. Prendre mes distances et te parler froidement de ce sujet qui existe depuis la nuit des temps. Et j’ai dit merde ! Je vais donc te parler en toute franchise à propos de la peur. 

Tu vois, je te dirai simplement que :

Malgré le vertige, j’ai pris l’avion plusieurs fois, dont un de brousse. J’ai fait d’arbre en arbre du début à la fin. J'dois te dire que le verre de vin était excellent par la suite ;-) Je déneige régulièrement le toit de l’abri d’auto. Je suis monté dans la Tour du CN où je me suis couché sur le plancher de verre. Tu le sais, tu y étais et nous avons même une preuve photo !

Malgré des épisodes d’angoisse profonde dans ma jeunesse et d’agoraphobie, j’ai toujours travaillé dans le service public et j’ai toujours fait face à la foule. Sueurs froides garanties !

Malgré ma timidité et mon trac, j’ai déjà parlé devant près de 400 personnes et fait un spectacle devant une foule de plus de 1 000 personnes. Textes de mon cru servi tout cuits !       

Malgré mon malaise face à la controverse, j’ai fait de la politique municipale comme conseiller. Ce qui m’a amené à défendre mes convictions et à m’exprimer en public et dans les médias. Merci monsieur le maire pour vos bons maux...oups mots à mon égard !

Malgré la peur de l’échec amoureux, j’ai demandé ta mère en mariage. La chanceuse !

Malgré ma crainte de voir ce monde exploser, je t’ai accueillie dès les premières secondes de ta naissance. Tu avais tous tes morceaux !

Je pourrais continuer ainsi, mais pour éviter d’avoir l’air de brosser un autoportrait plus grand que nature, j’arrête là. C’est assez banal ce que je t’écris en fait. C’est ce que nous vivons tous et toutes à différents degrés.   

Je souhaitais simplement te démontrer que malgré la peur qui nous colle constamment aux fesses, nous avançons tout de même. Malgré le flou, l’incertain, l’inconstant, le fragile, l’imprécis, l’imprévisible, le nébuleux, le précaire, le douteux, nous tendons vers la face lumineuse de la vie. En résumé, nous carburons à l’Espoir.

Malgré la crainte et au-delà de la frousse, ton père n’a pas peur de te dire : Je t’aime !  

Papa poule
Septembre - Octobre  2011  

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