mercredi 15 mai 2013

SOUVENIRS DE MÉGOT

Le goût de fumer m’ayant happé très tôt durant ma tendre enfance, il fut donc tout à fait naturel de tenter de griller une bonne clope vers l’âge vénérable de 9 ans et demi.

Prenant mon courage à une main et mon gros 2 piastres de l’autre, je me présentai au dépanneur du coin avec mes réponses toutes prêtes au cas où la caissière me ferait subir une interrogation en règle. Déstabilisé par l’indifférence de cette dernière et par cette question inattendue : « avec ou sans filtre ? » Je repartis fébrile avec mon p’tit bonheur et mes allumettes en papiers.

Le geste irréfléchi que j’allais commettre par la suite et la réaction spontanée et énergique du gardien de la morale familiale, en l’absence du paternel, auraient pu compromettre notre relation fraternelle pour un sacré bout de temps. Cet incident diplomatique a bien failli éteindre la bonne entente que nous avions à ce moment et allumer, à tout jamais, le feu de la rancœur. Mon frère, mon aîné, mon idole, celui-là même qui faisait un tabac à la salle polyvalente avec sa guitare ou dans la pièce de théâtre «appelez-moi Stéphane», allait me brûler auprès de l’autorité parentale. Hé ! oui chers amis (es), Benoît Jolivet, Ben le Ben, l’abré-Ben, Be-Be a déjà été un porte panier, un vulgaire mouchard !

Jugez par vous-mêmes. Voici les faits :

Il n’y a rien de plus normal, après une éreintante journée en 4e année B, qu’un pauvre bougre veuille relaxer un peu avant de retourner aux devoirs et aux leçons. C’est ce que je m’apprêtais à faire en cette belle fin de journée d’automne 1979. Me croyant à l’abri des regards indiscrets et des « stouleurs » de premières derrière la maison, quelle ne fut pas ma « stupre-et-faction », alors que j’allais enfin pouvoir allumer cette satanée cigarette pas de boutte, de croiser le visage aussi étonné que rébarbatif de mon frère aîné qui, devant la tivi du sou-sol, devait attendre avec impatience la projection du film Duel au cinéma de 5 h.

Ébranlé et choqué par cette vision, l’aîné de la famille s’extirpa sans difficulté de son lazy-boy. N’écoutant que son courage et sa conscience, il décida de risquer sa vie pour sauver la mienne. En effet, le king des ados qu’était Benoît à cette époque oublia le danger et sortit par la minuscule fenêtre du sous-sol, chose qu’il aurait peut-être de la difficulté à faire 26 ans plus tard, pour me mettre la main au collet.

S’en suivit une course folle qui, disons-le, était perdue d’avance. J’avais beau me penser bien caché dans la haie de cèdres rachitiques des Giguère sur la 9e rue, le flair de notre inspecteur improvisé eut tôt fait de me débusquer. Peu impressionné par mon « pétage de broue » et par ma mise en scène maladroite, mon frère, mon aîné, mon idole fit disparaître, du revers de la main, tous ces écrans de fumée.

Naturellement, j’ai eu droit, par la suite, à une conférence au sommet présidée par notre patriarche.

Ce que je croyais être un excès de zèle à l’époque m’est apparu avec le temps la meilleure décision à prendre à ce moment puisque le démon de la cigarette est disparu pour toujours.

Merci à toi mon frère, mon aîné, mon idole grâce à toi je ne suis pas obligé de me mettre des patches de Nicorette ou de suivre un programme gouvernemental pour cesser de fumer.

2 commentaires:

  1. HIHIHI !!! C'est drôle comment je peux voir toute la scène dans ma tête !!! Il avait déjà des principes notre homme ! :)

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  2. Déjà des principes, mais j'aimais bien l'agacer lorsqu'il fumait comme une cheminée dans les années 1990 ;-)

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