OPINION HÂTIVE
Dans ce jardin,
nul besoin d’utiliser des engrais, de l’eau ou même d’y épandre des pesticides.
Il suffit de le situer dans un coin sombre, loin des rayons libérateurs de la
connaissance et le tour est joué. Bien replié sur lui-même, entretenu par la
certitude d’avoir toujours raison, ce jardin deviendra fertile et le préjugé y
poussera en abondance.
Voilà
ce que m’inspire l’affirmation suivante : « l’ignorance est le jardin où
poussent les préjugés » qui est, à mon avis, très juste. Mais attention, je
dois m’assurer de ne pas me laisser guider par mes propres préjugés.
L’ignorance n’est pas l’apanage d’une minorité : elle touche toutes les
couches de la société. Elle se manifeste, souvent, par une méconnaissance d’un
domaine bien déterminé ou encore par la fermeture d’esprit et le repli obstiné
dans nos terres de certitudes. Ce repli empêche toute discussion qui
déboucherait, j’en suis convaincu, sur une meilleure compréhension de l’autre.
Un bel exemple de cela est le racisme. Je lisais récemment dans le journal un
reportage sur l’immigration dans la ville de Québec. J’ai été surpris de
constater que certains Québécois voyaient encore les immigrants comme des
paresseux qui viennent profiter du système et se la couler douce sur le bras de
l’État. Pire encore, certains autres les perçoivent toujours comme des «
voleurs de job ». Est-ce que ces gens se sont arrêtés, un seul instant, sur les
raisons pour lesquelles un immigrant s’arrache de ces racines ? Pourquoi ce
dernier quitte-t-il le ciel sous lequel il a vu le jour, en laissant derrière
lui parents et amis ? Est-ce que ces gens ont tenté de s’extirper du confort
douillet de leurs idées préconçues pour mieux le comprendre ? Est-ce là une
manifestation de l’ignorance ? Je réponds oui. Est-ce l’œuvre des préjugés ? Je
réponds également oui.
Je
remarque aussi cette fâcheuse habitude, chez plusieurs, de parler à travers
leur chapeau et de classifier le gens et les choses dans des cases bien précises.
Chez ces démagogues, tout est blanc ou noir, aucune place pour la nuance. Une
personne est prestataire de l’aide sociale parce qu’elle le veut bien. « Il y
en a de la job; suffit de vouloir travailler ! » Pas nécessaire de se
formaliser du fait que l’estime de soi est à zéro et que cette personne est
peut-être en détresse psychologique. Elle est simplement paresseuse, point à la
ligne. Voilà une autre manifestation du tandem ignorance-préjugé.
En
conclusion, je suis sûr que le seul fait de se poser des questions, d’aller
voir un peu plus loin est un pas dans la bonne direction. De plus, si nous
gardons l’esprit ouvert, le risque de cultiver des préjugés dans notre jardin
intérieur est beaucoup moins élevé.
Jean-Luc Jolivet
6 juin 2002
L'ouverture à l'autre, curiosité intellectuelle et nuance...essentiel pour ne pas devenir un dangereux démagogue.
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