samedi 2 avril 2016

 TU TE SOUVIENS


Tu te souviens petit. Tu te souviens du jour où tu as posé LA question. Cette fameuse colle que la plupart des adultes redoutent. Tu te souviens n’est-ce pas? C’était une superbe journée de printemps. Le soleil était radieux et le ciel d’un bleu éclatant. D’ailleurs, ne gardes-tu pas un souvenir ému et attendri de ce moment, comme s’il avait été saisi sur pellicule et minutieusement classé dans ta boîte à souvenance. C’était il y a plus de quarante ans. C’était hier.  

En tout cas, tu te rappelles qu’il n’y avait plus de neige et que les aînés, ton frère et ta sœur, étaient absents de la maison. Fort probablement à l’école.

De ton côté, tu avais la chance d’avoir ta maman pour toi tout seul. Vous étiez tous les deux sur la galerie de la cour arrière de la maison. Elle, étendant sa lessive sur la corde à linge et toi, prenant une pause de tes jeux d’enfant. C’est alors que, entouré par cette nature qui reprenait ses droits sur la saison morte, tu te lançais en toute confiance. «Maman, c’est quoi la mort?» «Allons-nous nous revoir?» (Ne trouves-tu pas fascinant de voir qu’à un si jeune âge, nous avons déjà l’instinct de notre finitude?).

Loin d’être démontée par ta question, ta mère semblait même l’attendre. Elle était prête à y répondre. Elle n’avait pas pris cette attitude condescendante que les adultes ont souvent avec les enfants. Elle t’avait pris au sérieux, et avec respect, elle avait calmé tes angoisses.    

Sans te souvenir des mots exacts, tu te rappelles parfaitement de l’atmosphère sereine qui se dégageait de ses paroles ainsi que de la tendresse et de la bienveillance de ses yeux doux.

Par sa bonté, elle venait d’ouvrir une brèche dans ce grand trou noir qu’est l’inconnu afin que la lumière puisse t’accompagner tout au long de ta vie. Elle venait de te dire qu’une fleur peut pousser dans la cendre. Que la vie reprend toujours ses droits. Tu étais apaisé.

Aujourd’hui, face à la vanité destructrice de l’Homme, t’as besoin d’y croire plus que jamais, à la vie.

Et soudain, ce souvenir qui remonte à la surface et qui se porte à ta rescousse. Grâce à lui, tu es disposé à entendre à nouveau ce que te dit le refrain de cette chanson que tu aimes tant : oh....croire....quelque chose....quelque part....oh croire....quelque chose....quelque part.*

Malgré cette mer agitée, te voilà surpris toi-même et apaisé de nouveau.

Jean-Luc Jolivet


*Croire sur l’album Mirador de Pierre Flynn

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