Merci à Joséphine Bacon, Florent Volant, Serge
Bouchard, Naomi Fontaine, Louis-Karl Picard-Sioui, Natasha Kanapé Fontaine ainsi qu'à Michel Jean, et combien d’autres,
qui permettent à ma naïveté et à mon ignorance de prendre parfois congé.
LETTRE À UNE SŒUR ET À UN FRÈRE
INCONNUS
L’Ancienne-Lorette, samedi 20
avril 2013
Ma sœur, mon frère, mes semblables,
Je ne sais rien de vous.
Voilà une bonne raison, me
disais-je, de sortir de ma réserve et de vous faire un signe.
Même si l’appréhension et une
certaine gêne, pour ne pas dire une gêne certaine, m’accompagnent alors que je
vous écris cette lettre, soyez assurés que c’est en toute franchise que je
m’adresse à vous. Je vous remercie d’avance pour votre attention et pour votre indulgence.
Je ne sais rien de vous ? C’est
plus ou moins vrai. En fait, ce que je connais de votre vie et de votre peuple,
c’est ce que l’on a bien voulu me raconter. J’ai comme l’étrange impression que
les livres d’histoire ne sont pas trop de votre bord et, disons que vous n'y
tenez pas le plus beau rôle. La vérité se trouverait-elle plus près de ce que
l’on m’a caché ? Il y a de fortes chances.
Il me faut vous dire aussi que,
par mimétisme j’imagine, mes jeux d’enfance étaient passablement biaisés par
les westerns spaghetti hollywoodiens. En effet, aucun de mes camarades ne
souhaitaient vraiment vous personnifier et c’est à contrecoeur et apeurés par
les menaces des têtes fortes que les plus faibles du groupe devaient enfiler le
costume de l’indien. Pour ma part, j’étais bien à l’aise du côté des gagnants.
Fallait me voir aller sur mon cheval imaginaire, avec mon ceinturon, mon
chapeau de cow-boy et ma carabine en plastique de chez Korvette ! Que j’en ai poursuivi des peaux rouges !
Ça vous choque ? Ça vous laisse
indifférents ? Au fond, vous savez qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire pour que les choses changent.
Ce n’est pas pour me dédouaner,
mais je dois avouer que le souvenir des récits qu’ils ont enfoncés dans ma
caboche d’enfant, n’aident en rien à me faire une idée juste de votre réalité.
Et puis, lorsqu’on est nourri aux mamelles des préjugés et de l’ignorance, il
est bien difficile de s’ouvrir aux autres nations qui, pourtant, partagent la
même terre que nous.
Heureusement, j’ai eu la chance
de croiser sur ma route livresque des auteures de haut niveau qui permettent à
ma naïveté de prendre congé, à ma curiosité de se secouer et à mon ignorance
d’être un peu moins ignorante. Elles, et ils, m’ouvrent à d’autres horizons. De
plus, j’aime à penser que je n’ai pas été trop contaminé par les discours
démagogiques de mes semblables et que, peut-être, vous seriez intéressés à échanger avec
moi.
Si je prends la plume aujourd’hui,
c’est que je pense souvent à vous, et ce, depuis longtemps. Je pense à vous dans
ma petite banlieue grise Canadian
Tirerisée, dans ma sombre clairière uniformisée et je me demande de quelle
façon je pourrais entrer en contact avec vous. Malheureusement, je ne sais pas
comment m’y prendre et quelle direction emprunter afin d’aller à votre rencontre.
Cette correspondance est comme
une bouteille lancée à la mer. Je souhaite que le hasard puisse un jour se
faire s’entrecroiser nos chemins. Mais, d’ici là, continuons à cultiver la
dignité et le respect qui sont si utiles à nos communautés. Dans nos solitudes
respectives, marchons d’un pas allègre et franc. Malgré l’adversité, soyons
fiers.
Respectueusement,
Jean-Luc Jolivet
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