jeudi 4 avril 2013




                                            OPINION HÂTIVE


Dans ce jardin, nul besoin d’utiliser des engrais, de l’eau ou même d’y épandre des pesticides. Il suffit de le situer dans un coin sombre, loin des rayons libérateurs de la connaissance et le tour est joué. Bien replié sur lui-même, entretenu par la certitude d’avoir toujours raison, ce jardin deviendra fertile et le préjugé y poussera en abondance.


            Voilà ce que m’inspire l’affirmation suivante : « l’ignorance est le jardin où poussent les préjugés » qui est, à mon avis, très juste. Mais attention, je dois m’assurer de ne pas me laisser guider par mes propres préjugés. L’ignorance n’est pas l’apanage d’une minorité : elle touche toutes les couches de la société. Elle se manifeste, souvent, par une méconnaissance d’un domaine bien déterminé ou encore par la fermeture d’esprit et le repli obstiné dans nos terres de certitudes. Ce repli empêche toute discussion qui déboucherait, j’en suis convaincu, sur une meilleure compréhension de l’autre. Un bel exemple de cela est le racisme. Je lisais récemment dans le journal un reportage sur l’immigration dans la ville de Québec. J’ai été surpris de constater que certains Québécois voyaient encore les immigrants comme des paresseux qui viennent profiter du système et se la couler douce sur le bras de l’État. Pire encore, certains autres les perçoivent toujours comme des « voleurs de job ». Est-ce que ces gens se sont arrêtés, un seul instant, sur les raisons pour lesquelles un immigrant s’arrache de ces racines ? Pourquoi ce dernier quitte-t-il le ciel sous lequel il a vu le jour, en laissant derrière lui parents et amis ? Est-ce que ces gens ont tenté de s’extirper du confort douillet de leurs idées préconçues pour mieux le comprendre ? Est-ce là une manifestation de l’ignorance ? Je réponds oui. Est-ce l’œuvre des préjugés ? Je réponds également oui.


            Je remarque aussi cette fâcheuse habitude, chez plusieurs, de parler à travers leur chapeau et de classifier le gens et les choses dans des cases bien précises. Chez ces démagogues, tout est blanc ou noir, aucune place pour la nuance. Une personne est prestataire de l’aide sociale parce qu’elle le veut bien. « Il y en a de la job; suffit de vouloir travailler ! » Pas nécessaire de se formaliser du fait que l’estime de soi est à zéro et que cette personne est peut-être en détresse psychologique. Elle est simplement paresseuse, point à la ligne. Voilà une autre manifestation du tandem ignorance-préjugé.

           
            En conclusion, je suis sûr que le seul fait de se poser des questions, d’aller voir un peu plus loin est un pas dans la bonne direction. De plus, si nous gardons l’esprit ouvert, le risque de cultiver des préjugés dans notre jardin intérieur est beaucoup moins élevé.

Jean-Luc Jolivet
6 juin 2002

1 commentaire:

  1. L'ouverture à l'autre, curiosité intellectuelle et nuance...essentiel pour ne pas devenir un dangereux démagogue.

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