dimanche 21 avril 2013

Merci à Joséphine Bacon, Florent Volant, Serge Bouchard, Naomi Fontaine, Louis-Karl Picard-Sioui, Natasha Kanapé Fontaine ainsi qu'à Michel Jean, et combien d’autres, qui permettent à ma naïveté et à mon ignorance de prendre parfois congé.

LETTRE À UNE SŒUR ET À UN FRÈRE INCONNUS

L’Ancienne-Lorette, samedi 20 avril 2013

Ma sœur, mon frère, mes semblables,

Je ne sais rien de vous.

Voilà une bonne raison, me disais-je, de sortir de ma réserve et de vous faire un signe.

Même si l’appréhension et une certaine gêne, pour ne pas dire une gêne certaine, m’accompagnent alors que je vous écris cette lettre, soyez assurés que c’est en toute franchise que je m’adresse à vous. Je vous remercie d’avance pour votre attention et pour votre indulgence.

Je ne sais rien de vous ? C’est plus ou moins vrai. En fait, ce que je connais de votre vie et de votre peuple, c’est ce que l’on a bien voulu me raconter. J’ai comme l’étrange impression que les livres d’histoire ne sont pas trop de votre bord et, disons que vous n'y tenez pas le plus beau rôle. La vérité se trouverait-elle plus près de ce que l’on m’a caché ? Il y a de fortes chances.

Il me faut vous dire aussi que, par mimétisme j’imagine, mes jeux d’enfance étaient passablement biaisés par les westerns spaghetti hollywoodiens. En effet, aucun de mes camarades ne souhaitaient vraiment vous personnifier et c’est à contrecoeur et apeurés par les menaces des têtes fortes que les plus faibles du groupe devaient enfiler le costume de l’indien. Pour ma part, j’étais bien à l’aise du côté des gagnants. Fallait me voir aller sur mon cheval imaginaire, avec mon ceinturon, mon chapeau de cow-boy et ma carabine en plastique de chez Korvette ! Que j’en ai poursuivi des peaux rouges !

Ça vous choque ? Ça vous laisse indifférents ? Au fond, vous savez qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire pour que les choses changent.     

Ce n’est pas pour me dédouaner, mais je dois avouer que le souvenir des récits qu’ils ont enfoncés dans ma caboche d’enfant, n’aident en rien à me faire une idée juste de votre réalité. Et puis, lorsqu’on est nourri aux mamelles des préjugés et de l’ignorance, il est bien difficile de s’ouvrir aux autres nations qui, pourtant, partagent la même terre que nous.

Heureusement, j’ai eu la chance de croiser sur ma route livresque des auteures de haut niveau qui permettent à ma naïveté de prendre congé, à ma curiosité de se secouer et à mon ignorance d’être un peu moins ignorante. Elles, et ils, m’ouvrent à d’autres horizons. De plus, j’aime à penser que je n’ai pas été trop contaminé par les discours démagogiques de mes semblables et que, peut-être, vous  seriez intéressés à échanger avec moi.  

Si je prends la plume aujourd’hui, c’est que je pense souvent à vous, et ce, depuis longtemps. Je pense à vous dans ma petite banlieue grise Canadian Tirerisée, dans ma sombre clairière uniformisée et je me demande de quelle façon je pourrais entrer en contact avec vous. Malheureusement, je ne sais pas comment m’y prendre et quelle direction emprunter afin d’aller à votre rencontre.

Cette correspondance est comme une bouteille lancée à la mer. Je souhaite que le hasard puisse un jour se faire s’entrecroiser nos chemins. Mais, d’ici là, continuons à cultiver la dignité et le respect qui sont si utiles à nos communautés. Dans nos solitudes respectives, marchons d’un pas allègre et franc. Malgré l’adversité, soyons fiers.  

Respectueusement,


Jean-Luc Jolivet

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